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Vieux lucide, donc sans illusions, mais toujours pas encore sans espoir quoi qu'il écrive.

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Billet de blog 17 octobre 2021

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Du Woke à Marc Bloch

Depuis la prise de conscience par les jeunes intellos de l’époque, suite à la parution de l’« l’Archipel du Goulag » de Soljenetsine, la pensée marxienne a été jetée aux orties et la gauche bourgeoise a viré libérale-socialiste.

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   Ce qui a permis aux droites réactionnaires de reprendre du poil de la bête. Et en deux générations, l’idéologie la plus réactionnaire et la plus anti-humaniste a repris le dessus. Un fumet de fascisme revu et à peine corrigé flotte dans les rédactions d’une presse majoritairement entre les mains de milliardaires qui feront tout pour le rester. 
    Les boucs émissaires paissent dans les quartiers ou se retirent dans des « jungles » et ont plus ou moins remplacé les juifs des générations précédentes même si encore de temps à autre, ceux-ci, en prennent plein la kippa.

    Ah ! Ils sont forts ces amerlocains ! Car nos mao-spontex et autres trotskards de salon se sont convertis à l’Empire du Bien qui domine ou voudrait dominer la planète sur ses propres valeurs : violence, croyance en un Dieu unique, croisade contre le mal par le mal, concurrence de chacun contre tous, adoration de l’argent-roi, capitalisme effréné, liberté pour les riches, soumission pour les pauvres et exploitation de la planète pour obéir au commandement biblique du « Croissez et multipliez, la Nature est à vous ! ». 
    
    On est en train de vivre le résultat : nous subissons le « capitalocène » qui mène l’humanité à une disparition, certes inéluctable, mais de plus en plus prochaine.

    Pour détourner les esprits de cette vérité bien dérangeante pour l’enrichissement des actionnaires, heureusement, il y a les combats sociétaux. 
    
    Finie la volonté de changer la vie et le système suicidaire dominant, changeons d’attitude, ça suffira. Quoique ! La jeunesse n’a pas dit son dernier mot. Mais saura-t-elle conjuguer les luttes en leur complexité ?

    Non sans raison d’ailleurs, les femmes réclament leur égalité devant les lois avec les hommes, des salaires égaux, un respect devenu pointilleux, jusque’à vouloir se lancer dans cette bouffonnerie de l’écriture inclusive sous le fallacieux prétexte que le neutre, en français, prend la forme du masculin. 
    Les minorités veulent, elles aussi, être reconnues avec déférence tout en gardant leur statut de minorité. Les nègres renient la négritude si bien définie par Senghor et Césaire et relancent aux côtés des suprémacistes blancs la lutte des races que Lévy-Strauss avait tenté d’enterrer. Progrès ? Non ! Régression. Cela va jusque’à exiger de rectifier les titres de livres écrits depuis plus d’un siècle comme « Les dix petits nègres » ou de débaptiser une pâtisserie, "la tête de nègre". Bientôt on n’osera plus préparer une poule au blanc ou lever des œufs en neige. 
    
    Le genre se substitue aux deux sexes de jadis. 
    Mouvement LGBT bien sympathique, soit ! Mais comble du ridicule, à l’heure où les couples hétéro se marient de moins en moins les homosexuels exigent le mariage et même béni par les fonctionnaires ecclésiastiques des différentes religions. Il est vrai que les lois de la République laïque encouragent vivement le mariage en matière d'héritage.
    Que l’amour soit enfin et définitivement reconnu à chacun quel que soit cet amour, pourquoi pas ? Mais dans le même temps les salaires stagnent, la planète se décompose, la pollution fait des ravages. Mais d’abord, déboulons les statues de tous ces personnages de notre passé qui pensaient selon les critères et les modes de leur époque et non de la nôtre. 
    
    Quand on commence à vouloir dégommer Colbert parce qu’il a, aussi, signé le « code noir » qui réglementait la traite, quand on veut mettre à la ferraille les statues de tous les conquistadores et autres conquérants qui ont fait la richesse de nos ports et le malheur de milliers d’innocents que les africains de la côte rabattaient vers leurs rivages en des expéditions à l’intérieur du continent africain, on n’est pas loin de » la barbarie des talibans » en train de détruire les traces des civilisations passées qui soulèvent des cris d’orfraies à ces mêmes pourchasseurs  et rectificateurs d’Histoire.
     Or, n’en déplaise à tous, l’Histoire ne doit pas avoir de « poubelle ». Nous sommes, que cela nous plaise ou non, l’aboutissement de ce passé et avons donc la responsabilité du futur. Nous sommes innocents de ce qu’ont commis nos ancêtres, mais il est de notre devoir de ne pas retomber dans leurs erreurs. Savoir tirer les leçons de ce passé n’est pas un passe-temps de retraité ou d’amateur de curiosités et de belles histoires mais un devoir de citoyen du monde, c’est à dire de la Terre.

