En ces temps nauséeux, pollués par les guerres, le réchauffement climatique, les massacres, la mondialisation effrénée, les bruits de bottes et le compte à rebours vers une explosion atomique toujours possible y compris par accident d’une centrale nucléaire, que la magie de la bourgeoisie en place, tente de verdir et de nous faire croire qu’il n’y a pas plus propre que cette énergie dont on léguera les déchets aux générations futures, pour des siècles, il était temps qu’on se replonge dans ce joli mois de mai 1968, où soudain, la jeunesse a remis en question la morgue de ceux qui nous gouvernaient.
Jean A. Chérasse nous offre un livre de souvenirs et nous remet en mémoire les slogans qui ont fleuri sur les murs, sur les tracts, sur les affiches éditées par les élèves des Beaux Arts de Paris.
Bien sûr que ce fut une belle récréation, mais plus que cela.
Pour la première fois depuis 1936, la France s’est arrêtée. Les gens se sont parlés. Ils ont pris le temps de réfléchir à ce qu’ils voulaient comme vie. « Métro, boulot, dodo. » Certes ! « Mais on ne doit pas perdre sa vie à la gagner. »
Il y a des redites dans le livre de Jean A. Chérasse. Mais, il y a une belle reconstitution de la manière dont se sont déroulés « les évènements ». Tiens !
Encore « les évènements », comme le fut « la guerre d’Algérie » tout juste finie mais jamais close. Aujourd’hui, on parle «d’opération spéciale » en Russie. Même continuité de la peur du pouvoir d’appeler la réalité par son nom.Manipulation de l’opinion publique.
Et l’on a droit, de l’intérieur, à ce qu’il s’est passé à l’ORTF, avec élimination des producteurs, des journalistes, des techniciens mêmes, lorsque le pouvoir gaullien, aidé en cela par les hordes du SAC, l’armée de Massu et la bourgeoisie ébranlée dont la flicaille fracassait les têtes de leurs enfants ont repris les choses en mains après que le patronat ait concédé une augmentation de salaire et des congés payés supplémentaires. Les masses et la sur-consommation ? L‘aliénation par les choses, et les dettes à rembourser ? Ouais ! Facile à dénoncer quand on est issu de milieux aisés. Mais le confort, la voiture et les vacances… pourquoi pas nous aussi ! Et hop ! La « révolution » est en attente puisque l’essence est revenue, pile poil pour le week-end de l’Ascension. « Sous les pavés, la plage »
L’autoroute A 13, pas finie, conduisait quand même à Deauville. Chabadabada, chabadabada…
Interviouvant des militaires du contingent, en septembre 68, qui avaient vécu mai, enfermés à double tour dans la caserne, sans permission de sortie, sans courrier, ils m’avaient confié qu’ils auraient été prêts à « casser de l’étudiant » si on leur en avait donné l’ordre. Id est !
« Le zéphyr au doux menton » complète parfaitement la thèse de Ludivine Bantigny sur la même période « De grands soirs en petits matins » qui demeure l’ouvrage de référence.
Toutefois, aux souvenirs directs de Jean Chérasse, s’ajoutent les propos de l’ami Raoul Vaneigem, toujours revigorants, et le très beau texte de l’anarchiste Gaston Leval qui nous rappelle que si la « lutte des classes » n’est pas une illusion, ce sont essentiellement des enfants issus de la bourgeoisie qui ont été les théoriciens de la pensée socialiste et anarchiste. Ne jamais l’oublier !
Beau cadeau à se faire que ce livre, et surtout à faire connaître aux générations nouvelles. Cet ouvrage nous remet en mémoire que « tout est politique », que cela nous plaise ou non, et que ce n’est pas pour rien que les milliardaires investissent dans la presse afin de manipuler l’opinion et de lui faire prendre des « faits-diversions » pour argent comptant.
Diviser pour régner. Choisir les migrants comme boucs émissaires afin qu’ils cachent la lâcheté de la civilisation occidentale haïe par la majorité de la planète pour son exploitation éhontée des ressources du satellite, pour la défense de son dogme de la croissance infinie, et pour l’enrichissement de ses 1% qui ne savent que faire de leur fortune qui ne les empêchera pas de mourir comme tout un chacun.
Les acteurs et actrices de ce beau mois de mai sont devenus grands-parents, d’aucuns déjà enterrés. Certains se sont embourgeoisés devenant la caricature d’eux-mêmes, (n’est-ce pas Cohn-Bendit ? )quelques autres, contre vents et marées demeurent fidèles à leur jeunesse et ont l’espoir et l’esprit de résistance toujours intacts.
Jean A. Chérasse, alias Vingtras en fait partie, pour notre plus grand bonheur.
Tout n’a pas été perdu, quoiqu’en disent certains réacs qui en tremblent encore : l’amélioration de la situation des femmes a fait un bond considérable. C’est ce que je retiens le plus de cette époque : contraception, avortement, égalité des salaires dans la fonction publique (hum ! )…
Les top-less ont quasiment disparu des bords de l’eau, et les « ras de la touffe » sont considérés comme une provocation.
Mais que les femmes, nos filles et surtout nos petites-filles ne lâchent rien ! Bien des machos sont prêts à remettre en question leurs acquis. Les libertés seront toujours menacées comme les acquis au cours des luttes.
En ce jour où la droite, de moins en moins républicaine et de l'extrême centre, s'est baugée avec l'extrême droite sur le dos des migrants qui ont remplacé les juifs d'avant-guerre, l'utopie d'un autre monde est plus que jamais de rigueur.
A chacun de prendre ses responsabilités. L'anarchie, qui est une autre conception de la société, et que l'on ne doit pas confondre avec l'anarchisme, est plus que jamais d'actualité.
Le mois de mai est toujours un peu loin de Noël, mais, dès 1967, ça bougeait sérieusement dans les boites. Alors ?
Où est-ce que ça bouge, aujourd'hui ?
Partout. Mais, à petit bruit, dans les associations, les regroupements de gens échangeant des services, des graines, des monnaies parallèles, retapant les choses cassées, ouvrant des magasins de fringues, refusant la mal-bouffe, la bidoche à tous les repas, pratiquant le co-voiturage, les achats groupés entre voisins, toute une société qui se construit en marge de cette "vieille société de consommation" qui n'a de finalité que l'enrichissement éhonté des plus riches et l'exploitation sans limites des ressources du sol et du sous-sol des pays que fuient justement les migrants qui n'en peuvent plus de voir passer leurs richesses et de sombrer dans les guerres.