En août, l'Europe du Nord met le cap au Sud. Danois, Bataves, Belges wallons et flamands, Allemands, Luxembourgeois, Nordistes, Picards, sans compter les haut-normands et les franciliens. On a même vu des suédois et des norvégiens. C'est dire !
Tout ce monde-là possède soudain une envie irrépressible d'aller se tremper le cul dans l'eau des poissons, qu'elle soit méditerranéenne ou océanique.
Il y en a même qui se contentent de la mer du Nord ou de la Manche. A croire qu'ils sont victimes d'un prurit qui ne peut se soigner qu'en se plongeant dans l'eau de mer ou dans l'eau douce, au sud du Quiévrain, ou dans l'eau javellisée des piscines.
Les moins riches restent entre eux à s'emmerder dans leur frustration de ne pouvoir participer à l'exode estival. Ils sont donc condamnés à se gratter entre eux et, quand le besoin de se démanger devient insupportable, ça les rend fous et ils brûlent quelques bagnoles appartenant à leurs voisins ou à leurs proches, histoire de se rappeler à la mémoire des puissants qui les méprisent et de relancer la consommation automobile, bien en peine, ces derniers temps.
Moi, puisque tout le monde descend, je monte.
Après avoir vérifié la météo. Quand même !
Et je visite des villes débarrassées d'une partie de leurs habitants qui ont laissé dernière eux des vestiges somptueux d'art et d'histoire pour aller s'entasser dans des bungalows et se battre pour avoir une place au soleil de la plage encombrée.
Un petit détour par la baie de Somme avec Le Crotoy, que je me réserve pour plus tard, car en août, c'est l'invasion des pruritomanes venus de partout.
Pour jouir de la vue sur St Valery, j'attendrais les migrations des ziozios de l'automne quand ils viennent faire étape autour du Marquenterre. Grandes compagnies d'oies, de canards, de bernaches et j'en passe qui s'abattent dans les derniers rayons ensanglantés du soleil dans sa trempette vespérale quotidienne.
Je suis monté, une fois de plus, à Arras. Ville superbe qui a résisté à je ne sais combien de guerres, avec deux grands places, des maisons à pignons comme en Flandre, un hôtel de ville à beffroi avec campanile qui sonne les heures sur des airs connus et guillerets.
Musée des Beaux-Arts, un peu décevant, sauf le décor, l'ancien couvent St Vaast, revu et corrigé par Le Nôtre, une splendeur. Ah ! On peut dire qu'ils ne se faisaient pas chier les conventins.
Visite de la maison où vécut Maximilien Robespierre, né ici, dans une rue aujourd'hui aussi commerçante que jadis.
Ah ! Les bourgeois ! La belle maison de Maximilien est consacrée à un musée des Compagnons du Tour de France. Juste le mur à gauche, en entrant, évoque Robespierre avec un buste et des traces sans grand intérêt. La honte ! On continue de lui faire payer la Terreur qu'il a subie plus qu'il n'a encouragée, lui, qui fut à la fois, contre la peine de mort, contre l'esclavage et défendit avec constance les intérêts des plus pauvres.
On ne pardonne jamais cet état d'esprit. Ni hier, ni aujourd'hui. Comme tous ceux qui prennent la défense du populo, qui veulent son bonheur, qui réclament justice, qui parlent en leur nom : "A la niche ! Les partageux. Populistes ! Salauds ! Egorgeurs ! Bandits !" C'est ainsi qu'il n'y a pas une rue, pas une place, pas une ruelle qui porte le nom de Robespierre à Paris.
Par contre, des rues Thiers, le massacreur de la Commune, c'était quasi obligatoire. Lutte des classes. Ah ? Une erreur... Enfin ! Quelle expression sale et peu digne d'un gentleman.
Bon, il y a quand même un collège Robespierre à Arras. Soyons honnêtes. C'est le moins que l'on pouvait faire, avec la rue qui mène à la belle maison où il passa trois ou quatre ans.
En ces temps de délocalisation tous azimuts, Le Louvre-Lens, constitue un exemple de délocalisation nationale réussie.
Architecture contemporaine sobre et efficace. Présentation des œuvres sorties des réserves ou en déplacement, l'on a droit à une courte histoire de l'art depuis l'Egypte ancienne, Sumer jusqu'au début du XIXe siècle.
On ne peut demander au Louvre ce qu'il n'a pas ou peu : absence de bijoux celtes, et totale ignorance des civilisations asiatiques et américaines. Pourtant, on a trouvé de quoi évoquer l'art islamique.
Il est vrai que faire une croix sur Al Andalous, qui se trouvait en Europe, aurait été une faute historique majeure. (Ceci dit sans jeu de mots et avant que je ne croque mon croissant)
Enfin, dernière étape de cette escapade au nord de la Somme : Samara, à 14 Km à l'ouest d'Amiens.
Voyage dans le temps lointain grâce à l'archéologie dont l'un des pères majeurs fut Jacques Boucher de Perthes, un picard.
Musée sur l'Histoire de l'humanité, dans lequel on devrait emmener à coups de pompes dans le cul les diminués du bulbes "identitaires" et autres partisans du "pouvoir blanc", tous ces énergumènes dans la mouvance nauséeuse du FN.
Ils y apprendraient la longue et lente évolution des hominidés, l'errance des peuples venus de la terre mère, l'Afrique de l'Ouest, la confrontation, voire l'alliance entre néanderthaliens et sapiens sapiens, l'arrivée de l'agriculture et de l'élevage grâce à des tribus venues des fleuves Euphrate et Tigre, l'actuelle Irak et ils comprendraient combien l'expression "français de souche" est une aberration, une insulte à l'intelligence, le triomphe absolu de la bêtise à l'état brut.
On doit y emmener ses enfants, tout est prévu pour eux. L'on connaît leur propension aux jeux, il y en a. Il leur faut du concret : ils verront des tailleurs de silex, des forgerons. Ils pourront voir comment on manie le propulseur, cette sagaie à pointe de silex qui servait aux chasseurs et qui, en effet, atteint les 120 km/h et pénètre profondément dans le corps de l'animal convoité.
Il y en a pour tous les âges, pour tous les goûts, dans un cadre de verdure, avec arboretum en prime et pleins d'endroits pour pique-niquer.
Les habitués d'Astérix retrouveront les maisons gauloises telles que l'archéologie les a reconstituées selon les méthodes, et avec les outils de l'époque.
On est passé du stade de l'observation, de la classification, à celle de la résurrection des techniques.
On trouve le même style de parc historique au Danemark, où des artistes-archéologues (et réciproquement) vivent comme vivaient les vikings.
Décidément, cela vaut la peine de mettre "cap au Nord toute !"