Représentant de « l’extrême centre », il cite à la fois Barrès et Jaurès, la rime est riche, évoque la Nation et la République, promesse de jeune gaulliste qui fut bien trop jeune pour vraiment connaître Mongénéral, et Pompidou l’agrée, fils d’instituteurs et auteur d’un ouvrage sur la poésie française. Mais aussi, grand défenseur de la bagnole en ville, oublions !
Tantôt on perçoit son mépris pour Sarkhosy, sa déférence pour Macron mais aussi, une citation positive de Sarkho et une avoinée contre ces présidents qui oublient que la Ve, « merveilleuse Ve République », a institué un exécutif bicéphale dont il se porte garant.
Le livre débute sur l’enseignement, grâce à son évocation de l’école Michelet. Fils de profs et frère d’enseignante reconvertie depuis, il connaît bien le milieu. Tableau assez réaliste de la situation. Avec nécessité de mieux payer les enseignants qui sont presque en queue de peloton par rapport à leurs collègues européens. Nécessité aussi, de réformer l’institution en donnant plus de libertés aux chefs d’établissements et aux enseignants dans leurs manières d’enseigner tout en tenant à un enseignement national, avec, enfin une révision du temps scolaire. Trop de vacances d’été, surtout pour les gamins de milieux défavorisés. Bon ! Tout un programme à mettre en place de concert avec les intéressés !
Le deuxième chapitre, le port du Havre, porte sur la nécessité de réinvestir dans les infrastructures de la France.
Avec juste raison, il parle bien sûr pour le Havre-Rouen-Paris, trois ports mal reliés par le rail, puisque le temps de trajet Le Havre-Paris a diminué par rapport à ce qu’il était dans les années cinquante. Quant au fret, ben ! C’est la route, la route, la route.
La liaison Nord de l’Europe-Seine devrait un peu améliorer les choses. Mais les marchandises, les boites, préfèrent parfois passer par Rotterdam, Anvers que par le Havre pourtant géographiquement bien situé. Que port 2000 soit à la merci de la montée des océans, silence. On ne parle pas des choses qui fâchent.
Mais on a pris un tel retard dans tous les secteurs que cela ne va pas se faire en claquant des doigts.
Dénonciation de tous les empêcheurs de bétonner à tout va ! M. Philippe lit, donc il n’a pas regardé ou ne veut pas entendre les reportages de notre astronaute Thomas Pesquet, qui, lui, nous fait prendre conscience que nous sommes les « voyageurs d’une petite planète perdue dans l’univers » et menacée par l’espèce animale la plus destructrice de son environnement, les humains et leur système productiviste qui épuise les soutes du satellite.
Attention ! Edouard sait bien que l’écologie, le réchauffement climatique, les conséquences de notre manière de vivre nous menacent. Mais…le système libéral est là et saura nous sauver. En gros, le capitalisme saura tordre le cou au capitalocène.
Ni le mot capitalisme, ni celui de capitalocène ne font partie de son vocabulaire.
Toujours plus d’électricité de toutes origines sera une solution. D’où la proposition d’électrifier les quais des ports pour que les navires ne soient plus obligés de brûler leur saloperie de fuel lourd qui font des ports des hauts-lieux de pollution pour les villes dont ils font la richesse.
Au large, c’est moins grave ! A croire que l’immensité de nos océans pourrait être une autre planète que la nôtre et que, l’électricité, serait une source d’énergie propre et non polluante.
Troisième lieu, l’hôpital Charles Nicolle, de Rouen, ancien hospice général, qu’il me semble confondre avec l’Hôtel-Dieu, où avaient exercé papa Flaubert et l’un de ses fils, Hôtel-Dieu aujourd’hui devenu préfecture.
Blabla intelligent sur la santé. Sur les réformes indispensables et les difficultés à lutter contre les déserts médicaux qui ne cessent de s’étendre.
Puis autre lieu, le Palais Royal, où tout juste sorti de l’ENA, il met pour la première fois les pieds et prend soudain conscience de la beauté du droit. Sorti troisième de sa promo, il a choisi cette noble assemblée, d’autant qu’elle permet d’avoir un siège à vie, quels que soient les aléas de cette vie.
Cela lui permet des considérations sur la justice, et sur le monde carcéral, plus une relation de la perquisition qu’il a subie lors du dépôt de plainte auprès de la CJR à propos de la gestion de la crise du Covid. Il a bien sûr oublier que l'une de ses sous-ministres avait mis en garde les français contre "les dangers des masques" (sic). Parlons d'autre chose svp !
Enfin, le monastère de la Verne, où il a séjourné en compagnie d’un sien tonton, médecin devenu moine lui permet quelques considérations sur le sacré, un rappel de son athéisme hérité de son père et du catholicisme soft mais réel de sa maman à laquelle il a dédié cet opus. Femme remarquable, puisqu’elle a dû assumer toutes les tâches du foyer, plus son métier d’enseignante à la carrière pas facile. Véritable mère courage, aimant à rire et surmontant ses larmes et ses angoisses avec un mari aimant et aimé mais atteint du diabète depuis l’âge de 14 ans et qui pouvait de temps à autre faire un coma.
Le dernier chapitre intitulé « la somme de tous les lieux », précise, (ah ! Le Philou) « ce livre n’a donc rien d’un programme » (sic) . Ah ! Bon ! Donc, les « il faut absolument faire… », « il est nécessaire de … » ne sont que bavardages entre gens de bonne compagnie, confortablement assis dans des fauteuils Voltaire.
Même le besoin de rassurer sur la bonne santé de l’auteur n’est juste là que pour le plaisir d’expliquer que ce n’est pas parce qu’on perd ses poils que l’on perd la tête. Et de ce côté-là, nous sommes rassurés, l’auteur l’a bien toute sa tête.
Ce défenseur de la démocratie, de la République laïque, des institutions et qui déplore cette décomposition du suffrage universel oublie de dénoncer le « pantouflage » qui permet à un politicien issu de milieu populaire ou petit-bourgeois de s’enrichir et de ne pas connaître la précarité si bien répandue.
Maintenant connu du public, les électeurs n'en peuvent plus de toutes ces poursuites de nos « zélus » qui s’apparentent à des mafiosi, des copains et des coquins, qui renient leurs promesses et qui ne tiennent compte de la volonté du peuple que si celui-ci conforte leurs privilèges. Pour qui aime l’Histoire : les referenda imposés par les « zélites » ou le cinquantième anniversaire de la prise du pouvoir par Pinochet sont là pour illustrer comment fonctionne réellement la démocratie libérale. M. Philippe ne parle pas de « démocratie bourgeoise ».
Face au déficit chronique de notre beau pays, « Il pourrait donc être tentant, sur le plan intellectuel, de proposer à la France une cure de sérieux : un débat lucide, des décisions claires, un exercice rigoureux et en avant sinon pour la gloire, au moins pour les les résultats ! » p 301
On aura compris que « sérieux » se traduit par « austérité ».
Pourquoi pas ? Alors, pourquoi ne pas envisager une réforme profonde de la fiscalité si favorable aux plus fortunés ?
Sans doute dans un prochain livre qui, lui, sera un programme puisque celui-ci n'est que littérature, propos de "gendelettres".
Etonnant, non ?
14/09/2023