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Billet de blog 27 septembre 2017

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Le premier jour de l’année à Niamey

Il est tombé le vendredi 22 septembre, à cause de la nouvelle lune qui apparait au coucher du soleil. L’exode de la Mecque à Médine du prophète et de ses premiers compagnons. Hégire signifie en arabe "exil" ou "migration" qui sera par la suite endémique dans l’histoire humaine.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il est tombé le vendredi 22 septembre, à cause de la nouvelle lune qui apparait au coucher du soleil. L’exode de la Mecque à Médine du prophète et de ses premiers compagnons. Hégire signifie en arabe "exil" ou "migration" qui sera par la suite endémique dans l’histoire humaine. Le calendrier commence avec l’exil et continue selon les lunes et les années qui se comptent différemment. Ici à Niamey, nous nous trouvons à peine en 1439 parce que nous avons commencé plusieurs siècles après l’autre calendrier. Il était compliqué que de mettre d’accord les jours et alors il y avait ici une fête qui n’importait à personne. Les choix politiques arrivent trop tard pour convaincre la lune et le soleil, qui est à la base de l’autre calendrier, afin de trouver un acceptable compromis. Dans dix jours il y aura un jeune pour rappeler celui de Moise et celui du peuple nigérien beaucoup plus long. Cela par respect à la tradition sunnite tandis que celle chiite rappelle le sacrifice de Hussein, petit- fils du prophète de l’Islam, assassiné. Le premier d’une longue série.

Le calendrier lunaire est plus rapide du solaire et cela fait que les jours de l’année soient réduits à 354 ou 355 au plus. A organiser l’ensemble du temps a été le calife Omar quand encore l’Etat Islamique n’avait pas encore pris pied grâce aux financements des pays arabes et occidentaux. Avec moins des jours le temps passe plus vite et l’on recommence la nouvelle lune entre les saisons. Quant à l’exil à Médine, près de 400 kilomètres au nord de la Mecque, avec sa pierre noire. Peu, de toute manière se sont aperçus du nouvel an. Il n’y avait pas de bruit, des pétards ou de la musique à tout volume. La municipalité n’avait rien souhaité avec les banderoles. Un début d’année ordinaire, lunaire et avec l’angoisse d’arriver à joindre les deux bout pour la fin du mois vu les petits salaires. La seule  chose qui marchait c’était les crédits pour les portables et les marchés au long des routes, visités tôt le matin par des femmes voilées qui stationnent de manière impossible leur tout terrain.

Année nouvelle et vie nouvelle. Surtout pour les ONG de l’humanitaire qui souhaitent que tout puisse continuer ainsi ou pire. Imaginons un moment s’il n’y avait pas les migrants, les réfugiés, les déplacés, les inondés, les nouveaux pauvres "climatiques", les enfants à mendier dans les rues, les maisons qui tombent quand il pleut et les femmes victimes des violences domestiques. Imaginons un moment que les paysans ne soient pas obligés à l’exode en ville, que les filles changent le métier d’aider à mieux passer les nuits dans la capitale, que les jeunes sans travail qui fument et (en cachette) boivent. Imaginons un moment que le désert cesse d’avancer, les le puits promis soient finalement creusés, que les arbres arrêtent de se transformer en bois de chauffe pour cuire la viande, que les écoles débutent en octobre, que les politiciens changent la politique et les lois. Imaginons tout cela et plus. Que d’autre resterait pour les centaines d’agences qui vivent  et prospèrent grâce aux malheurs des autres. Samaritains plus ou moins intéressés qui spéculent sur la douleur des autres et ne sont pas motivés pour changer le système qui crée ce qu’ils soignent après.

L’année solaire des ONG et les Agences Globales Caritatives est aussi bien "lunaire", opaque. Peu importe pour qui ne fait que voyager, conduit des missions d’évaluation, confectionnes des rapports et surtout déplace les projets où avec plus de probabilités on trouvera des bailleurs des fonds. Il ne s’agit que "d’ambulances" fictives et précaires du système qui aussi grâce à elles continuent de fonctionner, se propage et surtout se reproduit. On a mis ensemble toutes les conditions pour que le peuple ait un autre véritable nouvel an, en exil.

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