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Billet de blog 12 mars 2012

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« TERRAFERMA » d’Emmanuele Crialese

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Après « Respiro » et « Nuovo mondo » (Golden Door en français)(sic), Emmanuele Crialese nous offre le meilleur film italien de 2011, Prix spécial du Jury de la Mostra de Venise.

Beauté de l’image, justesse de jeu des acteurs, gravité du sujet.

Nous sommes sur une petite île au large de la Sicile qui ressemble à Lampedusa. On y retrouve l’atmosphère de Respiro. Une jeune veuve, et son grand fils de 20 ans, n’en peut plus de survivre dans la misère.

Le grand-père éduque le petit-fils pour être marin pêcheur. Mais il y a de moins en moins de poissons et de plus en plus de clandestins africains qui viennent s’échouer sur le rivage.

Ce bout d’Italie, proche des côtes africaines, est aussi envahi par les touristes italiens venus du nord de la péninsule qui viennent se baigner et bronzer.

Crialese illustre magistralement cette confrontation du Nord contre le Sud, de la richesse contre la pauvreté, de cette Troisième Guerre Mondiale dans laquelle nous nous battons sans même savoir que nous sommes en guerre. Guerre de classes. Finance spéculative contre les peuples.

Lorsque le « nonno » aperçoit une embarcation débordante d’africains en panne à quelques encablures, il la signale aux autorités et recueille quelques migrants qui s’étaient jetés à l’eau. Il obéit aux « lois de la mer ».

Parmi ceux qu’il a recueillis, une femme et un enfant. Une femme enceinte qui va, bien sûr, accoucher. La petite note mélo.

Les carabinieri savent qu’il y a eu débarquement de clandestins. Eux, appliquent les lois exigées par Bruxelles et reprises par le gouvernement de Berlusconi, on enferme, on renvoie les clandestins d’où ils viennent, ou s’ils sont francophones on les laisse gagner la France ou la Belgique. Le bateau est confisqué pour complicité de trafic de clandestins.

Crialese ne porte pas de jugement sur les attitudes des uns et des autres, il illustre avec un regard d’humaniste, de cinéaste, qui n’est pas là pour donner des leçons à qui que ce soit.

Ainsi, les anciens seraient pour le droit imprescriptible à l’hospitalité, la nouvelle génération en train de se reconvertir au tourisme, non ! Ces arrivées d’immigrants sont une mauvaise « publicité » pour le tourisme…

Nul doute que le film suscitera bien des commentaires, car il pose le problème des migrations dont la solution est connue.

Ce n’est pas aux frontières de l’UE que l’on arrêtera les immigrants, c’est en changeant notre politique économique et commerciale de telle sorte que les africains, les européens de l’est, les asiatiques puissent vivre décemment chez eux, en mangeant à leur faim, en  vivant en sécurité, en  trouvant du travail.

Ce n’est pas demain la veille, surtout avec la force de feu économique que possèdent les grandes banques internationales qui passent leur temps à jouer sur le prix des matières premières, des denrées alimentaires, semant la panique, affamant, pillant, dégradant l’environnement et générant des guerres consommatrices d’armes et de munitions, mais si rentables à cause de l’endettement qu’elles engendrent.

TERRAFERMA, le miroir de ce que nous sommes.

On ne peut s’empêcher de penser à ce que deviennent les grecs. Les « barbares » du Nord les réduisent en « esclavage ».

Ils sont aujourd’hui, ce que nous risquons d’être demain, à moins que nous ne réagissions fortement.

Crialese ajoute sa pierre à la construction de notre conscience. Film important, poignant, d’une beauté somptueuse, où tous les personnages sont attachants, qui pose les problèmes et laisse aux spectateurs le devoir de les résoudre.

Une fois de plus, Crialese prend une femme comme héroïne de son film. Les autres protagonistes, mari, amants, fils tournent autour de ces soleils féminins.

Ils sont tous peu ou prou dépassés par les évènements.

Crialese nous montre combien nous sommes soumis à des forces extérieures à nous-mêmes qui nous conduisent à agir.

Où se trouve vraiment la part de libre arbitre ?

