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Billet de blog 23 janvier 2020

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Tous à la maison. Janet, Mohammed et le restaurant

Janet, d’origine libérienne, avait séjourné à Niamey pendant quelque temps avant d‘atteindre l’Algérie avec des compatriotes. Cinque ans au moins s’étaient écoulés depuis son départ pour Alger

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Janet, d’origine libérienne, avait séjourné à Niamey pendant quelque temps avant d‘atteindre l’Algérie avec des compatriotes. Cinque ans au moins s’étaient écoulés depuis son départ pour Alger. Pendant le voyage une amie à elle, enceinte, avait perdu son enfant dans le désert car, pour lui donner un futur, elle voulait qu’il naisse en Algérie. Ils auraient eu, peut- être, pitié d’elle et des autres femmes qui l’accompagnaient jusqu’à la capitale Alger. Janet avait trouvé une place dans un quartier à la périphérie de la ville. Elle préparait la nourriture et vendait des boissons aux autres migrants qui, comme elle, cherchaient fortune en Algérie. Janet avait accouché un enfant et, pour lui éviter tout problème vue le type de société dans laquelle se trouvait, elle l’avait appelé Mohammed, décédé avant d’atteindre deux ans. En vérité la maladie de l’enfant était tout à fait soignable et il a été toute une question de temps. Quand Janet est arrivée à la clinique Moustapha, qui donne des soins gratuit aux migrants, son fils était déjà retourné à la cité des enfants qui se trouve proche de tout désert qui se respecte.

Les expulsions des migrants, réfugiés, demandeurs d’asile, mendiants, travailleurs ‘clandestins’ dans le bâtiment, irrégulier et régulier, tous marqués par la pauvreté et souvent sans les documents requis par les autorités, avait débuté il y a longtemps de cela. Bien avant des marches révolutionnaires qui auraient occupé la une dans les journaux. Des centaines des milliers de personnes ont marché dans le places et les routes de la capitale et des autres villes plus importantes du pays. L’ancien et malade président de la république a été forcé à retirer sa candidature et, malgré une élection présidentielle contestée, les marches dans les rues continuent. Ce passé 17 janvier les gens ont célébré la manifestation numéro 48. Entre temps l’Algérie a stipulé des accords d’expulsion et de retour à domicile avec plusieurs pays limitrophes, entre eux le Niger. Le gouvernement a reconnu, déjà en 2018, d’avoir procédé à l’expulsion de quelque 25 mille migrants dans les derniers cinq ans. L’accusation principale, dans le cas de nigériens, était celle d’exercer le délictueux métier de mendier avec les enfants et de prostitution pour les femmes. En 2019, chaque mois a effectué le refoulement de centaines de personnes indésirables. Selon l’Organisation des Migrations Internationales OIM, qui enregistre les passages dans le nord du Niger, environ 11 mille personnes ont été expulsées de janvier à novembre. Les autorités algériennes ont naturellement démenti toute accusation d’abus vis-à-vis des droits humains. Un rapport bien documenté d’Amnesty International conteste cette affirmation. De leur part, les révolutions hebdomadaires, ne semblent guère intéressées au sort des migrants et de la déportation des pauvres.

Janet a été arrêtée dans la rue par la police et, sans pouvoir retourner à la maison chercher ses effets, a été amenée avec d’autres étrangers comme elle, dans un centre pendant deux semaines. Quand le nombre de passagers a atteint ce que les autorités souhaitaient, par des camions et des bus les migrants, après un long et pénible voyage, ont été abandonnés à leur sort près de la frontière du Niger, le point zéro. La zone tampon est longue une vingtaine de kilomètres, désertique, avant d’atteindre Assamaka et puis Arlit qui, à part l’uranium, peut vanter nombreux camps d’accueil gérés par l’OIM. Janet raconte qu’il était difficile marcher dans le sable, surtout pour les femmes avec les enfants, avec la peur de tomber et d’être abandonnées à leur destin sans eau et nourriture. Janet disait d’avoir été tapée par un agent de sécurité de l’OIM parce que accusée de non-respect de la ligne qui permettait d’accéder au pain quotidien offert aux migrants. Janet rappelle qu’elle et les autres étaient traités comme des animaux, sans aucun respect et humanité. Ni l’eau ni la nourriture étaient suffisants vu le grand nombre d’expulsions de l’Algérie ces derniers mois. Janet, avec ses 42 ans, s’est portée volontaire pour retourner au Libéria, Pays qu’elle a laissé depuis longtemps. Son compagnon se trouve encore à Arlit et elle espère, si Dieu veut, le rencontrer un jour.  Elle sait, d’ailleurs, que dans son Pays l’ancien footballeur George Weah, le seul ballon d’or africain à la date, est le président et qui n’arrive pas à redresser le ‘bateau’. L’économie est en berne, la corruption désormais endémique et la pauvreté croissante. Ce lundi elle a le rendez-vous avec l’employé de l’OIM et elle espère d’être admise dans la liste des prochains départs. A Alger Janet avait un enfant, un restaurant et des cannes de bière pour les migrants de plusieurs nationalités. Elle dit que ses affaires allaient très bien et elle était contente du peu qu’elle possédait en Algérie. Elle remercie pour sa vie.

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