Décidément cette épidémie sert bien de révélateur.
Je pense à ce produit que j’ai jadis utilisé pour développer des photos. Après avoir exposé le papier à la lumière du négatif, on le plongeait dans un bain, et soudain, par le miracle de la chimie, peu à peu, l’image apparaissait sortie du néant, plus ou moins réussie en fonction du temps de pose choisi sur le projecteur. On pouvait jouer avec différents paramètres. Et à chaque fois, il y avait ce moment merveilleux, de la révélation.
Il faut prendre le temps d’écouter Mme Monique Pinçon-Charlot. On comprend mieux le discours de notre Jupiter sorti d’un opéra-bouffe Grand-Siècle, avec sa compassion surjouée, et les contradictions de ses décisions.
On va ré-ouvrir au plus tôt crèches, écoles, lycées, « pour lutter contre les inégalités » (sic) que toutes les politiques mises en place depuis les années 80 n'ont fait que creuser. N’est-ce pas plutôt pour délivrer les parents du poids de leurs enfants et leur permettre d’aller vite au travail afin de redonner de la couleur aux profits à petite mine ? Et puis, alléger le poids de la dette.
La dette ! La dette ! La dette !
On n’a pas fini de nous en parler. Elle était déjà un boulet. Devenant colossale, elle ne sera JAMAIS remboursée. Mais chut ! Il ne faut pas le dire. Cela risque de donner des idées malsaines à tous ceux qui sont dans les dettes jusqu’au cou et que les banques prennent un malin plaisir à enfoncer encore. Car, de quoi « vivent-elles », à quoi servent-elles, ces banques ? Si ce n’est à financer, à prêter à gages, à entretenir les dettes, à collectionner les débiteurs qu’elles tiennent bien en mains.
Dans les moments de grande crise, l’argent rare devient souvent abondant. On trouve toujours de quoi financer des guerres qui possèdent donc un double aspect : économique et militaire. Je tiens beaucoup à cet ordre des aspects. Auquel s’ajoutaient jadis les caprices des princes, ou le pillage des pays envahis comme pour les guerres napoléoniennes. Ou le besoin d’écouler sa marchandise : guerres coloniales, guerre de l’opium, guerres de conquêtes territoriales avec la construction d’Empires coloniaux et assujettissement de populations entières.
Mais toujours, le camouflage idéologique, avec l’arrivée des missionnaires pour convertir à la religion d'amour, et des marchands et trafiquants en tous genres, qui se font parfois bouffer, alors, la métropole intervient et un corps expéditionnaire vient massacrer, mettre en place une marionnette locale sous l’autorité d’un gouverneur. Et l’on rembourse les sommes dépensées en pillant les richesses locales. Le retour sur investissement peut et doit être fastueux. Quant à l'amour chrétien... il est variable et enseigne la soumission à Dieu et aux colonisateurs, ses représentants très chrétiens.
Quand l’État royal s’est trouvé en cessation de paiement, - c’est arrivé plusieurs fois dans l’Histoire de France, ou bien une guerre réglait le problème, les conquêtes rapportaient de quoi rembourser, ou bien un pogrom en bonne et due forme ramenait les prêteurs à la raison, puisqu’hypocritement, seuls les juifs étaient autorisés à prêter à gages.
Aujourd’hui, banques centrales, FMI, ont leur rôle à jouer. Il y aura des faillites, on sauvera les meubles qui le méritent, les autres iront au feu purificateur.
Mais pas la peine de nous la faire. Quoi qu’en disent les perroquets appointés et autres chiens de garde, une état n’est pas une entreprise familiale et ne saurait être en faillite. Ce n’est pas une start-up. Il n’est pas rachetable par quiconque, sauf, complicité éhontée et effondrement de son appareil d’État, sacrifié sur l’autel de la privatisation totale. Mais pour cela, il faut une volonté, une décision, une responsabilité humaine. Par conséquent, lorsque je dis que la dette n’est pas un problème, c’est que comme quelques autres économistes, nous savons qu’elle ne sera pas remboursée et qu’une autre économie est possible, à condition de s’en donner les moyens et d’admettre que les schémas économiques hérités de l’École de Chicago ont failli et constituent une menace pour la survie de l’humanité.
Donc, la dette… ? On va parler d’autre chose.
Comme de la fermeture des universités et des grandes écoles jusqu’en juillet. Eh, eh ! N’est-ce point dans ces établissements que se retrouvent les rejetons de la petite et grande bourgeoisie, la future élite de la Nation. Pas touche ! Haute protection !
Et puisque nous essayons de comprendre la « pensée macronienne », on constatera que les gamins peuvent et doivent aller dans leur bouillon de culture que sont les établissements scolaire, pour que leurs parents puissent reprendre les transports en commun et se rendre dans leurs ateliers et leurs bureaux.
Mais, pas question qu’ils vivent « normalement ».
Non, non ! Masque obligatoire. Soit ! Suivre enfin l’exemple qui vient d’Asie et semble avoir fait ses preuves.
Mais surtout, il faut entretenir la peur des autres. Ainsi, plus de manifestations de protestation collective. Il faut rester sages, soumis, attentifs, bienveillants envers nos « anciens ».
Donc, pas de cafés, pas de restaurants, pas de théâtres, pas de cinémas, pas de festivals. Punition générale ! Et les commerces spécialisés ? Et les coiffeurs ? Et les professions libérales même ? En fait, tout ce qui rend la vie supportable est suspendu en une vaste punition collective.
