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Vieux lucide, donc sans illusions, mais toujours pas encore sans espoir quoi qu'il écrive.

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Billet de blog 4 avril 2020

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Journal d'un amoureux de la vie au temps du Corona Virus

19e jour de confinement Vendredi 3 avril Et l'on dépassa les 6 mille et quelques morts, certifiés Covid-19

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 Pour une fois on va commencer par un très chouette slam de Grand Corps Malade et de Borringer, enregistré dans le hall de la Gare de Lyon, il y a déjà quelque temps. Une petite merveille.

Et puis, souvenons-nous de notre plus célèbre confiné volontaire, Michel de Montaigne, qui pendant quelques années, se consacra, en sa librairie, à s’étudier, s’introspecter et généraliser cette étude de soi à l’humanité entière. Donc lecture toujours d’actualité.
Ancien maire de Bordeaux, il possède un manoir dans la campagne, avec une modeste tour que j’ai visitée il y a plus de vingt ans, où il avait accumulé toute une bibliothèque de textes latins et grecs, dans lesquels il a puisé moult citations et trouver la source de ses propres considérations. Son influence va être considérable puisqu’il est un modèle d’individualisme généreux. Vivant dans une société en proie aux guerres de religions, l’ancien édile se met en marge, prenant une distance par rapport aux excès des uns et des autres. Il y a du centriste politique chez cet homme-là si je ne craignais un anachronisme toujours à fuir, mais amusant quand même.
Non seulement ses « Essais » sont pleins de conseils prudents et de tolérance active « à rebours de son temps », voir ses considérations sur les esclaves noirs qu’il avait vus sur les quais de Rouen et qu’il considérait comme des hommes-frères, mais son « Voyage en Italie » est une vraie merveille sur le quotidien de l’époque.
Ah ! L’Italie, la mia seconda patria, qui me manque tellement en ces temps d’épidémie, d’autant que c’est la plus belle période pour la parcourir. Nous nous y rendons presque tous les ans avec un même bonheur.
A l’époque de Montaigne, aller à Rome, c’est d’abord réunir une petite troupe, constituée de quelques tireurs de sabre, afin de ne pas se faire détrousser. C’est parcourir 40 à 50 km par jour, et être reçu soit dans une auberge, soit chez l’habitant, un notable quelconque, un petit seigneur, trop content d’offrir le repas et le couvert, en échange des nouvelles de la capitale, de la cour. Où en sont les affaires du royaume ? Que se passe-t-il dans la région d’à côté ? Qu’ont-ils remarqué ? C’est que les évènements sont connus des jours, des semaines plus tard, voire des mois si l’on songe aux « expat’ »(autre anachronisme) dans nos comptoirs de la côte africaine, du M-O ou bientôt de Pondichéry. Lire ce voyage, c’est retrouver une France et une Italie dont on reconnaît les paysages, la géographie, l’emplacement des villes, des monuments dont les plus vieux sont encore enfouis, les plus récents, devenus aujourd’hui anciens.
Voyage dans l’espace et le temps. Quoi de plus dépaysant. Meilleur moyen de s’évader tout en demeurant en son confinement.

Assigné à résidence en ma "chaumine" construite en 78, entouré de mes livres, je ne suis pas à plaindre. Tant que la vue est bonne, que je peux aller d’un volume à l’autre, et trouver le temps de coucher sur le clavier les idées folles ou banales qui me passent par la tête, je pourrais tenir encore quelques semaines en dépit de mes envies folles de partir que je chasse en revenant au clavier.
Ce ne sont pas les récits de voyages qui manquent. Un très chouette article dans le Diplo de ce mois les évoque.

Ainsi, je ne saurais trop recommander la correspondance de Flaubert lors de son séjour en Egypte et en Palestine avec son copain et photographe Maxime Du Camp. Truculence des propos, observation aiguë des mœurs et coutumes, gauloiseries du ‘Garçon » qui visite à la fois les monuments et les bordels, tout cela bien avant le tourisme de masse et #metoo. C’est que le fils de chirurgien se comporte en parfait macho comme l’étaient les hommes de son époque.
Ce sont des voyageurs qui partent pour quelques mois, certains pour plus d’un an. Car voyager, c’est d’abord, se donner du temps. Encore faut-il en avoir. Ce n’est pas pour rien qu’aujourd’hui, l’on rencontre tant de retraités, dont peu savent vraiment « voyager ».


Comme l’amour bien fait, voyager exige un long apprentissage. Beaucoup d’humilité, bien des regrets.

Je hais la formule « Cette année, nous avons fait le Pérou ! L’an prochain, nous ferons la Russie ! » Voyager, ce n’est pas « faire », c’est rencontrer, c’est passer, c’est humer, c’est écouter, c’est surtout savoir s’arrêter. Or, les voyages qui nous sont vendus entre le marchand de chaussures et l’entrée de l’hyper marché, sont une marchandise, pas déplaisante mais qui n’est en réalité qu’un produit à souvenirs, prolongé par les photos ou les films, avec bien des regrets de n’avoir pu resté plus longtemps à tel endroit.

