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Billet de blog 4 décembre 2012

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Pascal Quignard: un «humaniste» lucide

Humaniste au sens historique qui renvoie à Erasme ou Montaigne, grands admirateurs des « anciens ».Pascal Quignard dans son dernier ouvrage « Les désarçonnés » poursuit sa quête des racines de l’humain avec un entêtement lucide de magicien des mots pour mieux nous aider à comprendre nos maux.

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Humaniste au sens historique qui renvoie à Erasme ou Montaigne, grands admirateurs des « anciens ».

Pascal Quignard dans son dernier ouvrage « Les désarçonnés » poursuit sa quête des racines de l’humain avec un entêtement lucide de magicien des mots pour mieux nous aider à comprendre nos maux.

Il y a un phrasé très jubilatoire où l’auteur piège nos mots en nous en rappelant leur origine, grecque ou latine et les différentes significations.

Mais ce qui est le plus difficile à recevoir, c’est notre animalité perverse et féroce que l’actualité nous confirme chaque jour.

« La vulnérabilité des hommes charognant dans les territoires d’abattage des grands fauves a laissé dans l’âme une peur qui n’est pas apaisée.

Lors de la nativité, cette crainte inapaisable s’ajoute à l’effroi originaire.

Jadis, à quelques millénaires de l’origine, l’espèce fut alors proche de l’extinction.

 En -2,5 millions d’années Homo habilis ne cherchait pas activement de viande. Il mangeait quoi que ce fût qui paraissait consommable dans ce qu’il trouvait au croisement de ses narines et du bourrelet rougeâtre de ses lèvres. Le volume de son cerveau était de 500 cm3.

En - 350 000 l’homme de Neandertal consommait 90% de viande. Son alimentation était devenue comparable à celle du loup. Le volume de son cerveau était de 1 600 cm3. » (…)

« Ce qui était férocité chez les animaux devint cruauté chez les hommes. Ce qui était périssement et dévoration chez les animaux devint mort et funérailles chez les hommes. La cruauté est la sublimation de la férocité comme la guerre est la sublimation de la chasse, qui elle-même est la sublimation de la prédation. (…)

« Les Désarçonnés » s’inscrit dans une série de volumes intitulée « Le dernier royaume », où Quignard cavalcade d’idée en idée, de souvenir en scorie, de réflexion philosophique en linguistique. Il va à sauts et à gambades, dans un « me suivent ceux qui m’aiment ».

Et l’on en apprend plus sur soi-même et les autres que dans nul autre journal.

« Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » se demandait Aragon. Pascal Quignard lui répond : «  C’est ainsi que nous sommes ! »

Et du coup, d’Hiroshima à Damas, l’on retrouve notre éternelle propension à jouir de la mort car la vie en procède.

Point d’être vivant sans prédation.

C’est ce qui rend inutile et un peu ridicule ces cérémonies mémorielles où dans de beaux discours avec trémolos, l’on évoque les grandes boucheries de jadis avec un « plus jamais ça ! » qui nous ferait nous désanimaliser pour nous rendre humains alors qu’hélas, tout humain est un animal prédateur non seulement à l’égard des autres animaux mais aussi à l’égard des autres humains.

Combattre cette part de sang, cet instinct de mort, fatigue, use et semble vouer à l’impossible. Nous avons rusé avec le droit qui n’est souvent que la sublimation écrite de notre cruauté si ce n’est avec le sang des torturés ou les chairs enfermées des emprisonnés.

Et il faut "toujours recommencer" comme le disait Camus. Toujours lutter contre notre part d'ombre dont nous sommes fascinés lorsque nous lisons, regardons, analysons romans policiers, romans d'horreur, films et séries policières, théâtre tragique, livres d'Histoire. La quiétude, le bonheur d'être, la paix ne font guère recette. Nous préférons "le bruit et la fureur". Id est.

Depuis la shoah, l’on a connu de beaux massacres en Chine avec la famine du Grand Bond en avant, au Cambodge, au Rwanda, en ex-Yougoslavie… Israël considère les palestiniens comme des sous-hommes et les ghettoïsent, Bachar el Assad massacre son propre peuple, bombarde son pays, et dans le monde merveilleux des démocraties libérales, nous avons récemment institutionalisé « la guerre préventive », « la guerre humanitaire », les masses sont paupérisées, des régions ravagées, les sols épuisés et pollués, pour le plus grand bonheur d’une minorité qui ne cesse de  s’enrichir.

Les citoyens ne sont plus que des consommateurs.

Les hommes politiques qu’ils se donnent ne sont plus que des marionnettes aux mains des magnats de la finance et de l’industrie.

La politique vient de polis.

« Il est loin le temps où Jean Gerson écrivait que le mot de « police » définissait le « groupe des mortels dans l’ordre du temps ». C’était dans le même temps (c’était dans les années 1400) où Christine de Pisan écrivait : « La police rassemble princes, nobles, clercs, bourgeois, marchands, gens de métiers, bergers et laboureurs ».

(…)

« Comment crée-t-on une ville, une polis, une urbs ? En tuant son frère à l’instant où il saute le fossé.

Comment la peuple-t-on ? En raptant des femmes qui habitent de l’autre côté du fossé, les ensemençant par le viol systématique. 

C’est du moins ainsi que l’Europe se raconte son origine depuis son origine. »

On peut préférer les romans de Pascal Quignard. Mais on ne doit pas ignorer l’un de nos plus grands écrivains contemporains.

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