Anniversaire de notre fils Dante : 36 ans. Il est à Paris, nous sommes à côté de Rouen et tous confinés. Pas d’aller et retour pour aller lui fêter son anniversaire. Pourtant, voir 36 chandelles eut été quelque chose. C’est rageant. D’autant que lui, est arrivé 18 et 17 ans après nos deux premiers. « Un petit « ravisé » comme on cause, ici, en Normandie. A quarante ans à peine passés, nous n’allions pas devenir des vieux abandonnés par des enfants déjà en études.
Et puis Reine venait de perdre son père, après sa maman décédée le jour où elle aurait dû être en retraite. Elle n’a pas coûté trop cher au Grand Livre de la Dette de l’État en tant qu’ancienne institutrice devenue PEGC. 36 ans déjà ! Que le temps passe vite !
La fête a été en visioconférence. Chacun s’efforçant de mettre de la gaieté. Famille réunie sur un écran ! Ce serait cela, alors, les « nouvelles réunions de famille » de ce prétendu « nouveau monde » que l’on voudrait nous vendre ? Pouah ! Vivement que cela cesse. Le temps court en fin de vie.
Même et surtout en ce moment de confinement, ça file. Pas d’ennui(s), juste des désagréments. Des frustrations. Des manques. Ainsi, je me répète, désolé, mais j’ai mal à l’Italie, j’ai mal à l’Ardèche, j’ai mal à l’Espagne avec une traversée des Pyrénées enneigées en contre-jour à l’aller, et dorée-rosie le soir, en Espagne, quand on s’arrête à portée de vue de cette barrière naturelle, dans les collines sabrées de torrents plus ou moins vigoureux qui donnent parfois des lacs de retenue presque à sec pour recevoir la fonte des neiges et devenir pour l’été, lieux de loisirs nautiques et réserves pour l’irrigation des plaines.
Et le gouvernement qui s’apprête à décréter à partir de quel âge on est vieux pour déterminer qui sera ou non autorisé à ne plus être confiné ! Quelle prétention !
Certes ! Vu l’état de ses poumons, si jamais la Reine de ma vie attrape la saloperie, c’est son arrêt de mort. Personne à très hauts risques. Sauf, que cela fait maintenant plus de dix ans. Avant, elle était à risques et jadis, sa maladie la bousillait sournoisement à chaque rhume, à chaque grippe.
Mais elle ne le savait pas.
Est-ce une raison suffisante pour nous considérer comme des pestiférés ? Croit-on que nous allons aller au devant des malades en poutounnant à embrassades que veux-tu, tous ceux que nous rencontrions ?
Le camping-car devient depuis quelques années, son domicile. Elle n’en sort guère, sauf pour se mettre au soleil. Les visites de monuments et musées deviennent plus rares et sont aujourd’hui impossibles pour elle, à son grand regret. Un restaurant, de temps à autre, à condition de me garer à moins de trente mètres de la plus proche table. C’est dire… Les courses, les repas, l’entretien du véhicule, la conduite, les visites de villes, il n’y a que moi.
Mais pour elle, habituée à vivre confinée dans la maison, soudain, le pare-brise devient l’écran géant du monde et des horizons nouveaux. Il remplace son addiction aux émissions de voyages. La fenêtre baissée lui apporte des odeurs. Nos arrêts, parfois en pleine nature, lui offrent des senteurs, des sons, comme le bruit des vagues, l’iode des varechs, et les couleurs changeantes du reflet du ciel sur l’océan.
Dans les campings, il lui faut, tant que possible, un emplacement « avec vue ». Joie de passer une après-midi à voir les gens prendre du plaisir sur des plages, sur des lacs. Bonheur de passer des cols et de recouvrer la flore et parfois la faune qu’elle a connues plus jeune. Mais, il faut vite redescendre, maintenant, pour passer la nuit sans trop tirer sur les bonbonnes d’oxygène que nous transportons et que relaie un extracteur d’oxygène lorsque nous roulons.
Décrétés vieux, donc personnes à risques. Ferien verboten ! A la maison ! Non, mais… C’est handicapée à 85% avec accompagnateur et ça voudrait vivre comme tout le monde ? Non, mais ça ne va pas ! Enfin, Madame, réfléchissez ! Vous risquez votre vie et d’encombrer les services hospitaliers.
« Oui ! Et alors ? »
Non, non, elle n’est pas du tout pressée d’en finir avec la vie. Elle a déjà fait la nique à la camarde lors de son opération qui lui a déjà donné cinq années de plus. Alors, les risques, le « grand risque », elle connaît. Mieux que personne. Et chaque fois que je reviens de faire les courses, comme ce matin, c’est : « Vas te laver les mains ! » « Ne touche pas encore ce que tu viens d’acheter » « Es-tu sûr que tu as pris tes précautions ? Y avait-il du monde ? »
« Mais quand est-ce qu’on va enfin pouvoir partir ? »
Je vous le demande. Je me le demande.
