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Billet de blog 24 mai 2017

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Les migrations comme un des miroirs de notre monde

La fonction d’un miroir, nous le savons, est celle de refléter l’image de ce qu’on présente devant lui. Dans une société donnée on trouve des catégories qui se présentent comme le «miroir» de son identité profonde. La fonction «miroir» sociale se réalise à travers les catégories humaines plus vulnérables, fragiles ou marginalisées. Etant sans défense on pourra mieux discerner le visage «violent» de la société. Les prisons, les hopitaux, les enfants, les minorité, les femmes et… les migrants constituent des miroirs à travers lesquels une société donnée peut se regarder.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Nous allons choisir le «miroir» migrations afin de tenter le «lire» notre monde. Tout miroir, en effet, révèle un aspect de vérité bien souvent cachée ou couverte par ceux qui ont l’interet de le faire. Le «miroir» migration nous montre les mécanismes qui se cachent derrière les politiques les affectants.                       

1. Le type de monde que nous voulons 

Si un monde divisé, partagé, colonisé, inégal et profondément marqué par la violence et l’injustice ou un monde différent, basé sur la conviction que le monde est une ‘maison commune’ dans laquelle toute personne a sa dignité reconnue et valorisée. Si un monde dans lequel naître dans un pays peut décider la longueur de la vie, l’éducation, les soins médicaux et la possibilité de voyager ou un monde dans lequel ce qu’on EST, devient plus important de ce qu’on A ! Si un monde dans lequel voyager sans risques est l’apanage d’une minorité et pour les autres c’est la stabilité forcée ou le parcours du combattant. Quel type de monde on veut donc, quel monde on est en train de batir, quel monde est celui qui exclue la majorité de ses habitants pour cantonner les autres derrière des barbelés, des murs et des camps. Un monde dans lequel pour tenter de vivre il faut mourir. Un monde privatisé par les puissants qui pensent gÉrer le monde comme une entreprise ou un monde qui se fait à partir des faibles. Quel type de monde nous désirons laisser aux nouvelles générations, si un monde pollué ou libéré de l’esclavage du profit à tout prix et à n’importe quel prix. Si un monde morcelé par des interets d’une infime minorité ou un mode ouvert à l’histoire des sans voix. Pour le moment il semble que le notre soit un monde rempli de frontières.

2. Les frontières  comme symboles de séparation

Elles sont visibles et invisibles. Frontières géographiques, économiques, politiques, idéologiques, religieuses et culturelles. Elles sont toujours une construction politique et symbolique. Elle son là pour séparer ou pour faire passer. Elles sont exportables, commerciales ou simplement dissuasives. Dans l’histoire humaine elles ont changé maintes fois d’horizon et d’usage. Frontières entre les ages, entre hommes et femmes et pour quelqu’un aussi entre les civilisations. Civilisés et non civilisés, développés et non développés, riches et pauvres, dignes et non dignes d’histoire. Les frontières sont ce que les migrants transgressent le plus. Ce faisant ils nous rappellent que la ligne réelle qui divise le monde est celle entre ceux qui peuvent voyager sans problèmes et ceux pour qui voyager est LE problème. Passant les frontières ils deviennent les artistes inconnus d’un monde différents dans lequel la frontière au lieu d’etre un FRONT, une bataille, se transforme en un PONT, un passage. Les frontières sont des constructions arbitraires, selon le rapport de force du moment : il n’y a rien de naturel dans leur définition. Les migrants et les migrations sont là pour révéler la violence des murs et des barbelés qui entourent ceux qui ne veulent pas que le monde change. La migration est la forme plus importante de lutte contre la misère qui sépare les continents et insinue la possibilité de vivre autrement la vie. Une possibilité offerte à tous, y compris ceux qui se barricadent derrière les murs de la mer et du sable. Où se trouvent maintenant les frontières de l’Europe ? A Bamako, Nouadibou, Melilla, Ceuta, la Turquie, la Libye et Agadez, pour le moment. Cela s’appelle ‘externalisation des frontières’. C’est-à-dire garder à distance les pauvres et ceux qui dérangent et impliquer les autres, en bon sous-traitans, de faire le ‘boulot’, le job, le travail sale. Loin de témoins dangereux et des tout contrôle humanitaire. Les frontière sont la politique, où la guerre appliquée au territoire. Parmi les barrières il y a la manipulation des paroles. Pour commencer il faudrait démolir le mur des mots.

