Quand on voit des citoyens arabes se battre, se faire tuer, se faire emprisonner, se faire torturer pour avoir enfin le droit d’élire son représentant, force est de reconnaître que se poser la question frise l’indécence.
D’abord, parce que nos ancêtres sont eux aussi passés par cette phase de violence d’Etat et ont dû verser leur sang pour qu’aujourd’hui nous ayons des doutes quant à l’utilité de notre vote.
Qu’est-ce qu’il nous arrive ?
Il a fallu aux français un siècle et demi pour que le droit de vote soit reconnu à tous. Le 21 avril 1944, les femmes ont enfin le droit de vote.
Oui, et alors ?
La démocratie représentative est phagocytée par des partis politiques représentant au départ, des approches différentes de la conception de la société. Que ce soit dans la gouvernance de l’Etat, dans les rapports économiques, dans le cadre de la lutte des classes, des philosophies, des concepts différents entraînent et justifient des partis différents.
Pour gouverner, pour décider, il est nécessaire que se dégage une majorité. Or, en fonction des modes de suffrages, proportionnel total, proportionnel partiel, majorité à deux tours par circonscription, panachage de circonscriptions et de proportionnel, la vie politique évolue différemment.
La proportionnelle conduira à une ronde des Ministères sous la IVe République donnant le tournis où le centre fait et défait les Présidents du Conseil. Ce qui n’empêcha pas la France de se redresser, de se reconstruire au-dessus de ses ruines, tout en menant deux guerres de décolonisation aussi honteuses et meurtrières l’une que l’autre, Indochine et Algérie.
Les ultras d’Algérie, qui nient la condition de citoyen français à part entière au peuple algérien, portent la responsabilité de la guerre d'Algérie et vont porter au pouvoir De Gaulle appelé comme « Sauveur » de la République. Dans la tradition bonapartiste, celui-ci, va instaurer, en deux fois, cette Constitution que nous subissons depuis 1958, révisée en 1962.
Il s’agit d’un système de monarchie élective où le Président de la République se retrouve avec plus de pouvoirs que n’en avait Louis XIV, symbole de la Monarchie Absolue.
Certes, l’arbitraire des lettres de cachet, n’est plus de mise. Mais la grâce, et donc la disgrâce existent toujours. La mainmise de l’Exécutif sur le pouvoir judiciaire est plus forte que jamais.
L’arbitraire n’est en fait jamais loin, et n’est évité que grâce à la vigilance de certains magistrats, relayés par une minorité de journalistes, et les affaires sont amplifiées par le rôle que joue désormais Internet.
Par contre, depuis 1983, l’on a assisté à une décomposition des valeurs de la gauche par la social-démocratie au pouvoir qui déconcerte les électeurs et les placent devant un vide politique vertigineux.
La pensée unique libérale s’est emparée des esprits, tant et si bien que les journalistes, les « spécialistes » de droite et de gauche, les éditorialistes, de droite et de gauche, se défient à fleurets mouchetés, car en réalité, ils possèdent le même langage, la même conception de classe des rapports sociétaux, les mêmes schémas de pensée, les mêmes réflexes. Ils vivent entre eux, se marient ou convolent entre eux, envahissent les mêmes journaux, pour ressasser les mêmes antiennes.
En ce moment, on aurait le droit de choisir entre une rigueur de droite et une rigueur de gauche ; entre une monarchie de droite et une de gauche.
A droite ou à gauche, nous serions prisonniers de nos engagements auprès de l’UE votés unanimement par les représentants de droite et de gauche après que les français se sont opposés à ces contraintes lors du dernier referendum sur l’Europe.
Or, qu’ont-ils appris ces citoyens ?
S’ils votent mal, pas comme on le leur a seriné pendant des mois, eh bien, qu’ils aillent se faire voir chez les grecs. On réunit le Parlement en Congrès et vas-y que j’t’efface la volonté de cette racaille de « peuple souverain » de part la Constitution que les deux clans piétinent sans complexe.
Et c’est comme cela, que l’on encourage à la fois, le vote protestataire vers des extrêmes de droite ou de gauche et l’abstention. Bravo messieurs-dames ! Vous cassez la démocratie. Félicitations ! Et ça viendrait nous donner des leçons de civisme.
En réalité, comme on le voit aux Etats-Unis depuis des décennies, entre Républicains et Démocrates, ce qui compte, c’est de mettre en place une caricature de démocratie au service des financiers, des boursicoteurs, des affairistes, des banquiers. Point final.
A partir de là, que l’on passe d’une direction de droite à une de gauche, l’on ne bouge rien quant à l’essentiel, et l’on joue à la marge. Conceptions plus « libératrices » à gauche en matière de mœurs, conceptions plus réactionnaires et punitives à droite. La droite a le goupillon facile, la gauche est plus permissive et tolérante. La droite est répressive, la gauche serait préventive. La droite abêtit les masses, la gauche essaie de les éduquer. La droite a choisi la prison, la gauche dans sa tradition hugolienne ouvre des écoles, et encore... Les soucis de gestion libérale l'emportent de plus en plus souvent sur ses principes.
Mais quant aux profits, quant à la désindustrialisation, quant au libéralisme économique, point de différence. La mondialisation ? On ne peut pas y échapper. La concurrence ? C’est une loi de fer et même souhaitable. La dette ? Il va falloir la payer. Les agences de notation ? On en a besoin. Le chômage ? L’Etat ne peut pas tout faire. Elever des barrières douanières aux frontières de l’Europe ? C’est interdit par Bruxelles.
Est-ce qu’on ne nous prendrait pas pour des billes ?
Qui va nous faire croire que l’antisarkosysme pourrait servir de programme ? Qui va nous rabâcher sur tous les tons la nécessité d’un vote utile ?
Ce qui est utile ou pourrait être utile, c’est le vote.
Et pour que revive la démocratie, il faut, à gauche comme à droite connaître les aspirations du peuple citoyen. En conséquence, il me semble normal que ceux qui désireent un vrai changement puissent apporter leurs voix à des partis autres que l’UMP et le PS qui se sont auto-désignés les seuls partis dignes de présider aux destinées de notre pays.
Si l‘on suivait les conseils de leurs porte-paroles, plus besoin de se déplacer. Il n’y aurait qu’à sonder, et le mieux placé par les sondages serait vainqueur.
Absurde ! Et pourtant… il y en a qui réclament d’avoir au premier tour, un comportement de deuxième tour. Désolé, mais il me semble, l’expérience le prouve que :
1°) les sondages ne sont pas fiables,
2°) que l’on vote « pour » au premier tour, et « contre » au deuxième tour.
Alors, attendons-nous à des rumeurs, des dénigrements des uns et des autres, des peurs, des craintes, des hantises, des coups de paranoïa, des appels enflammés, des « loups qui reviennent », des Jeanne qui se « repucellisent », des gouffres qui se rapprochent, voire d’une France en train de s’évaporer.
On a déjà eu droit au coup de « la France en faillite » du joyeux drille Fillon les Rillettes.
Mais où est-ce qu’il a vu qu’un état, qu’un pays, avec ses richesses, sa population, son histoire pouvaient être déclaré failli avec huissiers et commissaires pour l’expulsion.
Il est vrai que le « grand n’importe quoi » se porte bien en ce moment.
Aussi bien à droite qu’à gauche, et je ne m’y habitue toujours pas. Donc, j'irai voter. Et plutôt deux fois qu'une. Sans illusion. Mais avec le respect que je dois à tous ceux qui se sont battus pour que je puisse participer à la vie de mon pays.