…’ car il n’y a pas pour l’homme, demeuré libre, de souci plus constant, plus cuisant que de chercher un être devant qui s’incliner’…de Fiodor Dostoiesvski, tiré de la légende du Grand Inquisiteur, dans le roman ‘Les frères Karamazov’. C’est une histoire qui nous arrive de lointain et que l’écrivain et philosophe Etienne de la Boétie avait à son temps souligné dans son ouvrage ‘Discours sur la servitude volontaire’. Dans la réalité il n’y a que l’embarras du choix parce que se prosterner, se soumettre aux pouvoirs plus ou moins constitués, semble proche de la nature humaine ou tout au moins comme une coutume assez encrée. La liberté, toujours et partout, a été perçue comme dangereuse pour l’individu, la société et les pouvoirs que l’histoire invente selon les âges et les saisons. L’être dont parle l’écrivain russe cité, se transformer en une chose ou une réalité capable de catalyser, pour un certain temps, l’adoration ou la soumission des citoyens.
Par exemple la violence des armes, de la guerre comme chemin privilégié pour la résolution des conflits, les sacrifices expiatoires pour la patrie ou une idée, démasqués en son temps par l’anthropologue français René Girard. Le drapeau, la terre, la culture, l’ethnie, la race, le positionnement radical, le parti, la langue, la religion et tout ce qui confirme l’identité demandent à s’incliner ! La prosternation, l’adhésion servile à ces différentes réalités ne peut que conduire au triste spectacle auquel nous assistons au Sahel et ailleurs. Les nationalismes de différente nature et les idéologies totalitaires parmi lesquelles il faut inclure le capitalisme depuis sa naissance, en constituent les exemples plus remarquables. On crée et on forme des militaires, on perfectionne les armes, on évalue les stratégies et surtout on achète des drones de nouvelle génération pour tuer les ennemis du moment. Car, nous le savons, rien dans l’histoire politique des peuples est plus important que la création d’un ennemi. Vrai ou imagé il est incontournable pour le système.
On s’incline au pouvoir, à l’argent, au succès, au prestige, aux frontières comme si elles étaient divinement révélées et non simple et précaire expression d’un rapport de force politique et militaire. On s’incline devant le chef, le roi, le président, le médecin, le religieux, le politicien avec ses paroles qui ne font que promettre ce qu’ils ne pourront jamais réaliser. On adore les guérisseurs, les devins, les vendeurs des nouveautés, les artistes et les acrobates de rien, les puissants et les prophètes qui souhaitent longue vie au pouvoir. On s’incline devant les forts de l’histoire, devant ceux qui ont toujours la dernière parole qui pourra décider de la vie ou de la mort des autres. On se prosterne, enfin, devant le miroir qui reflet l’image de soi que nous aimerions les autres célèbrent. L’adoration du soi mène à l’aridité de la vie et du futur.
Heureusement ne sont jamais manqués et ne manquerons jamais, ceux qui ne s’inclinent devant personne, si ce n’est que devant les pauvres pour les soulever.