3. Les mots ne sont pas innocents

Tout comme les lieux et les yeux, les paroles, les mots n’ont jamais étés «innocents». Les paroles ont une vie, une histoire, une politique et une économie. Ils ont aussi une archéologie et pour en découvrir le sens il faut toujours les savoir creuser. Clandestin, illégal, irrégulier, criminel, trafiquant, terroriste…tous ces mots sont devenus des synonymes. Pour cela Il a suffi de les manipuler pendant des années, de profiter de certains événements, de jouer sur l’ambiguité et des allusions, de gerer l’information. Il a suffit  de lier les paroles à l’argent et au pouvoir des médias. Tout cela a confectionné un lexique politique pour l’usage polique des idées et des pratiques. Sans aucun problème on acceptera de décider que faire de la migration «irrégulière ou illégale», comment venir à bout des clandestins et comment stopper aux frontière les potentiels’ terroristes’ qui menacent l’ordre publique et la sécurité ( de qui ?).Qui a le pouvoir de définir le sens de mots, leur usage aura le pouvoir sur la réalité politique et sociale. La première action de démolition des frontières sera donc celle qui tourne autour des mots. L’interrogation et le questionnement des paroles dominantes est un pas fondamental vers la rédemption de la réalité. Il faudra le rappeler : il n’y a pas des clandestins, des irréguliers et des illégaux sans un choix politique bien déterminé. L’illégalité ne relève pas de la nature mais bien de la politique et fondamentalement de l’économie. On n’a rarement entendu parler de l’illégalité ou de l’irrégularité des riches. Les pauvres, en réalité, sont considérés «irrégulier» le jour qu’ils décident de tenter de quitter la pauvreté et de s’aventurer ailleurs. Il n’y aura pas de changement de monde sans un changement des mots, sans une mise en discussion de la narration dominante concernant les paroles. La contestation ne peut ne pas commencer qu’avec les mots. Ceux qui veulent proposer un autre type de narration du monde, un monde différent, digne et dans lequel pouvoir se réaliser comme humains, ne pourront se passer de l’usage de nouvelles paroles.  Ces dernières peuvent aussi débusquer les mensonges qui entourent les migrations.

4. Les migrations comme «business», affaire rentable

Certains ont hasardé des chiffres (450 milliards d’Euro), pour le business de la sécurité, très liés à celui des migrations. Le business du contrôle des frontières, de la gestion des centres d’hébergement, de retour au pays, des patrouilles, des systèmes de surveillance. Tout l’argent qui est dépensé pour maintenir à distance les pauvres, les mécanismes de défense, les filières des passeurs et des trafiquants d’etres humains.  La liste des policiers, douaniers, politiciens, humanitaires, les Nations Unies, l’OIM, les Eglises, les associations et partie de la société civile, l’Etat, tout ce monde bouffe de la politique du ventre décriée par Bayart grace aux migrants. Pour les Etats de destination le busines est sans aucun control, il suffit de voir l’opacité de FRONTEX, les frontières extérieures de l’Europe. C’est un business pour une Europe en déclin démographique où les migrants deviennent otages de l’économie  submergée à bon prix, par exemple dans le SUD de l’Italie. Business pour les petits et les grands passeurs de l’économie globale qui continuent d’exploiter la main d’œuvre bon marché. Business pour les marchands d’homme et de femmes et d’’enfants qui, avec les fabricants d’armes perpétuent la guerre. Tant qu’il y a laguerre il y a de l’espérance (pour quelqu’un). Un business qui a une longue vie devant lui. Il suffit de regarder l’organisation et la gestion des centres et des camps, dans le passé inventés pour éliminer, détruire, déporter et exterminer. Les camps et les centres sont là pour aujourd’hui pour annuler la personnalité du migrant, de le rendre «flexible», de le terroriser et en dernier ressort, de le «discipliner» selon les règles établies par le pouvoir de domination. Le business se développe dans les deux sens, de la part de l’Occident, selon le système de sécurité qui tout justifie et  dans le SUD du monde. Les politiciens, les ONG, les différentes filières gagnent son due. Tout cela confirme la marchandisation des migrants.