    La mode est de parler de « woke » pour s’en indigner tout en sachant bien, en bon hypocrite de service, que s’appeler Abdelaziz Sarah M’ba, née à Trappes ou dans quelque quartier ghetto de grande ville et avoir été coursée par les flics et rattrapée pour une vétille, risque fort de la marginaliser à jamais. Mais « cachez ce sein que je ne saurais voir ». Tartuffe est plus que jamais à la mode. 
    
    L’euphémisme, la dénaturation des mots, la chasse aux mots interdits occupent certains et certaines qui enflamment les réseaux dits sociaux et qui sont avant tout des caisses de résonance pour le  pire comme pour le meilleur.
    La rigueur scientifique, l’analyse, l’art d’argumenter, la politesse de s’exprimer clairement car, "ce qui se conçoit bien s’énonce clairement… » n’est guère l’apanage de certains universitaires, comme de certains journalistes ou autres graphologues. 

    Et pourtant, pour y voir un peu plus clair et sortir de cette mélasse qui génère le renouveau de la pensée raciste d’hier, de la haine anti-migrants et autres fadaises de « grand remplacement », il suffit de relire, le stabilo à la main « Apologie pour l’Histoire » de Marc Bloch. 
    
    Il fut l’un de nos plus grands historiens, ancien combattant de la Première Guerre mondiale, universitaire, accidentellement juif, donc mis à pied par le Maréchal Pétain, ce traître-collabo et, après avoir été arrêté, torturé, il fut exécuté, au nom de la supériorité aryenne dont les archéologues cherchent vainement les traces de leur existence. (cf « Mais où sont passés les indo-européens ? «  de J-P Demoule Seuil)

    Ainsi, M. Bloch dans son chapitre intitulé  « L’analyse historique », paragraphe « Juger et comprendre » écrit :
    «  Le savant, l’historien, en d’autres termes, est invité à s’effacer devant les faits…En sorte que voilà, du même coup soulever deux problèmes : celui de l’impartialité historique, celui de l’histoire comme tentative de reproduction ou comme tentative d’analyse.  (…)

    Il existe deux façons d’être impartial : celle du savant et celle du juge. Elles ont une racine commune qui est l’honnête soumission à la vérité. » 
    Je crains fort que nos contemporains ne soient tentés de juger le passé à l’aune de leur présent. C’est naturel, c’est humain. Mais cela ne doit pas sombrer dans une rectification du contexte historique.  
    « Pour séparer, dans la troupe de nos pères, les justes et les damnés, sommes-nous donc si sûrs de nous-mêmes et de notre temps ? »

    Voilà qui nous incite à une modestie certaine. Comment pouvons-nous oser vouer aux gémonies certains personnages de l’histoire, troubles, parfois dont on a taillé un costume qui leur colle à la peau, alors que dernièrement, l’on a fait des choux gras d’un escroc de première bourre, hâbleur, gouailleur qui a plongé quelques centaines d’ouvriers et d’ouvrières dans la misère et que nous autres contribuables avons généreusement abreuvé de nos deniers ? Oui ! C’est ce qui s’appelle commencer à balayer devant sa porte. 
    « Par malheur, à force de juger, on finit presque fatalement par perdre jusqu’au goût d’expliquer. Les passions du passé mêlant leurs reflets aux partis pris du présent, l’humanité réalité n’est plus qu’un tableau en blanc et en noir ». 
    
    Voilà qui est d’actualité, non ? C’est dans la  ligne de la plupart des films US qui nous sont assénés, même s’il existe aussi des historiens états-uniens de haut vol, des auteurs qui savent décrire toute la complexité du réel.

    « L’histoire a affaire à des êtres capables par nature, de fins consciemment poursuivies » 
    
    Ce qui, en clair et pour notre plus grand bonheur, nous permet d’affirmer que les Macron, les Zemmour, les Castaner et autres Philippe ou Blanquer sont parfaitement conscients de ce qu’ils disent et de ce qu’ils font. 
    Circonstances aggravantes que certains folliculaires camouflent en dérives psychiques, en folies et lubies, une pincée de Freud, deux zestes de Lacan et pour un peu, ils repartiraient sous des applaudissements d’un public conquis. Que nenni !

    Ce sont gens intelligents, retords, filous, imbus d’eux-mêmes, mais parfaitement conscients de ce qu’ils font et ils en rient entre eux. Nous autres citoyens, nous ne recevons que l’écume de leurs belles paroles, de leurs jeux de mots, de leurs regards mouillés, de leurs rires, ou de leur compassion parfois sur-jouée. 
    Alors vivons un peu en historiens et les baudruches se dégonflent, les pantins restent à terre, ils sont nus.

    « Un mot pour tout dire, domine et illumine nos études : comprendre ».

    Dois-je rappeler que comprendre n’a jamais voulu dire excuser ? 

    Comme quoi, relire d’anciens maîtres peut servir à mieux comprendre la complexité de notre présent. Il est des auteurs intemporels, donc classiques et dont on ne saurait se dispenser de connaître. 
    Être libre, c’est aussi savoir choisir ses maîtres.

    Et Marc Bloch en est un qu’il ne faut point oublier. 

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