Ces macroniens éprouvent et entretiennent une haine des gens qui n’a d’égale que leur peur de les voir à nouveau descendre dans la rue et réclamer leur dû. « C’est nous qui produisons, qui soignons, qui faisons vivre le pays. Nous devons être payés en conséquence et respectés par ceux dont la vie quotidienne dépend de nous ! Nous sommes le peuple souverain. »
La sainte horreur ! Pourvu que police et gendarmerie, dépourvues de masques de protection dans leur tâche de surveillance étroite des ilotes tiennent le coup !
Écologie : le confinement obligatoire de millions d’entreprises à travers la planète a fait baisser les émissions de gaz à effet de serre. On respire mieux dans les villes. Partout, l’on constate, une amélioration de nos conditions de vie avec une Nature qui reprend vite ses droits. On a vu des arrivées de sauvagine en ville, encore plus que d’habitude.
Peu de chance que cela dure. La folie productiviste des entreprises est en suspens. On entend déjà des désirs d’accélération des rythmes de travail, une suppression des RTT, des congés, la hantise de la perte du profit, fera qu’avec la soumission des peuples aux mantras ultra-libéraux, dès qu’il sera possible de reprendre le travail, sans trop de risques, ça repartira vite et fort, dussions-nous en crever.
Car il s’agit bien de tout mettre en œuvre pour que l’après soit mieux que l’avant, non pas pour la majorité des peuples, mais bien pour la remontée la plus rapide possible des profits de la minorité oligarchique.
Oui ! Je sais. Je me répète, je suis saoulant. Je bégaie. Je suis obsédé par des lubies anti-capitalistes comme si l’on pouvait à la fois, conserver un secteur privé sous surveillance et un secteur public l’équilibrant, servant d’amortisseur aux excès du tout privé qui nous a conduits à ce que nous vivons.
Jamais, je n’oublierais les errements des pouvoirs en place, ici, en France, mais aussi dans tous les autres pays dits développés et qui, par leurs politiques d’austérité, ont agi en « criminels ».
Être incapable de fournir à la population les masques indispensables, ce fut criminel.
Être débordé face à l’arrivée des malades parce qu’on n’avait pas tenu compte des avertissements et demandes des personnels hospitaliers, ce fut criminel.
Remettre à l’école trop tôt des enfants afin que leurs parents retravaillent au plus vite en balançant par dessus tête les consignes sécuritaires, ce sera criminel.
Oui ! « Nos vies valent plus que vos profits ! »
Ce slogan est plus que jamais d’actualité. Il est venu le temps de la production mesurée, de la décroissance intelligente, de la sobriété heureuse. C’est le moment où jamais, de réfléchir à mettre en place ce qui doit sauver l’humanité. Je ne parle pas de la planète. Elle, elle continuera de tourner pendant quelques millions d’années. Je parle des êtres humains, de ces « étranges animaux, à deux pattes, sans plumes et sans poils » ou si peu, qui se comportent comme les pires prédateurs pour les autres êtres vivants, animaux comme végétaux.
Car, il s’agit de cela. Tirer le meilleur de cette dernière épidémie, se préparer à l’apprivoiser et à dominer la prochaine. Car il y en aura d’autres.
Et puis, il va falloir que je continue ce journal de con… finement, encore pendant des jours et des jours.
Ce qui était une occupation-loisir, va peut-être devenir un cauchemar.
Et pourtant, ce n’est pas ce qui manque le plus, les nouvelles du monde. Mais lorsqu’elles arrivent sur ces pages, elles sentent le réchauffé. Même s’il m’arrive de signaler des perles, des analyses, des news non encore frelatées.
Ainsi, les courbes de la montée en puissance due l’épidémie commencent à fléchir en Europe, tandis qu’elles se montrent exponentielles aux USA et en Russie. La Corée du Sud organise des élections, l’Autriche sort du confinement, les Suédois s’immunisent collectivement et défient le Sras-CoV-2. Demeurent bien sûr et toujours, le problème de la véracité des chiffres officiels et de l’honnêteté dont font preuve les états observés. Là ! Il va falloir attendre un ou deux ans avant d’approcher de la réalité.
Demeurent, les poèmes que je ressuscite et qui constituent ce qu’il y a de meilleur à se mettre sous les yeux en ces temps d’illusions en train de se perdre.
Voici un extrait d’un texte surréaliste de Raymond Queneau :
Des canons de neige bombardent les vallées du désastre permanent. Cadavres périmés, les périmètres d l’azur ne sont plus chambres pour l’amour et la peste au sourire d’argent entoure les fenêtres de cerceaux de platine. Les métaux en fusion sont filtrés sur des buvards de pigeons géants ; puis, concassés, ils sont expédiés vers les volcans et les mines. Traînées de plomb, traînées de marbre, de minéraux et carbones, monde souterrain où personne ne voyagea, n’êtes-vous pas l’esprit chu aux pieds de la mort ? Limon rouge des océans, lacs métalliques, poissons aveugles, algues blanchâtres, mystères de la profondeur, insolubles reflets du ciel ! Et voilà la périphérie des météores et les orbites des comètes qui s’évanouissent dans la gloire d’un chêne plus vieux que la lune. Les astéroïdes se dispersent sur toutes les nations. Des femmes en recueillent pour orner leur piano, des hommes tendent leur chapeau, les enfants crient et les chiens pissent contre les murs tachés de cervelle. (…)
Publié dans ‘Révolution surréaliste » 1925
A suivre