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Vieux lucide, donc sans illusions, mais toujours pas encore sans espoir quoi qu'il écrive.

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Billet de blog 9 novembre 2013

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14-18. Un siècle après... Déjà !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Au moment où l'on va reparler de cette Première Guerre Mondiale si déterminante pour tout le XXe siècle et donc pour notre présent, qu'on me permette de mettre les pieds dans le bouteillon de service et de rappeler quelques vérités bien senties et pas toujours politiquement correctes.

Ainsi, ces paroles "d'experts" à la veille de la Guerre de 14-18 :

"Vous savez ! Avec les aéroplanes, maintenant, la guerre est devenue impossible."

" De toute façon, la Guerre sera obligatoirement courte, nos économies seraient incapables de soutenir une guerre longue".

Ne prenons pas les experts de cette époque pour plus sots que ceux d'aujourd'hui. A la veille de la folie collective, ils ne sévissaient que dans la presse écrite. Aujourd'hui, ils courent les plateaux de télévision et les studios des radios, quand ils n'accaparent pas de surcroi ce qu'il reste de presse écrite. Mais certains sont les indignes héritiers de leurs prédécesseurs. Je ne citerai personne, ils seraient fichus d'en tirer gloire.

En dépit des mouvements pacifistes, qu'ils soient anarchistes ou socialistes, l'E-M fut étonné par le peu de déserteurs lors de la mobilisation générale.

Il est vrai que ces générations avaient été conditionnées par l'Ecole de la République, avec exercices militaires dans la cour des écoles de garçons, et l'entretien de l'esprit de revanche pour la perte de l'Alsace et de la Lorraine dans certains foyers.

Pour la première fois dans l'Histoire de France, les curés, les rabbins, les imams furent envoyés au casse-pipe. Dispensés d'arme, ils aidèrent les brancardiers et goupillonnèrent à tout va, levant le tabou de "Tu ne tueras pas", bénissant les armes, et accompagnant les mourants vers le paradis des héros morts pour la France.

Ils assistaient aussi les fusillés pour l'exemple.

La religion est indispensable au bon fonctionnement des armées. C'est l'éternelle union du sabre et du goupillon.

Je n'ai jamais oublié ce passage des "Thibault" de Roger M. Du Gard, où le pilote de l'aéroplane survole les tranchées, un dimanche, et où il aperçoit les messes dominicales, et autres offices des deux côtés du no man's land.

Le curé, dans l'armée rouge en train de se mettre en place, sera remplacé par le commissaire politique, avec la même mission.

Cette "union sacrée", -tu parles !-  n'empêchera nullement l'Etat Français entre 1940 et 1944 de déporter les citoyens israélites qui avaient partagé les joies du camping enterré avec leurs autres camarades de combat. Pétain fut vraiment un beau salopard.

Autant que Mangin, qui envoya des milliers d'africains à la boucherie, un sacré cannibale celui-là, ou d'autres généraux qui faisaient des paris sur le temps que tiendraient leurs hommes à la cote 250 ou 320.

Pendant ce temps-là, à l'arrière, c'était la Belle Epoque qui se mourait. Maxim's était plein tous les soirs. Les dames de la haute se faisaient photographier par "l'Ilustration" en train de soigner les blessés dans des châteaux réquisitionnés. Les drapiers, bottiers, armuriers faisaient fortune et les délicats du poumon, les pieds plats, les myopes, les pistonnés, planqués dans les administrations publiques et privées montaient dans la hiérarchie, accaparaient les places pendant que les "malchanceux" devenaient des héros malgré eux, dans la souffrance des hivers froids, pluvieux et neigeux, la peur au ventre, l'odeur des cadavres dans les narines, luttant contre la vermine et les rats, et méprisés par les civils lorsqu'ils revenaient en permission dans des trains bondés.

