« Dernièrement que je me retirai chez moi, déliberé autant que je pourroy, ne me mesler d’autre chose que de passer en repos et à part ce peu qui me reste de vie, il me sembloit ne pouvoir faire plus grande faveur à mon esprit, que de le laisser en pleine oysiveté, s’entretenir soy mesmes, et s’arrester et rasseoir en soy : ce que j’esperois qu’il peut meshuy faire plus aisément, devenu avec le temps plus poisant, et plus meur. Mais je trouve, que au rebours, faisant le cheval eschappé, il se donne cent fois plus d’affaires à soy mesmes, qu’il n’en prenoit à autruy ; et m’enfante tant de chimères et monstres fantasques les uns sur les autres, sans ordre et sans propos, que pour en contempler à mon aise l’ineptie et l’estrangeté, j’ay commencé de les mettre en rolle, esperant avec le temps luy en faire honte à luy mesmes.
Montaigne : Essais « De l’oisiveté »
En ces temps de réclusion sanitaire, qui nous condamne à une relative oisiveté, pour notre santé, afin que nous vivions longtemps, ce qui obligera les plus jeunes à cotiser longtemps, longtemps, pour le plus grand bonheur des fonds de pensions ou de ce qu’il en restera, je me suis permis cette citation de notre bon « maître » Michel de Montaigne, qui, en quelques mots, règle son compte à l’oisiveté qu’il commence par définir en une comparaison qui ne manque pas d’un certain humour.
« Comme nous voyons des terres oysives, si elles sont grasses et fertiles, foisonner en cent mille sortes d’herbes sauvages et inutiles, et que, pour les tenir en office, il les faut assubjectir et employer à certaines semences, pour nostre service ; et comme nous voyons que les femmes produisent bien toutes seules des amas et pieces de chair informes, mais que pour faire une generation bonne et naturelle, il les faut embesoigner d’une autre semence : ainsi est-il des espris. »
Oisiveté, ce n’est donc point « temps libre », mais « ne rien faire ». Pas méditation, pas concentration, mais vagabondage de pensée par monts et par vaux au gré de l’imagination, un peu comme ces exercices surréalistes « d’écriture spontanée » qui firent les délices de nos poètes se remettant de la Première Guerre mondiale et affrontant la crise économique de 29.
Si j’en juge par ce qui m’arrive aux oreilles, il y aurait des adolescents en train de sombrer en état d’oisiveté. Incapables qu’ils seraient de s’occuper, de créer, de se distraire, de digérer ce qu’on leur a enseigné. Tous les psy. et autres pédagogues sont unanimes, il faut savoir ne rien faire pour se construire.
Certains de mes amis, retraités, sont dans le même état que moi : ils se demandent par quel miracle, ils ont réussi à trouver le temps d’aller au boulot, tellement ils sont pris par tout un tas d’occupations diverses et variées, de rencontres, de choses qu’ils n’avaient pu faire, de rencontres reportées, de dons de soi aux enfants et petits enfants, à des associations, à des mouvements, à des préparations de voyages puis à la mise en place des souvenirs photographiques qu’ils en rapportent. Ajoutons à cela le plaisir incommensurable de la lecture, les films nouveaux et les anciens que l’on revoit non sans émotion et l’on constate que la prétendue oisiveté, "mère de tous les vices », en a pris un sérieux coup dans l’aile.
Certes, d’autres, se sentent mis à l’écart, mis à la casse, dépourvus, et s’enfoncent dans une « mélancolie » qui peut parfois se mal terminer.
Mon grand-père maternel, qui n’existait vraiment que par son travail, devenu fondé de pouvoir d’une maison de transit au Havre après en avoir grimpé tous les échelons, sombra dans l’ennui jusqu’à ce qu’il se décidât à écrire ses mémoires. Elles ont été réécrites et commentées de ma main et se trouvent quelque part sur ce blog.