Les premières images de la mer, puis des filets vides font écho à d’autres images, elles aussi sous la mer, où une société de consommation rejette ses détritus, mais aussi, les cadavres des immigrés qui meurent en mer, et qui constituent une nouvelle forme de détritus.

Le système économico-politique dominant a transformé les êtres humains en marchandises.

Il faut rapprocher les africains qui tentent de rejoindre la rive à la nage, plan horizontal, (situation purement cinématographique non réelle et peu plausible) qui renvoie aux Débarquements de Sicile, de Naples, de Toulon ou des Côtes Normandes que la presse britannique appelait « The Invasion », du plongeon des touristes à partir du bateau de pêche reconverti en machine à faire de l’argent.

Graphiquement, ce plongeon collectif, c’est une fusée de feu d’artifice, un bouquet final, une explosion de joie, de bonheur acheté dans les agences de voyages.

On achète du voyage dans les mêmes lieux que notre « ronron » quotidien. On nous vend les USA, l’Inde, la Birmanie avec promo sur l’Egypte et la Tunisie.

Le fils, un puceau de 20 ans, les filles sont surveillées dans les îles du sud, est le personnage qui évolue le plus tout au long du film.

Presque un peu demeuré, ne parlant même pas l’italien mais le dialecte, tête de turc des disoccupati locaux, obéissant à sa mère et à son grand-père, il va tomber amoureux de Maura, la milanese, prendre des décisions, pour l’emmener en balade.

En effet,  il emprunte une barque pour offrir une nuit de mer à la milanaise et il est attaqué par une masse de réfugiés qui veulent monter à bord, en marin. Il sait qu’il ne peut pas tous les embarquer, sinon, la barcasse va couler avec tout le monde. Il tape sur les mains des naufragés à coups de gaffe, il repousse l’assaut, il réussit à fuir laissant les africains à leur sort.

Il y en a qui vont mourir, donc, il est un assassin en puissance.

Nous sommes tous des assassins !

Car cette attaque peut symboliser la situation de l’Europe par rapport à la pression des peuples qui veulent la rejoindre et qui ne sont pas si nombreux que cela, quoi qu’en disent certains qui veulent se faire peur.

Ne jamais oublier que des emplois « réservés » les attendent pour le plus grand profit de leurs exploiteurs qui les préfèrent à une main d’œuvre européenne plus onéreuse. Ce sont ces patrons, petits et grands qui sont à l’origine de cette concurrence entre « petits blancs » et immigrés. Eux seuls sont les coupables. Et c’est encore eux qui désignent à la vindicte populaire les immigrés comme boucs émissaires du chômage, de la baisse des salaires, de la misère dans laquelle sombrent les salariés.

Peut-être est-ce pour se racheter de ce traumatisme, que le jeune homme pulvérise les scellés du bateau de pêche familial et, sans vérifier combien il a de carburant, rejoint la Terraferma avec l’africaine et ses deux enfants qu’ils avaient recueillis, aidés, soignés, retapés.

Il a rompu les amarres, il est passé de l’adolescence à l’âge adulte. Il est même devenu un modèle à suivre pour les spectateurs.

La première image, c’est l’horizon d’une mer calme illuminée d’azur, la dernière c’est la petitesse du bateau pris à la verticale dans l’immensité de la mer.

La mer et le ciel : infini, espoir.

Le petit bateau luttant contre les vagues courtes de la Méditerranée en plongée verticale : solitude écrasante de l’humanité perdue dans un univers hostile ; soumission à des forces supranaturelles ; pour les croyants, Dieu les regarde de son indifférence ou les protège, c’est selon.

Sauf que la crise, la Guerre Economique n’est point une fatalité. Ce n’est point la Nature, c’est l’œuvre des hommes.

La solution ?

Dans un monde déshumanisé, la révolte est le seul moyen de recouvrer sa dignité d’être humain.

Le monde est toujours à rebâtir.

Un film à voir, à analyser, départ de discussions, et qui aide à nous construire, donc à prendre nos responsabilités, aussi bien dans notre manière de vivre que dans la politique. Excellente approche avant le vote d’avril-mai.

Bâtirons-nous le printemps d’un renouveau humaniste, ou continuerons-nous à nous soumettre à l’hiver glacial des marchés constitué de chiffres qui défilent 24h/24 sur des écrans d’ordinateurs ?

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