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Billet de blog 11 mai 2021

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Une médaille de sable pour la fête des travailleurs de Niamey

Le premier mai, dans la capitale Niamey, on a eu droit à deux manifestations à peine. Les Centrales Syndicales ont réduit les habituelles festivités à cause du Ramadan et de la chaleur insupportable de ces jours-ci.

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Le premier mai, dans la capitale Niamey, on a eu droit à deux manifestations à peine. Les Centrales Syndicales ont réduit les habituelles festivités à cause du Ramadan et de la chaleur insupportable de ces jours-ci. À la marge de cela les syndicats ont présenté au ministre de l’emploi et de la protection sociale, Dr. Ibrahim Boukary, la longue liste des doléances. Entre elles : le respect de la Convention de l’Organisation Internationale du Travail pour les travailleurs migrants, les travailleurs domestiques, les conditions de travail dans les hôtels et les violations sexistes sur les lieux de travail…Auparavant le ministre en question avait eu l’occasion de décorer les travailleurs qui, dans leur travail, ont donné preuve d’abnégation et dévouement. Douze d’entre eux, dépendants des sociétés, de l’administration publique et privée, ont été décorés soit avec la médaille de bronze, d’argent, d’or et surtout la prestigieuse Grande Médaille D’or.  

Dommage. Syndicats, ministre et travailleurs ont perdu l’occasion, unique dans son genre, pour promouvoir et établir, de manière pérenne, l’institution de la médaille…se Sable, qui, il faut s’en douter, est la plus noble et méritée dans ce domaine. L’Afrique vit surtout de travail ‘informel’ parce que, ici chez-nous, c’est d’abord la vie qui est ‘informelle’ ! Elle est précaire, provisoire, tout juste suspendue à un fil (de sable). Les soi-disant travailleurs ‘formels’ et donc avec un contrat de travail en bonne et due forme, sont, dans l’économie actuelle, une infime minorité. Ministères, ONG, éducation, santé et quelque entreprise de construction, les usines pour l’extraction et le traitement de l’uranium et le pétrole et peux d’autres, constituent l’objet du cahier de charge des syndicats. Les autres, qui constituent la plus part des travailleurs et leur donnent la chance de survivre, sont dans ‘informel. Ce dernier ne contemple ni contrat ni salaire et il se caractérise pour sa ‘marginalité.

C’est le travail des ‘marginaux’ qui vivent en traversant les frontières entre un travail et l’autre et qui savent saisir l’occasion lorsqu’elle se présente. Dans le mines d’or qui représentent la seule source de revenu pour beaucoup et en même temps la perte de la santé et parfois de la vie, pour d’autres. Ou alors dans les guerres ‘asymétriques’ ou par sous-traitance qui se combattent, depuis plusieurs années, dans le Pays et dans le Sahel. C’est une véritable débouchée de travail pour plusieurs milliers des jeunes, qui rendus invisibles à cause du manque de réelles politiques de formation et de l’emploi, cherchent ailleurs, dans les armes, leur identité. La médaille de sable va, d’abord et d’office à eux, les ânes, les chameaux, les bœufs et les vaches qui, sans aucun regard pour le trafic de la capitale, des feux optiques avec les secondes contées, des taxis qui embarquent partout clients et bagages, sont les vrais rois et seigneurs du trafic. Ils exercent un travail informel mais pas autonome. Sans parles de la volaille qui, avec la fête du Ramadan, voient leurs jours s’évanouir comme un souffle dans le vent.

On trouve, par ailleurs, les réparateurs de casseroles, pantalons, montres, radios, portables, bicyclettes, voitures, motos, frigidaire, TV, machines à laver, cuisinières, lance-pierres, nids d’oiseaux, cages pour les pintades, installations électriques, pertes d’eaux, groupes électrogènes pendant les coupures d’électricité, ballons et partis politiques. A chacun d’eux on donnera, par droit constitutionnel, une médaille de sable pour leur mémoire éternelle. Les femmes ne sont pas en reste et elles se spécialisent pour la nourriture de la famille, les nombreux enfants, les voisines et les étrangers qui ne manquent jamais. Elles ont la capacité d’inventer, fabriquer, vendre la glace, les sachets d’eau fraiche, les amuse- gueule au long des routes, sauce, plats typiques, boissons alcoolisées, pagnes à la mode, perruques, mèches et tresses qui arrivent de l’Inde ou de Doubaï. Elles confectionnent le miracle de transformer le peu en beaucoup parce qu’elles savent que l’économie réelle est celle du quotidien, un peu pour tous à partir de rien dans l’assiette.

La treizième médaille, celle de sable, sera destinée aussi et surtout aux vendeurs ambulants. A celui qui vend la piscine en plastique pour se baigner pendant la saison sèche et les parapluies pour la courte saison des pluies. Vous le verrais plus tard proposes des laisses pour chiens et cages pour des perroquets que personne n’a jamais vu. Une fois au carrefour vous l’observerais nettoyer les parebrises des voitures et demander ensuite quelque chose pour manger. Vous vous surprendrez ensuite vendre des mouchoirs en papier et des masques pour l’invisible Covid que la poussière du désert a amené hors de portée.  Vous le noterez, enfin, beaucoup plus tard, proposer des brochettes encore chaudes au bord de la route, avec le maillot de la Juventus de Turin ou du Real Madrid.

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