C’est un banquier avec un peu de vernis humanitaire dicté par l’âge et l’horizon culturel dont il a été nourri. Il est sans pitié comme ceux qui n’ont jamais souffert la guerre, la famine et la difficulté de choisir l’école de son gré. Macron est sans lunette mais il en porte une paire invisible et réelle. C’est le filtre économique qui l’a séduit et l’accompagne dans son approche à la réalité. Il vient du Nord, de l’Occident, de la France postcoloniale dont il est consciemment héritier. C’est un banquier avec le pouvoir, dont difficilement il se prive, de décider en le faisant remarquer. Le nouveau discours apparait suffisamment vieux et daté, malgré lui. Il ne fait que dire JE, en bon monarque, prêté à la démocratie française.
Dans le discours de Macron devant l’assistance universitaire du Burkina Faso bien choisie et canalisée comme les migrations qu’il préconise, il y avait un nombre important d’absents. Certains étaient exclus d’office et les autres sur le chemin. Les premiers exclus ont été les visages et la voix des pauvres. Ils sont pourtant bien visibles pour qui sait les voir. Les paysans, les laissés aux marges de la réussite, ceux qu’on enferme parce que dangereusement en voyage, les enfants sans future et ceux que les statistiques réduisent à des chiffres à l’usage des aides humanitaires. Les pauvres n’était pas là parce qu’ils n’ont jamais été là, devant Macron, dans l’auditoire et ailleurs.
L’autre grand absent a été l’histoire réelle, et non celle racontée par les intérêts français ou au plus pour les ‘gagnant-gagnant’, mais toujours dans les mêmes classes sociales. L’histoire patiente de ceux qui ont donné la vie pour la dignité et la liberté de la parole de vérité. L’histoire d’un continent et d’une région jusqu’à présent pré-carré de la puissance coloniale désormais perdue. Une vision d’histoire unique, depuis l’éducation, pour terminer au rapport entre politique et religion, complexe mais non liquidable en quelque mot d’arrogante suffisance.
L’absence de respect pour d’autres manières d’interprétation du monde, de la fécondité humaine, des cultures dans leur complexité et du rôle essentiel de la spiritualité dans tout développement humain. La culture n’est pas seulement le musée, les ouvres d’art ou la langue française. C’est avant tout l’écoute des silences cachés dans toute culture et personne. Le silence était absent parce que Macron est venu dicter son message à l’Afrique depuis Ouagadougou, lieu particulier de la parole libérée dans la lutte. D’où lui vient le droit, jamais confié à aucun africains en ce temps récents, de prendre la parole à l’université.
L’absente, bien remarquée dans son discours des migrants ‘informels’, qui n’ont pas de statut reconnu, qui n’existent nulle part. Les absents des yeux, mis en quarantaine ou, au plus, gracieusement listé dans les privilégiés qui pourront un jour atteindre le paradis (français ?). Ils n’existent, pour Macron, que certaines catégories des personnes, celles qui réussissent, qui démarrent des entreprises, qui pratiquent le sport pour gagner, qui étudient ailleurs et qui auront le privilège (inouï ?) de suivre les cours en France. Les autres langues, celle des gens, sont absentes, effacées. Il n’y a qu’une langue qui ait le droit de prospérer.
Macron est un banquier dont la présidence est un prétexte afin de véhiculer sa vision du monde. Les discours d’égalité des sexes, d’opportunité économiques et des droits humains ne sont que des symptômes transitoires des absences de ceux qui n’apportent le prestige cherché. Une vision militariste, sécuritaire et cynique, totalement asservie au néolibéralisme dont il est un fidèle porte-parole. La plus remarquée absence de son discours demeurera l’humilité. C’est seulement elle qui ouvre les portes d’un futur différent pour tous.
Mauro Armanino, Niamey, Novembre 017