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Vieux lucide, donc sans illusions, mais toujours pas encore sans espoir quoi qu'il écrive.

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Billet de blog 4 avril 2022

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L’éternel recommencement

Jamais, je n’aurais cru qu’en Europe, à portée d’un voyage en camping-car, s’ouvriraient à nouveau les portes de la guerre, avec sa foultitude d’images qui me renvoient à mon enfance.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le hurlement des sirènes nous ordonnant d’aller aux abris. La peur, les dos courbés, le froid et les gens serrés les uns contre les autres pour se transmettre un peu de chaleur dans la pénombre éclairée d’une lampe Pigeon à pétrole. Le grondement lointain des bombes tombant sur le port de Rouen, avec cette préférence absurde pour la RAF qui prenait plus de risques que les yankees contre la DCA allemande, installée sur la colline Sainte Catherine, et qui s’appelait la Flak. 

Et puis, le bruit des moteurs à hélices, à plein régime des forteresses volantes qui accomplissaient un très beau tournant pour retourner vite en Grande-Bretagne et qui lâchaient  une ou deux bombes oubliées histoire de s’alléger. Elles tombaient pas loin de chez nous. Dans les forêts alentours, et parfois sur une maison, au hasard, que les pompiers débordés ne pouvaient guère sauver. 

Nous, les gosses, on sentait la peur des adultes. On entendait leurs prières, comme si leurs patenôtres avaient eu le pouvoir de repousser la mort. Car, il s’agissait bien de cela. Echapper à la mort. Ne pas être enterré vivant. Je suis claustrophobe à jamais. 

Je me souviens qu’enfant, chaque fois qu’un avion volait au-dessus du jardin de mes parents, j’avais le réflexe de tirer dessus avec le premier bout de bois transformé en fusil ou en canon par l’imagination de l’enfance. Jamais, mes enfants ne se sont attaqués aux engins volants qui leur passaient au-dessus de la tête. 

Je me souviens de ces gravats que me petites jambes avaient bien du mal à enjamber dans les rues tout juste déblayées, où s’étaient installés des forains à l’occasion de la Saint Ouen, à Rouen, ou de la Saint Michel, au Havre, où m’emmenaient ma mère et mon père, mes grands-parents. 

Et puis, les larmes de Maman au côté de sa mère, devant le Havre à nos pieds, juste avant de descendre « les marches » qui tombent de Sanvic vers la place Thiers, où l’on avait construit des baraquements dont un était le magasin de sous-vêtements féminins de ma grand-tante Sissi. Une ville grise, à ras, avec encore quelques traces de monuments sortis des ruines, noircis pas le phosphore, et l’estuaire, tout aussi gris avec, à l’horizon sous ce ciel de plomb, la Côte Fleurie entre Honfleur et Trouville.

Silence. 

Oui, j’entends le silence et je sens la douleur de ces deux femmes qui sont mon univers.

Plus tard, on me montrera les photos des carcasses des colonnes allemandes en fuite vers l’Allemagne, de retour de Normandie, et stoppées par l’effondrement des ponts de Rouen. 

Et aujourd’hui, sur l’écran de la télévision, encore à nouveau, ce port réduit à un amoncellement de ruines, de gravats, avec, je le sais, dessous, des corps sans vie sur lesquels, comme au Havre, on fera passer les bulldozers afin de reconstruire une ville et un port tout neuf. 

Les vivants ont toujours le dessus sur les morts qui restent dans les cœurs.

A nouveau, comme partout où sévit la folie des hommes, ces colonnes de femmes et d’enfants, de vieillards, encombrés de sacs pleins à crever et les doudous qui les aident à s’endormir, n’importe où. Encore et encore, des massacres. Des villages crevés, des fosses hâtivement et honteusement ouvertes où l’on balance les cadavres. 

80 ans séparent ces images. Qui eut cru qu’après le quasi suicide de l’Europe sur deux générations, celle de mon grand-père dans les tranchées de Champagne, de Verdun puis de Flandre, celle de ses enfants, dont l’un envoyé au STO « pour libérer un père de famille » et qui s’enfuit de l’usine où ils étaient quelques-uns à saboter les moteurs qu’il fabriquaient, fut pris par la résistance tchèque, combattit, fut libéré par l’armée rouge et revint au Havre d’où il était parti par Odessa, qui eut cru que l’ on reverrait ce même spectacle de la méchanceté et de la folie humaine ? 

Entre temps, nous sommes entrés dans l’ère atomique. 

Y a-t-il eu, pour autant, un seul jour sans guerre sur cette planète ? 

A peine les armes s’étaient-elles tues dans une Europe dévastée que la guerre idéologique et économique a repris de plus bel. 

Contre l’OTAN, l’URSS et les pays annexés ont constitué le Pacte de Varsovie. Les vainqueurs du nazisme sont devenus rivaux après s’être partagés les savants allemands. Un monde bi-polaire, une guerre froide. 

