- Papy, comment c'était avant l'épidémie ?
- AVANT ? Les gens s’embrassaient, se serraient la main, se caressaient, se touchaient, se bousculaient.
- Sans masques ?
- Oui ! Nous vivions sans masques.
- Ils étaient fous ! Et ils n’avaient pas peur des microbes, des virus ? Je comprends mieux pourquoi ils étaient tous malades.
- Mais non ! Il y avait des malades, mais tout le monde n’était pas malade, voyons !
- Et ils allaient les uns chez les autres, comme ça, sans aucune précaution ?
- Bien sûr ! On mangeait ensemble, on dansait, on allait au cinéma, on allait au théâtre pour ceux qui aimaient ça. On voyageait.
- Où vous vouliez ?
- Tes parents, à quelques reprises avant que tu sois né, se sont payé des week-ends dans les grandes villes européennes.
- En avion ?
- Oui ! Les voyages étaient devenus peu chers.
- Donc, il y avait plein d’avions dans le ciel pour des gens qui avaient envie d’aller visiter un musée ou voir des monuments à trois ou quatre heures de vol de chez eux ?
- Eh oui ! C’était comme ça.
- Mais alors il y avait une pollution pas possible.
- Disons que ça n’arrangeait pas les gaz à effet de serre et le réchauffement climatique. D’autant plus qu’il n’y avait pas que les humains qui voyageaient. Il y avait aussi des marchandises qui venaient de l’autre bout de la planète.
- Quoi par exemple ?
- Mais tous nos appareils électroniques, nos smartphones, nos ordinateurs, nos voitures, une partie de notre nourriture, les fruits, la viande, et même les fleurs.
- Ça venait par avion ?
- Par avion et par bateau.
- Et tout ça fonctionnait au pétrole ?
- Ben oui !
- Tout ça polluait à fond la caisse.
- Ouaih ! Que veux-tu, il fallait que ça aille vite ! Nous étions tous pressés. « Le temps c’est de l’argent ». Donc on n’arrêtait pas de faire circuler les gens, les marchandises, et même l’argent dématérialisé sur des ordinateurs qui faisaient monter les cours de la bourse ou les baisser 24/24 h à la vitesse de la lumière ou presque.
- Et alors ?
- Eh bien, il y en avait qui devenaient riches, très riches.
- Et les autres ?
- Ils se partageaient les restes.
- Et ils avaient de quoi vivre ?
- Pas toujours. Tu sais, on comptait environ 1900 milliardaires seulement pour plus de 7 milliards d’habitants. Et comme ils captaient la moitié de la richesse mondiale, tu peux comprendre que certains n’avaient pas grand-chose.
- Mais comment ils faisaient pour vivre ?
- Certains vivaient bien, ceux des pays riches. Mais ils étaient obligés de vivre à côté de gens qui survivaient parfois sans toit et ils avaient très peur de voir arriver des gens encore plus pauvres que leurs pauvres, chassés par la misère et les guerres, la montée des eaux et l’expansion des déserts arides.
- Il y avait de la bagarre ?
- Il y avait des camps où on enfermait ceux qui migraient. Et puis, il y en avait que l’on utilisait pour pas cher.
- Et les gens étaient heureux ?
- Ils étaient heureux de consommer, d’être en bonne santé, de se promener comme ils voulaient, de prendre des vacances, de voyager et ils ignoraient ou ne voulaient pas voir ceux qui peinaient pour l’assouvissement de leurs envies et de leurs plaisirs.
- Heureusement que le virus du Covid est arrivé !
- Hum ! Dans une certaine mesure, on peut, peut-être, voir les choses comme cela. Il a servi de révélateur à ce que nous avions construit comme société qui nous conduisait directement vers une disparition prématurée de l’humanité.
- Bon ! Papy ! On va se balader dans les bois ?
- Bien sûr ! Petit-fils, avec plaisir.
- En attendant, j’espère bien qu’on ne reviendra jamais comme AVANT. J’ai envie de vivre moi !
- Tu as bien raison. Vivre !
- Tu as pris ton masque, au cas où on rencontrerait du monde ?
- Bien sûr, j’en ai toujours un sur moi. Comme tout le monde.
(février 2031)