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Vieux lucide, donc sans illusions, mais toujours pas encore sans espoir quoi qu'il écrive.

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Billet de blog 19 mars 2020

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Journal d'un amoureux de la vie au temps du Corona Virus

4e Jour de confinement

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Jeudi 19 mars

Bien entendu, notre femme de ménage nous a avertis hier, qu’elle ne viendrait pas cette semaine, ni la semaine prochaine. Normal ! Nous devons pourtant la payer. Normal aussi. Elle ne doit ni SE mettre en danger, ni NOUS mettre en danger. Ce n’est pas une catastrophe !
J’ai donc passé l’aspirateur, dépoussiéré la chambre de mon épouse qui ne peut rien faire, passé la serpillère.
J’ai découvert au passage que notre aide ménagère ne levait pas la tête. J’ai eu confirmation que notre maison est saine. J’ai aspiré les toiles d’araignée. Il y avait longtemps que cela avait été fait. Comme le nettoyage des dessous des sièges de la cuisine. Deux heures et quelques de travail, avec des pauses courtes, à 77 ans on a perdu un peu d’efficacité. Et puis, c’est un travail indispensable, mais barbant.

Les nouvelles du front sont plutôt bonnes. En Chine, les seuls nouveaux cas seraient des gens venus d’ailleurs. Zéro cas de nouveau contaminé chinois de Chine. Si c’est vrai, la courbe pourrait redescendre.
Par contre en Europe, ça continue. Contaminés et décès dont des jeunes augmentent gentiment. Je verrai les statistiques ce soir.

Le téléphone permet de rester en contact avec les amis. Merveilleuse époque où le confinement n’empêche nullement les relations sociales. D’autant qu’en plus, il y a les blogs, les billets que l’on peut commenter, la radio, la télévision.
Jadis, au cours des grandes épidémies de l’histoire, chacun demeurait en sa chacunière se méfiant des passants, les repoussant à coups de fourche, ou les enfermant en leur logis avec repas quotidien offert par la communauté.

Quand il y avait un mort, on appelait au secours, et des condamnés à mort, des forçats venaient tirer le cadavre avec des crocs puis le balançaient dans des tombereaux avant d’aller les brûler à l’extérieur de la ville.
Giono s’était renseigné pour son « Hussard sur le Toit », et Rappeneau, pour le film éponyme, a fort bien reconstitué ce choléra qui a ravagé la Provence au début du XIXe siècle.
Il y a des scènes admirables, comme cette course à l’étranger qui oblige Angelo Pardi à se réfugier sur les toits de Manosque. Clin d’œil de Jean Giono à ce qu’il a vécu à la Libération où on l’accusa de collaboration pour avoir écrit un ou deux textes dans des revues maréchalistes et où l’on oublia qu’il avait contribué à cacher des résistants au cours de cette période de folie humaine. Son enfermement en prison, à Marseille fut plus pour le protéger des haines des pétochards, devenus héroïques à la 25e heure, soudain devenus patriotes et gaullistes, après avoir chié dans leurs chausses, voire collaboré.

A propos de confinement, un oncle de ma femme a fait une belle carrière de commandant mécanicien dans la marine marchande. C’était, il vient de mourir l’an passé, un excellent conteur qui me passionnait. Il y avait du Conrad chez cet homme qui ne se prenait pas pour la moitié d’une mandarine, et cultivait un certain mépris qui m’était insupportable envers les noirs.
Il avait parcouru le monde et travaillé sur des bananiers. Donc la traversée de l’Atlantique Nord lui était familière, chargement aux Antilles, déchargements à Dieppe, à Rouen, à Londres et à Hambourg.

Les cargos modernes possèdent des équipages réduits au minimum. Or, un navire civil ou militaire, c’est une prison flottante. Un confinement permanent. D’où des règles strictes que chacun doit respecter si l’on ne veut pas se taper dessus. Bien sûr, à l’époque, équipage exclusivement masculin. Mais, à l’intérieur, on aurait pu manger dans les coursives absolument impeccables. Obligation de s’habiller pour manger. Vouvoiement entre les cadres et le personnel. Horaires strictes. Respect de l’intimité de chacun.

Pas mauvais d’avoir à l’esprit cette manière de vivre en confinement par ces jours d’isolement forcé. Ne pas se laisser trop aller, ne pas se négliger, ne pas sombrer dans un avachissement morne. C’est le moment, pour ceux qui n’ont pas l’obligation d’aller physiquement travailler, car il y en a des centaines de milliers qui continuent de bosser pour que nous puissions nous nourrir, nous déplacer chichement, nous réparer nos tuyauteries, nos chauffages, nos ordinateurs et autres moyens de communication, pour nous ravitailler en nourriture surgelée via Internet. Merci et gloire à eux. Cela ne va pas leur donner des salaires mieux rémunérés et pourtant, ils risquent leur vie, même en prenant les précautions d’usage.

