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Vieux lucide, donc sans illusions, mais toujours pas encore sans espoir quoi qu'il écrive.

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Billet de blog 18 mars 2020

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Journal d'un amoureux de la vie au temps du Corona Virus

3e jour de confinement

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mercredi 18 mars

Levé à 6 h du matin pour aller recevoir ma piqure contre cette DMLA (Dégénérescence Maculaire Liée à l’Âge) de l’œil gauche. Trahison de l’œil gauche ! Un comble pour un ex-coco de passage, jadis, dans les années de Programme Commun, où il fallait renforcer la gauche de la gauche-socialiste. Bon ! On a vu. C’est parti en libéralisme au bout de 2 ans, génuflexion devant le cow-boy drivé par l’Ecole de Chicago, et le sphinx de Jarnac, charmé par la mère Thatcher, elle aussi ultra libérale extrémiste, et défiant l’Europe, le Marché Commun, en exigeant un régime spécial pour son UK.

Peu de monde sur les routes qui mènent à la clinique. Un seul guichet ouvert et les patients, bien alignés les uns derrière les autres en respectant la distance de sécurité.
La petite secrétaire, aimable, jolie comme tout, derrière son guichet, sans masque de protection contre un éventuel éternuement de patient. Oubli ? Inconscience ? Passons !
Mais le plus drôle, c’est que des rideaux de fer que l’on ferme le soir pour sans doute empêcher des vols d’ordinateurs, l’un était entrouvert, l’autre fermé. Le virus volerait-il comme n’importe quel microbe ? Et Bing ! Il se cogne au rideau de fer et tombe sur le comptoir, où l’on a placé l’enregistreur de carte verte, comme à la pharmacie. Maintenant, c’est le patient qui introduit la carte et la retire.

Z’avaient même pas ouvert les portes en grand. Putain ! Je me balade avec un masque qui paraît-il ne sert à rien tant qu'on n'est pas contaminé, mais c’est mode, et en cas de vérification par la police, ça prouve qu’on prend les consignes au sérieux, et il a fallu que j’appuie sur la clenche et que je tire la lourde vers moi, avec le coude et un doigt. Bravo les cliniques privées ! Bon ! Il était tôt. Mais quand même.

Il y avait  moins de patients que d’habitude. Chacun a pu s’asseoir loin de l’autre et même qu’on s’est tout juste dit bonjour. Le SARS-Cov-2 n’empêche pas de rester poli. Sauf que peu de patients avaient un masque. Le personnel en avait. Pas des plus sophistiqués. Et peut-être pas du jour. Va savoir.

Bien sûr, infirmières, aide soignants jactaient. Et ça tournait autour des nouvelles du multi-front. Moi, je me marrais doucement.
Juste avant de partir, dans cette aube aux doigts de rose, je suis allé sur le Net vérifier deux dates.
L’épidémie a commencé à Wuhan, en NOVEMBRE 2019. Hier, on enregistrait  moins de 10 nouveaux contaminés. En Chine.
Nous, les premiers cas, datent de février. On a vu quelles mesures ont été prises, et par la Chine, et par l’Italie. Eh bien, on n’est pas prêts d’être sortis de l’auberge. Il n’y a qu’à compter, à observer, à analyser.

Bon ! D’abord, pour le moment, la mortalité due au virus, demeure basse. Rien à voir avec les épidémies de peste ou de choléra.
Tiens ! A propos de peste. On en a une au Ve siècle sous Justinien, puis au XIVe siècle, il y a eu la « peste noire ». Partie elle aussi d’Asie, il lui a fallu 4 ans pour venir décimer l’Europe. La Terre était bien plus grande qu’aujourd’hui. Quant à la mortalité, la peste c’est parfois 50 % de la population qui passe de vie à trépas en quelques jours.
Elle nous a donné « Le Décaméron » du Boccacio, ces contes et histoires que se racontent des femmes de la haute bourgeoisie et de la noblesse réunies dans une maison de campagne loin de Florence et qui passent le temps, en se charmant les unes et les autres par le beau parler.