J’ai connu, un oncle de ma femme, entré mousse dans la marine marchande et sorti commandant de remorqueur du port du Havre, se finir à l’alcool. Oisiveté mortelle. Bouteille de scotch à portée de main et écran de télé en fonction du réveil jusqu'à l’endormissement abruti. Plus de compagnonnage, de camaraderie, de problèmes à résoudre, de responsabilités à prendre, d’ordres à donner. Ils appartenaient à des générations où les femmes étaient maîtres en leur logis, maîtresses occasionnelles et les tâches ménagères n'étaient guère partagées.
Apprendre à combler son oisiveté intelligemment exige un certain savoir-faire, une appétence à s’occuper qui ne commence pas avec la retraite mais nécessite un entraînement commencé des années auparavant, au cours de ces jours de repos et de vacances.
C’est pourquoi, le confinement des classes moyennes et supérieures, leur est plus léger que celui des classes travailleuses qui sont de moins en moins touchées par ce temps d’arrêt dans la mesure où justement, leur travail est indispensable à la vie de la société. Ils en constituent l’ossature. Et la morale bourgeoise relayée par la religion les mettent en garde contre cette oisiveté pernicieuse seulement autorisée aux élites de la société qui peuvent dépenser en loisirs divers, en suavité coûteuses, en sports de riches, les sommes récoltées par le travail de leurs salariés ou de leurs subordonnés.
D’où la nécessité de sanctifier le « travail » des masses, et de leur faire haïr l’oisiveté, en une hypocrite attitude dont le but est de convaincre les esclaves d’aimer leurs chaînes.
Être oisif permet de jouir du temps qui passe. D’apprécier la course des nuages, de caresser les collines et les monts du corps aimé, de prendre le temps d’apprécier la nourriture indispensable à la vie, et laisser se pénétrer de la fraîcheur d’une eau pure ou d’un vin moins ordinaire que de coutume. L’oisiveté est comblée par des jeux, des ris et des pleurs, des défis et des mesquineries, des gaies guerres et des retrouvailles, des amours nouvelles et des jalousies irréparables.
L’oisiveté, c’est la vie des dieux, l'Olympe, reflet de la vie des plus riches. Le Paradis qui n'existe que sur terre, tout comme l'enfer.
Je souhaite à tous ceux que le confinement plonge en cette situation d’en apprécier les bienfaits, car cela ne durera pas. Sauf pour les personnes âgées, en sursis.
Si j’ai bien compris.
Relations sino-françaises : le torchon brûle entre la France et la Chine. Rien que cela ! Un siècle et demi plus en arrière, il y aurait eu un envoi de fusiliers marins et d’une escadre au large de Shanghaï. Aujourd’hui, il va être difficile au « Charles de Gaulle » de repartir immédiatement. Ouf ! Et bon courage à nos marins confinés.
Tout cela pourquoi ? Parce que la Chine au travers d’articles et d’analyses aurait dénoncé la manière primesautière dont les gouvernements américano-européens auraient traité l’arrivée de l’épidémie et se seraient même permis de critiquer Beijin, crime de lèse PCC.
Il y a quand même de quoi sérieusement se bidonner.
Certes, je ne crois pas que les chinois aient été irréprochables. N’y a-t-il pas eu un certain ophtalmologue qui s’est retrouvé emprisonné pour avoir alerté sur l’arrivée d’une nouvelle pandémie et qui est mort en martyr ?
Nous doutons, aussi bien en Chine qu’en dehors, de la sincérité des statistiques officielles. Ce qui est d’ailleurs valable pour toutes les statistiques en cours, je l’ai déjà dit depuis longtemps et je le répèterai encore.
Quant aux critiques chinoises sur la manière dont les pays occidentaux ont traité le problème, elles reprennent les remarques que j’ai moi-même écrites sur ce journal de confinement en m’appuyant sur ce que je lisais dans la presse française et un peu étrangère.
Donc, pas de quoi vexer un breton, s’appellerait-il Le Drian, et j’avoue n’avoir aucune relation privilégiée avec ce grand et beau pays.
Et c’est cela qui m’inquiète.
