Plus d’un milliard de regards se posent chaque jour sur un téléphone portable en Afrique. Les appareils mobiles font tellement partie de la vie quotidienne qu’un tiers des utilisateurs disent même jeter un coup d’œil à leur téléphone toutes les 5 minutes environ. Intitulée « Game of Phones », cette étude réalisée auprès de 5 000 personnes au Kenya, au Nigeria, au Zimbabwe, en Ouganda et en Afrique du Sud, révèle par ailleurs que consulter son téléphone portable est aujourd’hui devenu un rituel quotidien, qui commence très tôt dans la journée. Plus de 70 % des personnes interrogées avouent regarder leur téléphone cinq minutes après s’être réveillées. (RFI AFRIQUE, le 19/9/2016)
Si la téléphonie en Afrique bouge beaucoup la politique de l’Occident, elle, veut immobiliser. Dans certains domaines et où cela l’intéresse, la mobilité est admise, conseillée et vendue. Nous semble inutile où moqueuse la Déclaration Universelle des Droits Humains qui à l’article 13 en assure la possibilité. La conspiration a commencé le jour dans lequel la mobilité est pratiquée par ceux qui sont estimés pauvres ou qui ont été rendus tels par les politiques économiques. Afin de les arreter on use et abuse des systèmes de control, des dispositifs de chantage sur les aides au développement, sur les fonds fiduciaires liés à des bonnes pratiques d’élimination silencieuse des récalcitrants. On arrive ainsi ‘aux racines profondes des causes de la migration’ ( La Valette en 2015) qui, bien sur pour le bien des migrants, ils sont invités à rester chez eux et qu’ils cessent une fois pour toutes de déranger les chauffeurs du système. Pourquoi, au fond, devraient-il refuser la place que le destin des frontières a si bien conçu jusqu’à les dessiner à couleurs sur les murs ?
Le politologue camerounais Achille Mbembe, expatrié universitaire à Johannesburg en Afrique du Sud, affirme avec certitude que sur le thème de la mobilité se jouera le futur du monde. Tout bouge et la vie meme est mouvement. Seulement à partir d’un certain point et d’une partie du monde on essaie de contenir la mobilité et de définir ‘criminels’ ceux et celle qui se proposent de la libérer. Les armes, l’argent, les marchandises, les cultures, les Dieux, les compagnies d’assurances, les agences de voyage, les organisations humanitaires, les paradis fiscaux, les joueurs de foot et les maladies, tout cela circule et se déplace sans aucun problème. Pour les autres, les migrants, qui de la mobilité sont l’incarnation primordiale, on demande la collaboration de tous pour les empecher de bouger. Ils sont noyés dans le sable ou ensevelis dans la mer avec les concours de la municipalité plus proche au lieu du drame.
Il y a quelques jours de cela on a trouvé 26 femmes d’origine africaine arrivés mortes, immobiles, au port italien de Salerno, elles étaient alignées dans un bateau nommé Cantabria. En revanche la mobilité que l’on facilite au Sahel est désormais celle des drones armés des américains et des militaires qui cherchent des cibles, difficiles à discerner entre migrants, terroristes et simples éleveurs. Au Sahel la mobilité plus affirmée est celle des Présidents qui ne font que voyager. Les partis politiques pratiquent la mobilité et voyagent d’une alliance à l’autre selon les mouvements des vents du pouvoir en place. Finalement les étudiants et élèves aussi sont en mobilité. Ils migrent entre une greve des enseignants et l’autre déclaré par des syndicats bien souvent achetés par le pouvoir. Derniers, mais pas moins importants à bouger, sont les aides humanitaires qui passent, inaperçues, par les poches très mobiles des politiciens locaux.
Mauro Armanino, Niamey, Novembre 017
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