Barbu, crotté, puant, pouilleux mon grand-père faisait peur aux civils assis sur son banc dans la voiture de troisième classe qui le ramenait vers Chartres. Pour un peu ils l'auraient jeté hors du compartiment. "Ah ! Ces "poilus", ils se permettent vraiment tout ! "

Il  existe une constante dans les rapports entre les gens de l'arrière, les civils, les pékins et les survivants revenus de l'Enfer.

Les premiers dithyrambent sur les seconds à condition qu'ils demeurent des images, des abstractions glorieuses.

Au contact de ces civils devenus des assassins professionnels, parfois incapables de se réadapter à la vie civile, sourcilleux et vindicatifs, susceptibles, portés sur la gnole afin de chasser leurs cauchemars, ils sont marginalisés, repoussés, parfois abandonnés et rejetés. Certains, au chômage, fourniront les groupes fascistes, les arditi en Italie, certains "liguards" en France.

Une partie des anciens du Vietnam ou de l'Irak, de l'Afghanstan ou jadis, chez nous de l'Algérie se retrouvèrent sans toit. Clodos. Vaincus définitivement, une deuxième fois dans le pays qui les avait envoyés se perdre au champ d'horreurs.

Arrivé de nuit, mon Pépé envoya des poignées de gravier sur les volets de la chambre de ses parents pour les réveiller. Sa mère s'encadra bientôt en contre-jour, essaya de distinguer cette forme humaine et lui demanda :

- : "Qu'est-ce que vous voulez, Monsieur ?"

- : " Ben ! Maman ! C'est moi, Eugène ! "

- : " Oh ! Mon Dieu ! J'arrive !"

Les parents en tenue de nuit allaient se précipiter dans les bras de leur fils quand il leur dit : "Arrêtez ! Je suis couvert de totos. Je vais dans la buanderie, apportez-moi des affaires propres."

Ils se déshabilla complètement. Son père avait rempli le cuveau et allumé le feu. Il se débarbouilla méticuleusement, se rasa, et tout son uniforme fut mis à bouillir.

Après, seulement après, il put embrasser papa maman qui le trouvèrent rudement changé.

Un certain Ferdinand B. était pourvu naturellement d'un engin exceptionnel qui effrayait un peu les filles, à l'arrière. Il s'en servait, sur demande des permissionnaires pour casser des assiettes sous les rires et bons mots de ses copains de régiment ou ce qu'il en restait. Il prenait son élan d'un coup de rein vers l'arrière, les pantalons aux pieds, et d'un beau mouvement de ton son corps, il abattait son braquemard d'âne en rut sur l'assiette posée sur le rebord de la table qui volait en éclats. Tournée générale pour tout le monde. Sacré Ferdinand !

Il faut vraiment n'avoir jamais connu la guerre de près pour enfiler des phrases sur le courage, la vertu, le sens du devoir et du sacrifice, sur la patrie et tout le toutim ! Nos morts, nos héros, nos patriotes... "Gloire à leurs mânes. Prenons exemple sur leur esprit de sacrifice. Admirons leur courage !"

Ah ! Les cons !

C'est oublier un peu vite le rôle de la gendarmerie tenue de poursuivre et de dénoncer ceux qui refusaient de retourner tuer des pauvres types comme eux. Traîtres, on les exécutait vite fait, pour servir d'exemple. La territoriale était redoutée par les soldats qui avaient ce choix extraordinaire, mourir sous les balles allemandes ou fusillés avec des balles françaises.

Et je passe sur les tirs d'artillerie mal ajustés qui faisaient des dégâts dans l'infanterie. Bavures. "Morts pour la France !"

Les usines de Wendel, en secteur allemand, continuèrent de tourner. L'armée française "oublia" de la bombarder.

La Grande Bretagne approvionna en charbon la Suisse qui, soudain, connut des hivers exceptionnellement froids, des printemps de glace, et des étés polaires. Bien entendu, le charbon "transitait" par la Suisse. Mais, les affaires sont les affaires.