A l’heure où Mr Trump coupe les vivres à l’OMS, à l’heure où le bilan des victimes du Covid-19 met en tête de la surmortalité les systèmes des démocraties ultra-libérales qui ont pratiqué une politique d’austérité qui a démantelé leurs services de santé publique, à l’heure où une crise économique majeure apparaît, les relations sino-US se dégradent. Et ce n’est pas d’hier.
Compte tenu du rôle d’allié indéfectible de l’Empire US, est-ce que le « Jupiter neuvas » de Trump n’est pas en train de lui renifler le derrière et d’aboyer à l’unisson contre la Chine, en vue d’un conflit futur qui, par son ampleur, réduirait à néant les critiques internes des « démocraties capitalistes » envers leurs gouvernements à l’égard des deux crises que nous vivons : économique et sanitaire ?
Qui dit guerre avec l’Empire du Milieu, dit guerre mondiale. On s’en rapproche avec de tels zozos à l’ego aussi démesuré que la bêtise humaine. C’est ce que suggérait Noam Chomsky en rappelant que l’aiguille du cadran de la disparition de l’humanité n’est plus qu’à une poignée de secondes de l’apocalypse depuis l’arrivée de Trump.
C’est qu’avec de tels chefs d’état, il faut s’attendre à tout, y compris au pire.
Puissé-je me tromper ! C’est mon vœu le plus cher.
Et pendant ce temps-là, on cherche pouilles aux russes qui ont aidé les italiens, comme les chinois, comme les cubains, avec des idées derrière la tête. Non ! Est-ce possible ?
On a vu que la région de Bergame était l’aboutissement de la route de la soie, AVANT, l’arrivée du Corona-Virus qui est venu justement par là, en Europe.
Et qui a minimisé cette « grippe nouvelle » ?
Les entrepreneurs italiens, dont certains sous influence mafieuse, car la N’dranghetta a maintenant largement contaminé, depuis des années le Nord de l’Italie en investissant dans tous les secteurs économiques et ayant en mains quelques hommes et femmes politiques.
Elle est aussi présente en Allemagne et ailleurs, peut-être aussi en France. Soyons modestes et prudents. Lire les articles de M. Salviano qui est un spécialiste de ce monde-là, vivant toujours avec une surveillance policière pour le protéger de ceux qu’il dénonce.
Vu l’efficacité de l’UE en matière d’aide à l’Italie, il a bien fallu prendre des décisions lourdes de conséquences et trouver des aides là où elles étaient. C’est ce qu’a fait le premier ministre M. Conte. Qui oserait le lui reprocher ?
Que les pays aidant aient aussi des intentions d’accords ultérieurs, ce ne sont quand même pas les autres membres de cette UE qui vont oser leur donner des leçons ? Il y a décidément bien plus ridicule que moi.
Annulation des festivals : la culture va en prendre un sérieux coup. Que ce soit le théâtre ,avec Avignon, qui est aussi un « marché, où les petites compagnies viennent se vendre aux municipalités et autres associations organisatrices de spectacles, comme aux théâtres eux-mêmes.
Cannes qui est un marché autant qu’un rendez-vous de vedettes.
Et tous ces festivals de jazz, de rock, de musique classique qui font le bonheur des touristes, des gens et constituent ce qu’il y a de meilleur dans la vie, ce qui justifie pourquoi l’on perd une partie de sa vie à travailler, parfois contraints, dans des travaux peu intéressants mais indispensables à la société, et d’autant moins payés qu’ils sont les plus utiles.
Est-ce vraiment justifié ? J’ai peur que nul ne le sache vraiment. Ni les « spécialistes en épidémiologie » parce qu’ils sont entrain d’étudier le « Conarvirus », ni les politiques qui, quels qu’ils soient, et quelle que soit la décision prise, seront obligatoirement critiqués.
Situation dingue : le frère d’un de mes amis, à la retraite, est parti en décembre, pour un voyage de trois mois au Maroc en camping-car. Pas de veine, il a été rattrapé par l’épidémie et se trouve coincé sur un terrain de camping, confiné dans son camping-car, à 14 km au sud de Marrakech sans possibilité de revenir en France. Même au soleil, même avec un espace extérieur sous le auvent, qui double la superficie du camping-car, vivre à deux confinés dans 16 m2 tout cassés ça risque de devenir difficile. Et ils seraient quelques centaines, voire quelques milliers dans ce cas.