Car, avouons-le, c’est la grande brasse. Nos experts sont tout déconfits. Ce Sras-là semble coquin, accrocheur, se renouvelant, étonnant, déroutant. On en libère guéris, donc immunisés. « Au revoir ! » « Merci pour votre dévouement ! » « De rien, vous voilà sauvé. » Et une semaine, un mois, deux mois : « Bonjour ! C’est encore moi. Il est revenu ! » « Merde, merde, et remerde ! Saloperie de Sras-CoV-2 ! »
Ça cherche, ça cherche, la compétition est ouverte. C’est à qui va trouver :
1°° le ou les médocs qui guérissent vraiment ;
2°) le vaccin salvateur.
Mais là, ce n’est pas demain la veille.
Donc, logiquement, l’épidémie va se poursuivre et le nombre de victimes, contaminés, décédés et guéris va augmenter plus ou moins rapidement, avec peut-être recrudescence possible après suspension du confinement.
La plus grande opération d’individualisation de la société est en cours. Séparation des corps. Pire que pour le VIH. Chacun serait une menace pour l’autre, soit la fin d’une forme d’humanité dans la mesure où nous sommes des animaux grégaires et que, plus que jamais, peut-être, nous sommes solidaires les uns des autres, tout en devant nous comporter en solitaires.
Belgique : émeutes à Anderlecht. Suite à une course poursuite, un jeune a percuté une voiture de police et est décédé. Le quartier s’est révolté. L’épidémie de révoltes va-t-elle avoir lieu ?
Russie : annulation du défilé du 75e anniversaire de la chute du nazisme.
Les mesures de confinement et contrôle des déplacements autorisés virent au cauchemar pour les moscovites qui, eux aussi, doivent rester à la maison et continuer à travailler.
Excellente analyse de Ludivine Bantigny sur la situation. Décidément, cette historienne mérite le détour.
Et les USA voient les gens contaminés et les décès battre des records mondiaux. Ah ! Cette course aux médailles. C’est plus fort qu’eux, il faut absolument qu’ils soient partout en tête.
A ce jour, 22 millions d’américains se sont inscrits au chômage. On va vers une grande dépression. Il va falloir que Trump se prive de jouer à la petite balle de golf pour trouver un remède à une population en train de plonger dans la misère.
Et il n’y a pas qu’aux States que la misère va sévir.
Comment s’en sortir et tout faire pour ne pas retrouver un système aussi pernicieux qui nous a conduits à ce que nous vivons ? Telle est la question à laquelle il faut s’atteler. J’ai déjà donné quelques réponses précédemment.
Il y a de la mutinerie dans l’air de la Royale depuis que le porte-avion de Gaulle est resté en rade pour devenir un navire-hôpital, suite à un refus du Ministère de mettre fin à une mission de notre navire amiral. « Sgrogneugneu, ce n’est tout de même pas un virus qui va avoir raison de notre bijou de famille ! »
Ainsi passent les jours, ainsi passent les semaines et, pour se remonter le moral, l’on commence à se poser des questions sur le dé-confinement et l’après… Cela fuse de partout. On y reviendra, inlassablement. Même si tout cela pèse et mine les esprits les plus prompts à essayer de survivre.
Certains travaux essaient de comprendre les relations étroites qui existeraient entre le salopard-virus et le patrimoine génétique de l’individu atteint. A suivre.
Terminons en beauté comme d’habitude, avec quelque poème, qui nous emmène vers des rivages de beauté et d’enchantement.
De Paul Eluard :
« LA POÉSIE DOIT AVOIR POUR BUT LA VÉRITÉ PRATIQUE »
A mes amis exigeants
Si je vous dis que le soleil dans la forêt
Est comme un ventre qui se donne dans un lit
Vous me croyez vous approuvez tous mes désirs
Si je vous dis que le cristal d’un jour de pluie
Sonne toujours dans la paresse de l’amour
Vous me croyez vous allongez le temps d’aimer
Si je vous dis que sur les branches de mon lit
Fait son nid un oiseau qui ne dit jamais oui
Vous me croyez vous partagez mon inquiétude
Si je vous dis que dans le golfe d’une source
Tourne la clef d‘un fleuve entrouvrant la verdure
Vous me croyez encore plus vous comprenez
Mais si je chante sans détours ma rue entière
Et mon pays entier comme une rue sans fin`
Vous ne me croyez plus vous allez au désert
Car vous marchez sans but sans savoir que les hommes
Ont besoin d’être unis d’espérer de lutter
Pour expliquer le monde et pour le transformer
D’un seul pas de mon cœur je vous entraînerai
Je suis sans force j’ai vécu je vis encore
Mais je m’étonne de parler pour vous ravir
Quand je voudrais vous libérer pour vous confondre
Aussi bien avec l’algue et le jonc d l’aurore
Qu’avec nos frères qui construisent leur lumière.
(Poèmes politiques 1948)