Vous savez ce qui hantait leurs jours et leurs nuits aux poilus ?

"Est-ce qu'on allait enfin bouffer correctement ?"

Ne parlons pas du tremblement incessant de l'artillerie, ou des bruits sourds qu'ils percevaient sous leurs pieds : on creusait une sape pour y accumuler de la dynamite, et faire sauter la tranchée. Parfois un officier un peu moins con, lançait une contre-sape ou bien, sans rien dire faisait évacuer le bout de tranchée. Mais le plus souvent, il fallait attendre, les tripes nouées, en espérant que les autres allaient s'enterrer vivants dans leur propre tunnel. Et le bruit incessant des schrapnels, des obus, des sifflements et des grondements infernaux, jours et nuits. Certains en devenaient fous. D'autres s'y adpataient et redoutaient presque le silence.

La bouffe, rare, froide, mêlée de terre, amenée de l'arrière par des gosses de vingt ans dérapant dans la boue, pliés en deux pour ne pas être repérés par les tireurs d'en face qu'on n'appelait pas encore des snipers arrivait de temps à autre. Les hommes de service se pointaient, essoufflés, encore tremblants des dangers qu'ils avaient courrus et se faisaient engueuler parce qu'ils auraient dû faire plus vite.

"Et puis c'est quoi ce café froid dégueulasse ? Merde ! Charlot, t'es vraiment con !

Baisse la tête, ça recommence à tirer !"

"Et les boules de pains ? Nom de Dieu, elles sont toutes trempées..."

Passons sur les coups de blue's de ceux qui avaient femme et enfants. Sur les parents trop vieux abandonnés à eux-mêmes en une époque où les enfants "finissaient" les vieux à la maison, sur le courrier qui arrivait mal. Ou qui n'arrivait plus parce que la fiancée avait trouvé une consolation.

Monuments aux morts ! Monuments à une génération perdue. Monuments à une génération de cocus.

Ce ne sera pas la dernière. Ils enverront leurs enfants au casse-pipe en 39. Merci aux responsables politiques qui découpèrent les Empires, créèrent des états sans trop se soucier des peuples, qui humilièrent les vaincus sur le thème "l'Allemagne paiera".

Quant aux responsables économiques, ils ne surent jamais passer d'une économie de guerre à une économie de paix. Les USA étaient devenus la première puissance économique mondiale et se sont donné pour unique politique étrangère : la rester.

Quitte à sombrer dans la Grande Dépression qui fut, elle aussi, mondiale.

"Quand New-York éternue, la planète s'enrhume."

Le  11 novembre 1918 mit fin à la Guerre, en France.

Les poilus ne rentrèrent dans leurs foyers que plusieurs mois plus tard. Certains allèrent même se faire tuer sur les marges de la Russie rouge, ou en Bulgarie, voire en Lettonie...

Démobilisés, ils furent réembauchés au même poste qu'avant leur départ et sous les ordres de collègues planqués qui avaient pris du grade.

Qu'on ne s'étonne pas, citoyens du siécle d'après de ces rancoeurs accumulées que surent si bien utiliser les partis totalitaires que ce soit en Italie, d'abord, puis en Allemagne.

La France "victorieuse" réagit en se donnant au Front Populaire. Mais le patronat, la finance et les Ligues d'Anciens Combattants avouèrent préférer Hitler au Front Popu. On sait sur quoi déboucha ce choix de société.

Honte à ceux qui nous obligent à vivre ce fléau si typiquement humain, trop humain : la guerre !

Quelle soit militaire ou économique.

(Remerciements aux confidences de mon grand-père, (Max pour sa belle-famille), qui rencontra ma grand-mère Rose à un bal de sous-officiers en 1919. Il n'aimait pas son prénom Eugène, pourtant prénom princier. Ils donnèrent naissance à ma mère et à mes deux oncles)

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