Pourvu que le Covid-19 ne s’invite pas dans le campement !
A Tanger, il y aurait aussi quelques milliers de camping-caristes en attente d’un ferry qui ne pourra pas prendre tout le monde. Problème non prioritaire pour les autorités françaises. Et au moins, ils font vivre nos amis marocains.
Je préfère encore être coincé chez moi avec mon camping-car dans la descente de garage.
Respect des distances : C’est SFR qui sous-traite à des entreprises d’ouvriers des pays de l’Est, la mise en place de la fibre, pour un Internet plus rapide. Ils arrivent enfin, dans ma zone pavillonnaire. Deux camions, six travailleurs, sans masque, sans gants, travaillant normalement, soit en se fichant pas mal des normes de sécurité habituelles comme des normes sanitaires recommandées. Ils ont dû découper l’enrobé du trottoir pour dégager un regard d’accès qui était recouvert alors qu’il donne accès à une boite de dérivation qui permet d’accéder aux réseaux électrique et téléphonique, donc au passage de la fibre. Travail de découpe au lapidaire, sans protection des yeux, ni des oreilles, avec complicité du chef de chantier. Il faut faire vite et doivent être payés au tarif roumain ou letton majoré.
SFR, comme les autres, n’en a rien à faire du confinement, des règles d’éloignement, de la santé de ses sous-traitants. Le système libéral dans toute sa gloire. Circulez, il n’y a rien à voir. La Ministre du Travail, Mme Pénicaud doit être aux anges.
Bilan du jour :
Si on prend le nombre de décès dûs au Covid-19, les USA en sont à 27 760 suivis de l’Italie 21 645, de l’Espagne 18 579 puis de la France 17 1888, de la G-B 12 894 alors que l’Allemagne se traîne avec 3 592 morts soit presque 5 fois moins que la France, pour une population plus nombreuse et plus âgée.
Il faudra bien, un jour qu’on nous explique les raisons de ces résultats. D’autant que l’Autriche en est à un point, tout comme l’Allemagne et le Danemark où l’on commence à doucement sortir du confinement, en croisant les doigts pour qu’il n’y ait pas de reprise.
L’Australie a aussi des bons résultats. L’automne approche. Quant à la Chine, pour une fois, je dirai comme Trump que les statistiques ne sont pas des plus fiables. Ah ! La Corée du Sud va aux urnes. Et pas funéraires. Électorales.
Suite du poème de R. Quenau :
Les raisons ne mûriront pas cette année ; les fleurs mourront sans fruits aux premières clameurs de la subversion des champs. La terre arable, la marne et le calcaire, l’humus et le terreau, ds hommes les rejettent dan l’atmosphère ou l’orgueil du travail humain se disperse joyeusement. Les minerais qui déchirent si agréablement des mains, les fossiles, le granit et le feldspathique, les cristaux, le mica, le sable d’or - les hommes les prévissent de leurs doigts sanglants, ils le piétinent de leurs pieds même partagent leur bonheur ; ils creusent sans fin, les tunnels deviennent carrières, l’ardeur de ce onde sans vie conquiert l’humanité aux premières lueurs d’un nouvel ascétisme.
Araignée géante qui pétrifie au centre de notre planète les épopées et les fastes des peuples, pourquoi gardes-tu si longtemps ces fossiles dans tes coffres de dentelle ?
Donne-nous ces verres comiques, ces rhomboèdres obscènes, ces résidus de vie, ces débris de vengeances et de sang, afin que nous en riions une dernière fois. Et vous, poulpes, donnez-nous ces astres et ces passions que vous conservez dans vos cavernes de l’Océan Pacifique, sinon la terre se dispersera dans le ciel, et sur chaque aérolithe né de sa mort, un homme se dessèchera dans la pureté de l’éther.
Publié dans « La révolution surréaliste » 1925