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Billet de blog 21 mars 2022

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Poussières Occidentales et poussières du Sahel

Mamoudou et son compagnon de voyage au Maroc et en Algérie, se trouvent à Niamey depuis deux semaines. Ils portent le seul habit que les militaires algériens leur ont laissé, après avoir volé tout ce qu’ils avaient surplace dans leurs poches : un peu d’argent et le portable.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mamoudou et son compagnon de voyage au Maroc et en Algérie, se trouvent à Niamey depuis deux semaines. Ils portent le seul habit que les militaires algériens leur ont laissé, après avoir volé tout ce qu’ils avaient surplace dans leurs poches : un peu d’argent et le portable. Le reste ils l’avaient déposé dans la chambre qu’ils louaient avec d’autres migrants comme eux, en cherche de fortune à Alger. La poussière s’identifie avec la couleur de leurs pantalons et des tricots qu’on leur a laissé lors de la déportation. Au final ils ont été abandonnés dans le désert qui sépare le Niger de l’Algérie. Ils cherchent à manger, des habits, un lieu sur où passer la nuit et ils sont en liste d’attente auprès de l’OIM, L’Organisation Internationale des Migrations. Les maisons d’accueil de cette institution onusienne sont saturées par les migrants qui cherchent à rentrer au Pays d’origine, après avoir échoué leur projet migratoire. Mamoudou a cherché pendant trois fois d’atteindre l’Espagne depuis le Maroc et chaque fois les ‘passeurs’ ont pris son argent sans lui faire traverser la mer. Il a reçu des bastonnades de la part des militaires marocains à la frontière avec l’Algérie et, depuis lors, il éprouve de la peine à respirer, surtout à cause de la poussière.

A Niamey et ailleurs dans le Sahel elle, la poussière, nous garde sous siège depuis une dizaine des jours, du matin au soir. Elle est bien visible dans l’air, les silhouettes, les paysages, dans les maisons, dans la politique et dans les mains de ceux qui pendant trop longtemps ont réduit l’autre à un symbole, un objet, un animal, une chose qui n’est pas digne d’exister. La semaine passée, par exemple, un bus de ligne entre le Niger et le Burkina Faso a été pris pour cible par des jeunes armés avec le prétexte que parmi les passagers se trouvaient trois militaires en civil avec les armes cachées dans les sacs. Les ‘djihadistes’, n’ayant pas pu identifier les propriétaires des sacs, ont procédé à l’élimination des passagers laissant libres les 4 femmes du convoi. La compagnie frappée par l’attaque a suspendu les voyages à destination du Burkina Faso.

En Occident, comme il fallait s’y attendre, la poussière, jusqu’alors confinée derrière les rideaux du totalitarisme hygiénique et médiatique, s’est tout à coup montrée dans le conflit armé qui se déroule aux frontières inventées, dessinées et armées. Il s’agit d’une apocalypse car cette guerre révèle la poussière engendrée par la colonisation néolibérale qui a séduit et ensuite abandonné la civilisation occidentale. Il serait difficile de définir autrement l’Occident et ceux qui en supportent l’arrogant crépuscule, qu’avec le dit-on…’ Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière’ ! Pour cela les fabricants d’armes, utilisant le prétexte hypocrite des aides à la démocratie en danger, organisent et perpétuent les guerres grâce aux politiciens à qui ils assurent un brillant futur. Oui, tout retourne à la poussière, pendant et surtout après la guerre. Quand tout sera, enfin terminé, il ne restera que la poussière des cimetières.

La poussière, d’ailleurs, avait appris depuis longtemps le chemin pour arriver partout et, sciemment, elle avait commencé par les rêves. Graduellement ils s’étaient éteints, normalisés, rendu légers et finalement ils ont été ensevelis. Sans perdre du temps la poussière s’est mise à occuper les yeux, afin de rendre opaques les visages et les histoires des autres. Cela a facilité leur transformation en simple marchandise d’échange à bon marché. La contamination de la poussière aux paroles s’est déroulée tout naturellement et sans conflits notables. Chansons, promesses, vérités, prières, serments, contrats, fables pour adultes et les salutations quotidiennes ont été mises sous siège par la poussière. Le résultat attendu et espéré s’est réalisé : la Babylone est la nouvelle capitale de leur monde. Tout était prêt afin que la poussière mène au bout son occupation. Les ventres de leurs femmes se trouvèrent saturés de poussière amenant la stérilité que nous pouvons observer dans la société. La poussière avait triomphé partout.

Il en fut ainsi que le matin d’un jour de fête, sans songer à s’annoncer, se leva de l’est un vent léger qui se tourna en pluie torrentielle. Tout d’un coup la poussière se transforma en boue pour les enfants qui, les pieds nus, commencèrent tous joyeux à jouer.

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