Du coup ! Heureux les confinés.
C’est quand même admirable d’entendre répétées jusqu’à plus soif, les consignes impératives de confinement et, dans le même temps, d’encourager ceux dont on a besoin à continuer à travailler. Les cadres et professions intellectuelles plus les retraités et les scolarisés d’une part, les soutiers de la société, la caste des « intouchables », ceux qui ont les mains dans le cambouis et dans les tripes, le sang, les légumes et les fruits d’autre part. Sans eux, nous crèverions dans nos cagnats comme poilus abandonnés dans les tranchées.

Et le monde continue de freiner, suspend sa course au profit, quoique !
En ces temps de crise économique majeure, prévue depuis quelques mois, notre secrétaire d’Etat auprès du Ministre des Finances aurait déclaré « qu’il y avait de bonnes affaires à faire ». En jouant sur l’effondrement des bourses, on peut continuer à spéculer. Des « opportunités » d’enrichissement existent, encore faut-il savoir lesquelles et avoir de quoi investir. La solidarité, le sacrifice de soi pour les autres ? Non mais et puis quoi encore !
Réfugiés sur leur yacht aseptisé, sur leur île au soleil, les plus fortunés réussissent à se payer de la santé jusqu’à ce que la mort les emporte. Car ils ne sont pas plus éternels que vous et moi. Mais quelle jouissance de mourir sur une fortune !

La nature humaine est décidément toujours aussi déconcertante.

Très bon titre du Canard Enchainé : Sartre à nouveau à la mode : « l’enfer c’est les autres », n’ayez pas « les mains sales » et restez à « huis clos ».

Même la libérale G-B va fermer ses universités et ses écoles. Le clown Johnson a été obligé de virer sa cuti.

Mais je suis toujours aussi ébahi devant la rapidité avec laquelle les pays se sont repliés sur leurs frontières.

Certes la BCE lâche quelques milliards d’euro pour soutenir l’économie. Les gouvernements laissent filer les déficits qui ne seront jamais remboursés. Mais certains le savaient, et nul n’osera l’avouer en haut lieu. Ce qui était jadis impossible au moment des crises de la Grèce de l’Italie , de l’Espagne et du Portugal, le virus l’a rendu possible.
Nous vivons une époque vraiment étonnante.

La Mecque est fermée. La place St Pierre, à Pâques sera déserte. Le virus a vaincu ou plutôt ébranlé les religions, même si les ultra-orthodoxes israélites font de la résistance et tiennent à continuer de donner leur cours talmudiques.
Il est vrai qu’il n’y a aucun verset de la Bible qui parle du SARS CoV-2, donc, il n’existe pas ! Comme si cette nouveauté créée par on ne sait qui était une question de foi.

Il est toutefois recommandé de ne plus embrasser le mur des lamentations.
Comment vont faire les orthodoxes grands bisouteurs d’icônes ? C’est fou comme un virus peut avoir des conséquences étranges dans tous les domaines.

On apprend ainsi que la sortie de films est reportée. Idem pour les livres au grand dam des libraires déjà en mauvaise position économique. Sacrédié ! Des petits éditeurs vont sombrer. Le Ministre des Finances, M. Le Maire a beau clamer que « tout le monde sera aidé, qu’il n’y aura aucune entreprise qui disparaîtra » (sic) , ce matin sur France Inter, j’ai du mal à y croire. Si nous sommes « en guerre », jamais connu de guerres sans dégâts. Jamais.

Et pour le moment, ma pension inscrite au « grand livre de la dette » est toujours honorée. Puisse-t-elle l’être encore quelques années. Mais qui sait ?

Je joins ce texte fort intéressant de M. Laurent Thines, paru ce jour sur le club des blogs et qui illustre fort bien l’arrivée du SARS-CoV- 2 en France. C’est un témoignage passionnant d’un praticien. Il est l’un de ces multiples héros anonymes qui sont au service de notre santé, comme le sont aussi tous ceux qui continuent à travailler pour nous nourrir, nous informer, nous distraire, nous fabriquer et vendre notre pain quotidien, transporter les marchandises, les distribuer.

Ce ne sont pas tant de mots dont nous avons le plus besoin, mais d’actes commandés par la grande solidarité des humains. Or, l’on peut douter que ce soit vraiment ce qui anime ceux qui nous gouvernent quand on voit leur entêtement à agir pour que rien ne change afin de refaire au plus vite ce qu’un virus les gêne d’accomplir.