En 1971 Pasolini en fera un excellent film, puis il y aura Boccace 70 et, en 2015, Maraviglioso Boccacio des frères Taviani. On doit pouvoir s’en régaler en se baladant sur la Toile.

Au passage, on apprendra avec joie et allégresse que la bacille de la peste n’a pas disparu. C’est une bactérie, et qu’elle est réapparue dernièrement à Madagascar.
J’en conclus, qu’il va falloir apprendre à vivre avec le « Coco Rona » pendant quelques siècles avant qu’un autre et un autre arrivent. Coco Rona, on dirait un latitante, soit un mafioso repenti qui balance pour sauver sa peau.

On a assisté à la même fuite de certains citadins vers leur résidence secondaire. Même sauve qui peut, parfois justifié par l’exiguïté des habitats des grandes villes. Ce qui risque de poser quelques petits problèmes de propagation accélérée de régions jusque là épargnées.
Mais à suivre. Trop tôt pour affirmer quoi que ce soit.

Après ma piqure, j’en ai profité pour aller faire des courses chez le boucher, qui n’a plus le droit de prendre le sac à provisions de ses clients et en est revenu aux poches en plastique. Bon je les recycle en sacs poubelles quand je voyage en camping-car. Mais, là, il y a régression écologique qu’équilibre le ralentissement des tonnes de CO2 émises par la circulation et les entreprises.

J’ai constaté à mon retour vers 8 h 10, heure des embouteillages quotidiens, que la circulation était d’une fluidité extraordinaire, avec une proportion de camions assez élevée. Je me dis qu’il s’agit d’assurer le ravitaillement des populations.

Parce qu’en effet, après le boucher, direction la supérette, et là, des rayons vides. Allons bon ! « Nous nous excusons, mais nous ne serons livrés que demain ! »
Le tout étant de savoir si les gens vont continuer à entasser des provisions comme des malades, ou s’ils vont faire preuve de civisme en faisant confiance à l’avenir. Merde ! Même si ça meurt un chouïa, ce n’est pas une hécatombe. Les pompes funèbres ne sont pas débordées. On n’en est pas à creuser des fosses au bulldozer pour enterrer les morts en vrac avant de les brûler à la chaux vive. Oh ! On se calme !

Entendu à la radio, qu’aux USA, il y a précipitation des états-uniens chez les marchands d’armes. Des citoyens qui n’en possédaient pas, en achètent vite fait. De l’arme de poing, de l’arme de guerre, ou de chasse au gros. C’est l’absolu triomphe de décennies de mise en condition du « chacun pour soi », et de cette civilisation de la violence dont nous nous distrayons au travers des films et des séries.
Il est vrai que toute la société états-unienne repose sur le génocide des amérindiens, soit par contagion, soit par épuisement, soit par balles, soit par extinction des bisons qui constituaient la base de certaines tribus nomades.

Ah ! Il est joli le suprémacisme blanc à la yankee ou à la texane ! God nous protège des US !

Au fait, les grandes manœuvres de l’OTAN, histoire de narguer la Russie, vont-elles se poursuivre ?

Il faudrait suivre à la trace ces mouvements de troupes et la propagation du virus. Je laisse cela aux futurs historiens. Mais ça serait assez croquignolet de constater que là où des bases US sont en place, là où ont débarqué des troupes US, qui vont traverser l’Europe d’ouest en est, le virus les a accompagnées, comme en 1917, avec la grippe dite espagnole, tout simplement parce que l’Espagne, pays neutre, a comptabilisé ses victimes de la grippe, venue des States avec nos « sauveurs ».
Bon ! Gare à la rumeur, gare à la manipulation. Je suppute. Je n’affirme pas. Seuls les faits et les preuves sont indispensables et on ne les aura que dans quelques semaines, quelques mois, ou bien plus tard. « Secret défense » d’y voir oblige !

