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Billet de blog 20 décembre 2021

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Tournons la page

Changer ce n’est pas difficile comme on pourrait le craindre. Il suffit de tourner la page du cahier sur lequel on pensait déjà écrite notre histoire. Interrompre la vague, apparemment déterminée, des faits, événements et situations, est possible.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Changer ce n’est pas difficile comme on pourrait le craindre. Il suffit de tourner la page du cahier sur lequel on pensait déjà écrite notre histoire. Interrompre la vague, apparemment déterminée, des faits, événements et situations, est possible. Tourner la page signifie imprimer un futur différent à la narration dominante du présent. L’irruption de l’inédit déstabilise les plans, les projets, les lois et les coutumes estimées jusqu’alors intouchables. Notre temps, qui semble ‘normalisé’ et pour ainsi dire ‘ prédestiné’, est par contre marqué par des réactions, des sursauts et des rébellions qui, à leur manière, voudraient tourner la page de la normalité. Les démocraties autoritaires ou totalitaires qui apparaissent un peu partout dans le monde, sont l’expression d’une pathétique tentative de perpétuer un présent qui a trahi le passé et égaré le futur. Tourner la page signifie croire faisable un monde ‘autre’. ‘Un monde de protestations’ c’est le titre d’un livre, sorti récemment, qui liste et classe qui a cherché de tourner la page. Les premiers vingt ans de notre millénaire ont vu grandir les protestations de façon étonnante dans le monde.

De l’Afrique à l’Europe, de l’Amérique à l’Asie, on a eu des gens qui, dans la rue, ont demandé une démocratie effective, du travail, des meilleurs services sociaux, les droits civiles, la justice sociale et la fin des abus, de la corruption et de l’austérité, entre autres multiples revendications. Ce que ces protestation ont en commun c’est la conscience de la faillite de la démocratie et du développement économique et social, ensemble au manque de confiance dans les processus politiques actuels. Le livre cité présente le résultat de l’analyse des protestations effectuées entre le 2013 et le 2020 et souligne l’importance de la dimension politique dans les manifestations. Elles ont eu lieu dans 101 Pays et certaines ont traversées les frontières. La première revendication dans la période de 2006 à 2020 a été celle de demander l’exercice d’une démocratie ‘réelle’. Aussi à Niamey au Niger, tout comme dans bien d’autres capitales du Sahel, on a assisté à des tentatives de tourner la page. Le protestations liées, directement ou pas, à ce que le rapport soulignait ont été dominantes. Il s’agissait de la demande d’une pratique de la démocratie véritablement populaire.

Changer ce n’est pas si facile comme on pourrait le croire. Les démocraties actuelles, tropicalisées, autoritaires ou totalitaires, possèdent tout un arsenal de dispositifs conçus pour dissuader qui voudrait, en toute impunité, tourner la page. Contrôles et action préventives vis-à-vis des militants estimés dangereux, usage disproportionné des forces armées, gaz lacrymogènes, arrestations arbitraires à domicile ou dans la rue et, surtout, l’usage de la répression comme système de control social. La colonisation des esprits va de pair avec la domestication, voulue ou acceptée, de la justice, seul rempart contre les abus sans limites de la hybris (arrogance) du pouvoir. Et pourtant, dans ce contexte, tourner la page est nécessaire et urgent pour qui croit que la vie n’est pas un problème à résoudre mais un mystère à découvrir et une aventure qu’il faut risquer. Tout enfant qui arrive dans ce monde vient avec dans sa main une feuille qui n’est pas encore écrite appelée espérance.

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