Prémices d’une catastrophe sanitaire par M. Laurent Thines

Ce soir je vais rentrer chez moi, et tout sera calme – tellement calme et habituel. La route quasi déserte. Le paysage un peu vallonné et forestier à la sortie du CHU de Besançon. L’entrée de ma ville, mon village. Le jardin et mon doux ruisseau qui chante à son flanc. Les merles qui revendiquent leur territoire dans la ramée. Le soir qui tombe sous un ciel qui s’éclaire paisiblement. Calme.
Calme comme les couloirs de l’hôpital où règne une ambiance lunaire, surréaliste, désertique. Calme comme le programme opératoire sur mon agenda depuis quinze jours que nous annulons progressivement les interventions en fermant les unes après les autres les vacations pour finalement ne garder que les chirurgies les plus urgentes : oncologie, compression neurologique et urgences vitales. Tous mes confrères font de même.
Calme comme le bloc qui tourne à bas régime pour libérer du temps de repos et d’organisation aux anesthésistes-réanimateurs qui vont être happés par le cours de l’histoire. Calme comme la consultation déshabitée depuis la réunion de crise organisée dimanche après-midi avec les collègues en vue de la préparation finale au BIG-ONE. Calme.
Calmes. Car nous sommes prêts à l’accueillir cette vague, depuis quatre semaines que le dispositif se met en place sous l’impulsion de l’ARS, de la direction et de la cellule de crise avec ses réunions, visites, audits à n’en plus finir. Regroupement de services pour élargir le service des maladies infectieuses et leurs soins intensifs, transformation des salles de réveil en futures salles de réanimation ventilatoire, transfert des lits « propres » de Réa en chirurgie cardiaque etc etc… Personnels de tous ordres mis « en mission » à domicile pour se reposer avant le choc du BIG-ONE.
Calme. Pourquoi tout est si calme, bon sang ? Depuis décembre-janvier dernier, je scrute avec attention le développement de cette épidémie partie de Chine – Province du Hubei, plus de 50 millions d’habitants, dont j’ignorais le nom jusqu’alors, comme celui du SARS-CoV-2. Je regardais ça de loin, forcément curieux – ce déchainement d’énergie des chinois pour circonscrire ce virus émergent – presque amusé par tant d’agitation autour de cet hôpital sorti de terre en même pas 10 jours. Une démonstration de force de plus d’un régime dictatorial en mal de légitimité.
Et puis progressivement tout a semblé se stabiliser, malgré les difficultés initiales et même si le virus s’est fugacement développé à Hong-Kong, à Singapore, en Corée du sud, il a été à nouveau promptement jugulé – tests viraux généralisés, confinement des cas infectés, port extensif du masque, discipline de fer d’habitants rodés à l’exercice. Et dans notre condescendance postcoloniale marquée d’imprévoyance, nous avons envoyé un convoi de fret humanitaire sponsorisé par LVMH en solidarité avec le combat de nos amis asiatiques : 17 tonnes de matériel de protection dont des dizaines de milliers de masques français – ironie de la chose, la Chine est l’atelier de production de ces masques – une forme de pied-de-nez des occidentaux.
Pour le « coronavirus » en question, le taux de reproduction (R0) est de 1,4 à 2,5, donc assez élevé (comme le SARS) donc il est très contagieux mais le taux de létalité est d’environ 2% à l’époque en Chine puis 0,6% en Corée du Sud (où des tests de dépistage généralisés diagnostiquent aussi beaucoup de formes bénignes)  - c’est à dire, beaucoup plus que la grippe saisonnière mais pas autant que le SARS, le MERS ou EBOLA… pas de quoi paniquer à ce stade. D’ailleurs, notre ministre de la Santé, Madame Buzyn, était très rassurante le 20 janvier en affirmant que « le risque d’importation du virus du Wuhan était quasi nul » et que le « risque de propagation dans la population était très faible ».
Je me disais : mais quelle prétention de croire qu’on peut empêcher une pandémie de se développer, d’atteindre la France un jour ou l’autre, à partir d’un pays surpeuplé comme la Chine – ils sont devenus fous. Et puis, comme prévu, des cas d’exportation ont continué de se développer en chapelet : paquebot Diamond Princess au Japon, foyer en Italie, en Iran en février…
C’est à ce moment que les choses ont commencé à s’emballer – en particulier en Italie, Lombardie, région riche et dont le système hospitalier est équivalent au système français. Là, en quelques jours, c’est devenu l’enfer sur terre. On constate alors, sidéré, que, même si le taux de létalité du coronavirus semble modéré, sa contagiosité est fulgurante et cela d’autant plus que certains porteurs sont asymptomatiques (sans signes cliniques), rendant difficile sa détection et le suivi épidémiologique des nouveaux cas.