Froide ? Vraiment ? Pas pour les algériens massacrés dès 44, ni pour les Vietnamiens, encore moins pour les coréens, sans compter les dictatures sud-américaines et les guerres de dé-colonisation avec des massacres à tout va, copiant la rage inaugurée par Guernica, au cours de cette Guerre d’Espagne, entraînement à ce qui allait suivre comme la Guerre en Syrie fut le brouillon de celle de l’Ukraine. Un Moyen-Orient ravagé, une Palestine sacrifiée, un Afghanistan en guerre constante, un Irak et un Iran martyrisés et je passe sur toutes les guerres africaines qui dépassent en nombre de morts celles de 14-18 et se rapprochent de la Seconde Guerre mondiale.

Aujourd’hui ? Nous sommes dans un monde multipolaire. 

L’Europe ? Un ramassis d’états développés réunis dans un marché commun, complètement soumis aux lois du marché, et à la protection de l’Empire de Washington, incapable de se donner les moyens d’une relative indépendance et qui a cru que l’enrichissement et l’interpénétration des économies étaient facteurs de paix.

L’implosion de l’URSS a été suivie par l’arrivée en Russie des Chicago Boys formés aux théorie de Hayek et, selon la théorie du choc, ont transformé les apparatchiks d’hier en oligarques d’aujourd’hui, avec mise en place de la mafia poutinesque.

Bien entendu l’OTAN a continué d’entourer la CEI de bases de l’OTAN, et a réussi à annexer à l’Atlantique Nord, les pays des rives de la Baltique et la Turquie. On n’ose imaginer les USA, cernés de bases russes ou chinoises au Canada et au Mexique. 

L’après URSS a été raté. Volontairement raté. En dépit que l’avenir de la sainte c… de croissance infinie, caractéristique du système suicidaire dominant, passait par la Russie qui possède en son sous-sol tout ou presque de ce dont elle a besoin pour être un pays dit développé et dont nous sommes aussi dépendants.

Mais, pas question d’avoir un rival pour les USA. Et cela recommence ! 

Nul n’ose dire que la politique étrangère des States se résume ainsi : « Nous sommes la première puissance mondiale et nous la resterons ! » Je serais tenté d’ajouter « quoi qu’il en coûte ». 

Certes, la première armée du monde et de loin, en armes et en hommes, perd systématiquement les guerres dans lesquelles, elle s’engage et entraîne ses vassaux. Mais… le système militaro-industriel se porte bien. 

Et surtout, « l’american way of life » s’inscrit bien dans les têtes des terriens. L’entertainment, plus la mode, (jean, Coca Cola, maisons individuelles, bagnoles, grandes surfaces, Internet, GAFAM, golf et yachts de luxe) sont partagés par tous les habitants du globe. Vu, des affiches vantant une zone pavillonnaire avec golf à Pékin. Vu un reportage sur les convois de ravitaillement du grand nord russe apportant des caisses de Coca…Mac Do est le comble du chic dans les pays débarrassés de l’emprise soviétique. Et ajoutons les succès relatifs des évangéliques, du style de démocratie à l’américaine avec gadgets, drapeaux, casquettes, shows et coups foireux.

Si l’on additionne la volonté d’armer les ukrainiens, de sanctionner les russes que les gouvernements occidentaux ont toujours considérés comme « dangereux », ce qui a mis sur orbite un Poutine, conservateur, nationaliste, expansionniste dans la grande tradition tsariste et soviétique, les paiements exigés en roubles ou en yuans des carburants et gaz, des famines à venir en Afrique du Nord at au M-O, il faut être d’une sacrée mauvaise foi pour ne pas admettre que la IIIe Guerre Mondiale n’a pas commencé. Ah ! Les faux-culs ! 

Certes ! Nous n’avons pas sorti les avions, les navires, les sous-marins et lâcher des bombes plus ou moins sales sur les « méchants russes » comme  nous l’avons fait sur les afghans, les syriens, les irakiens et les serbes… 

On ne provoque pas une puissance nucléaire comme un dictateur moustachu. Mais, il me semble bien qu’à tout moment, et le gentil Volodomyr Zelensky le désire instamment, un incident, voulu ou non d’ailleurs, pourrait faire passer les portes entre-ouvertes ,à bien grandes avec l’embrasement généralisé de la planète, espace compris.

Et ce serait reparti ! Eternel recommencement ! 

Nous avons le malheur de ne pas avoir su ou voulu évoluer au rythme de nos progrès scientifiques. Nous possédons toujours et peut-être à jamais une mentalité qui n’a guère évolué depuis l’Antiquité : « Si vis pacem, para bellum ! »

La sagesse devrait nous obliger à plutôt préférer : « Si tu veux la paix, prépare la paix ! » 

Mais cela ferait tellement de tort aux systèmes militaro-industriels de la planète que ce serait folie. Les profiteurs n’ont pas le même sens que nous quant au mot « sagesse ». 

Eux, c’est « plutôt crever que de désarmer ! »

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