Cette après-midi, ça ronronne à nouveau dans le quartier. La première tonte fait des petits. Il fait doux, avec un soleil qui joue avec les nuages et ces bleus de Normandie, délavés, bien loin de l’azur profond à la limite de l’indigo que j’avais découvert, jadis, en haute montagne dans les Alpes du Sud. Un émerveillement pour le jeune normand qui n’avait jamais vu une telle intensité.

Lu dans « Le Monde », qu’un croque-mort évangéliste, oui ça existe !, revenu d’une réunion évangélique du côté de Mulhouse, a serré les paluches des flics de Briançon et leur a filé le virus gratuitement. « Virus est arrivéééé, alleluia ! »

J’ai bien du mal à supporter ce genre de personne. Il me semble que ces évangélistes sont au christianisme ce que le salafisme est à la religion musulmane. Des fous de Dieu qui se valent, tous unis dans la haine des femmes, dans la vérité de leur foi et qui ont totalement oublié que les dieux et donc les religions sont des inventions des hommes pour répondre, mal, aux angoisses et aux questions justes qu’ils se posent depuis qu’ils ont pris conscience de leur mort.
Accepter de perdre les siens, de disparaître soi-même, c’est difficile. Il y a comme un refus, la croyance en une injustice, un scandale. D’où cette invention merveilleuse d’une vie au-delà de la vie. Pourquoi pas une vie éternelle pendant qu’on y est ?
J’ai été élevé dans cette conception-là jusqu’au jour où j’ai compris que le prêtre qui officie dans l’Église Catholique n’est qu’un magicien semblable à tous les chamans, démiurges et autres griots, sorciers, utilisant des gestes convenus, des formules magiques, pour transformer pain et vin en corps de Dieu.

Pouce ! Je ne joue plus. Balivernes. Il n’y a pas de textes sacrés, il n’y a que de la littérature. Et écrite à plusieurs mains, sur plusieurs siècles, par des individus peu recommandables.
A preuve, à partir des mêmes textes, des gens peuvent vivre en harmonie et en générosité avec leurs semblables, et d’autres devenir des assassins, persuadés de n’être que les instruments dévoués de leur dieu unique ou pas.

La folie des hommes n’a d’égale que la sagesse de certains autres. Mais, dans tous les cas, il est avéré que « la vie procède de la mort ». Id est !

Tout être vivant a besoin d’ingurgiter du vivant pour vivre. Que ce soit de l’animal ou du végétal. Et ce voyou de SARS-CoV-2 n’échappe pas à la règle. Il lui faut du vivant pour se perpétuer depuis qu’il est apparu. Il en a soif. D’où cette obligation de nous éloigner les uns des autres, de nous isoler, pour qu’il disparaisse ou se transforme en allant infecter d’autres espèces que la nôtre.
Bien des animaux sont porteurs de virus contre lesquels ils produisent des anti-corps ce qui ne les empêche nullement de devenir dangereux pour les autres espèces qui vivaient, jusqu’à présent bien loin d’eux.
Or, dans un satellite où la croissance de l’espèce humaine est exponentielle, elle entre obligatoirement en contact avec une faune sauvage dont elle était éloignée et qui la contamine.
Le problème que nous vivons devrait nous faire comprendre que la croissance infinie dans un monde fini est une absurdité.

Mais chut ! Il est malpoli, mal séant, politiquement incorrect de parler de malthusianisme. Déjà qu’on a eu du mal à imposer la notion de contrôle des naissances, alors, oser freiner la natalité. Pourtant, des expériences ont déjà eu lieu depuis fort longtemps avec nos amis les rats. Enfermés dans un certain espace ils reçoivent toujours la même quantité de nourriture. Dans un premier temps, ils se reproduisent à la même vitesse que d’habitude. Puis, manquant de l’essentiel, il y a une phase d’agressivité où les plus forts tuent les faibles, et enfin, tout naturellement, les femelles voient leur taux de fécondité baisser. Miracle de l’adaptation.

 Ayons la modestie de ne pas nous croire tellement plus intelligents que les rats. J’en veux pour preuve, cette furie des états-uniens à acheter des armes que j’évoquais plus haut.