C’est précisément cette explosion brutale et imprévisible du nombre de malades qui pose problème en saturant le système hospitalier en particulier par les patients les plus graves relevant de la réanimation intensive en raison d’une détresse respiratoire aiguë. La situation peut dégénérer au point qu’il n’y ait plus assez de machines pour ventiler tous les malades…dans le flux des patients, il devient nécessaire alors de faire le choix  de ne pas en réanimer certains pour en sauver d’autres…Même éthiques, ces décisions sur des critères de chance de survie, d’âge ou des comorbidités sont extrêmement traumatisantes pour les médecins. En Italie, il en a aussi résulté une augmentation du taux de décès de 2% à 8%...
Dans mon esprit, l’inquiétude commençait à monter… Puis, on a vu arriver deux salves de rapatriements de compatriotes de Chine, l’un à Carry-le-rouet qui s’est bien déroulé, et l’autre sur une base militaire de l’Oise où 6 militaires ont été contaminés fin février dans des conditions étranges non encore élucidées. Enfin, une messe évangélique à Mulhouse a été le siège, à la même période, d’une contamination de masse qui a diffusé à la fois sur la ville, la région mais aussi jusqu’en Corse ou en Guyane…Ces deux sites (Oise et Grand Est) constituent actuellement  les deux épicentres les plus actifs du SARS-CoV-2 en France, en particulier dans la région Grand Est où un terrible scénario à l’italienne est en train de se mettre en place.
Calme – rien n’est calme.
Non rien n’est calme, ni à la ville, ni à l’hôpital ni sur les réseaux sociaux ou dans les médias. Tout d’abord, avec l’extension de l’épidémie chaque jour, l’impréparation de cette crise devient de plus en plus flagrante : impossibilités de tester les cas suspects, ce qui permettrait de les isoler, manque de matériel basique, en particulier pénurie de masques de protection pour les patients et les soignants – avec des médecins libéraux désemparés. Pourtant, en 2009, face au risque d’épidémie H5N1, 1 milliard de masques anti-projections, destinés aux malades, 900 millions de masques de protection, dits « FFP2 » avaient été acquis. Que sont-ils devenus ?
Côté décisionnel au plus haut niveau de l’Etat, rien n’est fait pour traiter les deux clusters épidémiques de l’Est et de la région parisienne, et la maladie s’étend inexorablement, alors même que la ministre de la Santé rend sa démission pour partir en quête d’un mandat municipal à Paris, abandonnant les soignants et les français à la pire crise sanitaire du pays depuis la grippe espagnole de 1918, qui tua 400.000 personnes en France. On le sait depuis l’exemple des crises asiatiques et italienne récentes, une seule chose peut enrayer le processus et casser la courbe épidémique : le confinement précoce des zones actives…qui permettrait aussi de préserver le reste de l’économie du pays.
Pourtant rien n’est fait. Pourquoi ? On évoque dans le Figaro que le gouvernement opterait pour une stratégie d’immunisation collective… dans quel but ? Pour préserver qui ou quoi ? Selon quelle idéologie ? Pour aboutir à l’arrêt d’une épidémie par ce processus, il faudrait que 75 à 80% de la population contracte la maladie (ou soit vaccinée) - en France, au bas mot, 50 millions de personnes. Oui, mais ce qu’il faut comprendre, c’est que cette stratégie a un coût : des décès, en masse, dont le nombre serait variable selon le taux de létalité réel, qu’on pourrait estimer en moyenne à 1%, ce qui conduirait au final à… 500.000 morts, c’est à dire plus que la grippe espagnole. Est-ce cela que vise sans le dire aux français le gouvernement Macron-Philippe ?
Ou bien, est-ce de la pure inconscience – c’est à dire que l’absence de confinement total  face au développement de ces deux clusters - ne serait lié qu’à une totale méconnaissance, négligence de leur dangerosité, malgré l’exemple italien si proche… Quoiqu’il en soit, l’épidémie, elle, continue de s’étendre inexorablement… Des voix de médecins desespérés s’élèvent pour demander du matériel de protection, le confinement des zones géographiques actives et surtout le report des élections municipales pour essayer de contenir le virus et éviter à tout prix l’horreur d’un scénario italien. En vain.