5. Une marchandise en plus sur le marché globale

Rien de surprenant, quand tout devint marchandise, la marchandise est tout. C’est dans l’économie, la politique et parfois dans la religion. On fait du marchandage aussi avec Dieu, essayant de le mettre de notre coté. La globalisation c’est cela. Gagnant et perdants, selon le lieu de naissance, la position, la couleur, l’argent dans la banque et la famille. Bien sur il y a une portion de chance, mais cela n’est pas sans rapport au destin dessiné par les économistes de la Banque Mondiale et di Fond Monétaire. Ils ont commencé à s’intéresser des pauvres pour que rien ne change du système de Control Global. Le Nord donne l’argent pour sous-traiter les migrants et le SUD s’arrange bien de avec ce marché. Alors les migrants deviennent une marchandise juteuse, il suffit de regarder la Turquie, le Maroc, la Libye et bien sur le Niger. Ce dernier a été invité, dans la personne du président, et avant lui les ministres intéressés. Du marchandage qui correspond à celui de l’autre rive et qui efface tout d’un coup les indépendances, la fierté d’une culture de l’hospitalité et l’histoire migratoire du Sahel. Tout cela pour une poignée d’euros. Les frontières, les migrants et la dignité sont mis aux enchères dansle marché. Quelque million et le prétexte de sauver des vies dont on ne s’intéressait pas du tout  auparavant. Tout d’un coup la vie des s migrants devient importante. Meme dans le discour pour le jour de l’indépendance du Niger on en parle. Le trafic des migrants, d’armes, de cocaine et des cigarettes devient UN avec le trafic des migrants. Rien de nouveau sous le soleil du monde. Les migrations ont toujours existé et plus, elles sont à l’origine du peuplement du monde. L’Afrique, berceau de l’humanité s transforme en sous-traitante des mobilités humaines afin d’en controler, filtrer et en définitive empecher les migrations vers d’autres continents. On va à l’encontre du sens de l’histoire et cela n’est pas sans conséquences.

Conclusions

On peut casser le «miroir» en morceau afin de mystifier la réalité mais, nous le savons, la réalité est «têtue» ! L’on pourra tenter de barrer les routes,allonger les murs et propager les barbelés, cela ne fermera pas la mobilité humaine de continuer le voyage de l’espérance. On devrait pouvoir, avant qu’il ne soit trop tard, tenter de changer le système qui favorise les conditions de la fracture ou apartheid du monde. Cela implique un changement de paradigmes dans l’économie et la vision du monde.

Toute personne est un migrant dans la vie et parler des migrants c’est donc parler de nous et de notre identité humaine. Cela devrait etre reconnu et valorisé. Les continents se sont enrichis avec les mouvements migratoires. Une attitude honnete devrait pouvoir assumer les conséquences politiques, culturelles, éthiques et économiques de ce processus. Dans le NORD il s’agira d’opérer pour remettre en discussion un modèle de société et de développement qui n’est conçu que pour une minorité. Sans ce changement l’Occident va tout droit vers sa perte, spirituelle et anthropologique avant tout. La remise en question du modèle dominant implique aussi l’ouverture vers le reste du monde depuis une vision humble et responsable vis-à-vis du monde comme «maison commune». Arrêter une fois pour toute la politique de colonisation/globalisation qui écrase et perpétue le système d’exclusion. Bannir les armes comme instrument de politique internationale et de diplomatie. Pour ne pas se perdre l’Occident doit démanteler les murs idéologiques qu’il continue de batir autour du monde. 

Dans le SUD, il serait nécessaire un sursaut de dignité et de retour aux racines profondes de la spiritualité humaniste qui caractérise bonne partie des cultures «conviviales» (Ivan Illic). Cela implique le courage de  crier le NON par rapport à toute tentative néocoloniale dans l’économie, la politique et la gestion des migrations. La résistance à l’achat des consciences pour une poignée d’euros est une honte qui ne pourra ne pas laisser des traces dans la mémoire du présent et du future de l’Afrique. Le SUD devra réinventer un autre imaginaire sociale et symbolique capable de défier l’autre monde basée sur une stratégie deconsommation sans limites et sans fin qui risque de prendre au piège les valeurs pourtant vivantes des cultures africaines. Cela implique aussi l’audace de donner la parole à ceux et celles à qui la parole a été confisquée pour gerer le pouvoir des élites, faites à l’image et ressemblances des celle du NORD.

En définitive il s’agit de prendre au sérieux le cri des migrants qui transformes les frontières, passent les murs, défient les barbelés et déplacent les «Colonnes d’Hercule» afin d’inventer un futur différent. Ce faisant l’on pourra finalement écrire une autre histoire, sur la mer, le sable et les larmes d’un accouchement d’espérance.

                                                                                   Mauro Armanino, Niamey, mai 07

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