Un petit rayon de soleil dans ce qui commençait à devenir du fortement pensé ou presque.
Nous avons eu via WhatsApp le sourire de notre dernière petite fille, confinée avec sa maman dans le XIXe arrondissement. Elle a l’air un peu plus excitée que d’habitude. Mais elle nous a écrit une lettre, pas encore envoyée. Elle vient tout juste d’apprendre à lire et écrire, ce temps extraordinaire, cette marche vers la connaissance, cette ouverture sur le temps et l’espace.
On s’est fait des grimaces. Elle nous a montré son dernier dessin. Et ses incisives d’adulte du haut ont bien du mal à sortir, ce qui lui donne ce sourire si caractéristique des élèves de CP.

Lu sur « La Repubblica » Le gouverneur de la Lombardie : « Restez à la maison, nous ne sommes plus en mesure de vous aider sauf en cas de grave maladie ». En un mot, ils sont débordés.
Un homme de 32 ans est décédé suite au Covid-19, un autre de 57 ans à Lodi.
Enfin à Bergame un généraliste sur 5 est contaminé. C’est un désastre.

L’Italie possède une dizaine de jours d’avance sur nous. Point final.

23 h 05

Les chiffres pour la Chine sont les mêmes que ceux d’hier
par contre Italie 35 713 contaminés 2 978 décès et 4 025 guérisons
Allemagne 12 327 contaminés 28 décès 105 guéris
France 9052 contaminés 148 décès et 12 guéris.

156 pays sont touchés avec des statistiques approximatives comme pour l’Inde, une vraie bombe à retardement, dans la mesure où le dépistage ne se fait guère et où ça meurt gentiment avec réincarnation possible. Et avec 1,4 MM d’habitants, un ou deux millions de moins ne se verraient qu’à peine.

Point ultra-positif de l’apparition de ce virus, la prise de conscience que l’État, son administration, ses institutions, ses moyens de légiférer, ses services publics tant galvaudés, méprisés, diminués, sont la seule parade, la seule efficacité.
La liberté d’entreprendre absolue, la mythification du libre marché, la concurrence absolue de tous contre tous, la sélection naturelle, le darwinisme social, la supériorité des « premiers de cordée » et autres trouvailles sémantiques sont gravement remis en cause par un virus tueur.
Eh oui ! L’État providence que l’on conspuait depuis des décennies retrouve soudain sa justification dont la majorité des français, des citoyens européens ne doutaient pas contre l’avis de leurs élites complètement converties aux thèses de l’Ecole de Chicago.

Pourvu que ça dure ! Pour un peu le keynésianisme reprendrait du poil de la bête. Je sens une brise nouvelle due à un retournement de vestes. Durable ou passager ? On ne peut trop le savoir.
Mais l’hommage appuyé de notre ministre de la Santé à la jeunesse, avec prise de conscience qu’elle veut un autre monde que celui qu’on lui proposait et qui a conduit à ce que nous vivons, valait son pesant de contrition, ce soir à la télé sur la 10 dans l’émission de Yann Barthès.

On craint et en même temps l’on espère. On reçoit même des coups de bonheur. Bon ! On n’a pas vu la Vierge, et l’on demeure lucide autant que possible. L’oubli des promesses, le reniement des belles déclarations, l’enterrement des aveux, on les connaît par chœur quand on fait partie des veilles barbes. Mais quand même… Il y a des attitudes qui font chaud au cœur.

Au fait, on va ouvrir combien de nouveaux lits ? On va embaucher combien de nouveaux personnels médicaux ? Et on augmente leurs salaires et les dotations de combien ? Parce qu’ils le méritent, eux qui sont en première ligne, et nous, qui sommes dépendants de leur compétence.

J’attends de telles concrétisations des hommages , encouragements et louanges avec une impatience certaine.

Allez c’est tout pour aujourd’hui, je vais continuer à lire un bon vieux Daeninckx de derrière les fagots. J’en ai acheté une dizaine juste avant qu’on soit confinés. Un écrivain tout à fait recommandable.

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