Dernièrement, fin février, début mars, ma charmante m’a loué un studio à Marseille et m’y a envoyé seul. Dois-je avouer que ce fut une petite semaine de bonheur fou. Je n’y ai pas trouvé mon « épi d’or sur un cheval noir », soit le personnage d'Angelo pour ceux qui n'ont pas encore lu le cycle d'Angelo, mais j’ai mis mes pas dans les errances de Jean Giono parcourant Marseille dans « Noé ».

Les bruits d’épidémie allaient déjà leur train. C’est là que j’ai commencé à me laver régulièrement les mains, à garder une distance certaine avec mes voisins. Mais c’était encore selon les « autorités compétentes », - on ne pouffe pas svp !, une grippe un peu plus dangereuse que nos habituelles grippes annuelles.
Ai-je vraiment eu le temps d’apprécier Marseille ? Non ! J’ai marché, je me suis perdu dans ses rues, ses quartiers autour du centre. J’ai pris le bus jusqu’à l’Estaque, un village bruyant avec le train, et les avions qui se posent à Marignane. Les plages étaient désertes, avec un vent coulis et des cieux changeants, tantôt méditerranéens, tantôt normands selon que le vent vient du nord ou se déclare « marin ». J’ai visité la plupart des musées ouverts, mais j’en ai laissé quelques-uns au cas où je reviendrai. Comme l’avait déjà remarqué, Flaubert, à moins que ce ne soit Hugo, on y parle toutes les langues du pourtour méditerranéen et même d’au-delà. C’est une ville monde depuis sa naissance. Plus vieille ville de France digne de ce nom que nous devons au phocéens venus de la côte « libanaise ». Quelques gouttes éparses, et les marseillais me plaignaient presque d’avoir mauvais temps. Mais pas une seule journée sans avoir vu le soleil, moi qui suis habitué à en être privé pendant des semaines d’affilée.


J’ai connu jadis des collègues nommées en Normandie alors qu’elles avaient passé leur jeunesse et leurs études au sud d’Avignon. Elles flirtaient avec des déprimes, pleurant leur soleil resté à la maison. Certaines se faisaient une raison et prenaient même époux, ici, au Nord de la Loire. D’autres, campaient dans des studios ou des appartements, renouvelant pendant des années leur demande de mutation jusqu’à satisfaction. Or, leur manque de points, en début de carrière, les condamnait à ce qu’elles vivaient comme un exil jusqu’à la victoire finale, la délivrance !

Je m’en souviens d’une, pleurant de joie, qui venait d’être nommée au lycée professionnel de St Tropez. Grand bien lui fasse ! D’aucuns l’enviaient un peu en oubliant le prix des loyers, ou des propriétés. Où a-t-elle pu se loger ? Y avait-elle de la famille ? Professeur de Lycée Professionnel, ça ne gagne pas de quoi posséder un yacht ou d’acheter une bâtisse dans le moindre lotissement du coin. Passons ! Le soleil, ça coûte très cher. On y vit petitement, aussi.


Le nombre de contaminés a dépassé les 1, 088 000 terriens. Enfin ceux que l’on a bien voulu comptabiliser. Les USA toujours et définitivement en tête et surtout de 200 000 chômeurs inscrits, AVANT, on est passé à 10 Millions en une semaine. La plupart sans couverture sociale, habituellement payée par l’entreprise, et avec des journées d’hôpital facturées à 3 800 €. C’est beau « l’américain way of life » ! Mais pas pour tout le monde, faut pas rêver.
Il appert que chez nous, la courbe exponentielle commence depuis deux jours à se stabiliser. Elle n’est plus aussi verticale mais commence à piquer légèrement du nez. Et puis les guérisons augmentent. Hécatombe dans les EHPAD, comme prévu.

Et comme je ne suis pas chien, je sais que vous avez, tout comme moi, besoin d’une friandise plutôt gaie en ces temps qui poussent certains à une certaine morosité, voire une douleur difficile à surmonter, surtout s’ils ont perdu ou sont sur le point de perdre quelqu’un.
Hier, on avait commencé INTERMÈDE de Jacquot Prévert, comme le sont les bocages de la Hague si semblables à ceux d’Irlande, continuons :


INTERMÈDE

Peines insulaires :
Dreyfus à l’île du Diable, le Maréchal Pétain à l’île d’Yeux.
                                    *
Premières et dernières paroles d’un grand homme :
Pipi… Caca… maman… papa… tombé sur la tête… Napoléon bobo…
Soldats, du haut de ces pierres humides Vingt Mille lieues sous les Mers vous contemplent…
Je viens comme Thémistocle…
Je désire que mes cendres reposent auprès du peuple français que j’ai tant aimé.

Ce grand homme était aussi l’auteur d’un proéminent ouvrage monumentobiographique : le Mémorial.
En fin de compte, il aurait dû faire un dessin puisqu’il avait écrit aussi : le plus court croquis m’en dit plus long qu’un long rapport.
                                      *
Les conquérants :
Terre… Horizon…
Terrorisons.
                                      *
Vox Populi vexe Dei !
Pages rousse du petit Larose.
Suite, à moins que cela vous lasse, demain. C’est que Prévert, même confiné en sa chaumière de la Manche était loin d’être un con fini. Ne pas confondre !

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