Le président Macron et le Premier Ministre Philippe font successivement leurs allocutions, les élections sont maintenues, des demi-mesures sont prises pour endiguer l’épidémie, trop faibles pour calmer le jeu – le Grand Est s’embrase, les retours du terrain sont dramatiques : on en est au stade de l’Italie. Dans la panique ou sous la pression de l’opinion, le confinement global de la France est finalement acté dans la panique le 17 mars 2020, soit un mois après le développement des deux clusters de l’Est et de l’Oise – un précieux mois, qui aurait pu tout changer.
Là encore, les mesures sont floues (typiques du « en même temps » macronien) et poussives, permettant à des dizaines de milliers de parisiens de s’exfiltrer vers des lieux de confinement en province, où ils vont malgré eux emporter par la même occasion leur charge virale dans leurs familles ou des zones encore peu touchées…
Le calme, sous les flammes du doute et de la colère, face à tant d’hésitations, de négligence, d’incurie. Et on a beau jeu de critiquer les petites gens qui ne respectent pas pendant quelques jours les consignes. Comment les blâmer face à des responsables qui ont tant changé de discours depuis le début de cette crise ou qui ne s’appliquent pas à eux mêmes ces obligations.
Colère et écœurement intensifiés par la grenade de désencerclement politique lâchée par l’ex-ministre de la Santé, prise de panique ou de remords, et révélant qu’elle avait informé le Président et le Premier Ministre de la gravité de la situation depuis…fin janvier, en particulier de la nécessité de reporter les élections municipales… Catastrophe sanitaire doublée d’un scandale d’Etat ?
Rien n’est plus calme.
Une réalité émerge brutalement dans mon esprit, une fulgurance : ILS nous ont bel et bien mis en « Soins palliatifs ». L’exécutif a fait le diagnostic d’une situation devenue hors de contrôle, probablement incurable, avec des métastases d’activité virale qui diffusent dans tout le corps social à présent. Ils nous perfusent de quelques paroles lénifiantes, de remerciements dirigé vers le petit personnel soignant, chargé de la sale besogne, mais ils ont décidé, sans le dire à la population, de laisser partir le patient à petit feu, en traitant la douleur mais pas la maladie.
Sous cet angle de vue, tout devient limpide alors: la décision de confinement tardif, progressif et conditionnel en commençant par « les écoles et universités », puis les « lieux festifs » et enfin tout le territoire mais avec la possibilité de circuler quand même « sous autorisation » ou de « voir cinq personnes par jour » - pourquoi prendre le risque d’un choc frontal avec la population puisque maintenant les jeux sont faits ? Ils ont entériné le lourd bilan à venir en oubliant que nous ne sommes plus en 1918 mais en 2020 : les français ne sont plus d’accord de mourir à l’hôpital en masse, surtout à des âges où on entre à peine à la retraite ; les soignants eux-mêmes ne sont plus habitués à perdre des patients pour lesquels, en temps normal, ils tenteraient le maximum jusqu’au bout.
Rien n’est calme, dans nos têtes de soignants – là-dedans, tourne sans relâche l’angoisse d’un chaos à l’italienne. On attend la vague de patients graves en espérant que ce ne sera pas un tsunami. Quand et pour combien de jours, de semaines, de mois durera cette déferlante…nous ne le savons pas. Personne ne le sait. Malgré les errances de nos gouvernants, nous espérons encore qu’un large sursaut citoyen de respect strict du confinement permettra de réduire suffisamment le taux de reproduction (R0 = 1,5) pour aplatir, dans les 3 semaines, cette foutue courbe épidémique et garantir l’accès aux respirateurs de réanimation pour tous les patients – que chacun ait sa chance, comme dans un pays moderne et riche qu’était la France.
Peut-être est-il déjà trop tard, pour nous à Besançon, sur qui dévale le cyclone du Grand Est ? Sur le terrain, nous sommes prêts, malgré l’épuisement du personnel, essoré par des années de lean-management, de suppression de postes et de lits, de gel des salaires, de réduction de matériel, d’efforts d’optimisation et de perfectionnement, de manque de considération voire de stigmatisation. Et, malgré la pénurie de moyen de protection (masques, solution hydro-alcoolique, sur-blouses, lunettes), malgré la peur au ventre face à ce que l’on va rencontrer au front de l’épidémie, nous sommes au poste. Fidèles soldats de la guerre sanitaire qui doivent assumer les errances, les erreurs et les choix cyniques de leurs dirigeants.
Pourtant, ce mercredi 18 mars 2020, alors que la France est confinée, ici, entre les murs aseptisés de l’hôpital, tout est calme encore. Beaucoup trop calme. Ou presque: 18 des 20 patients de soins intensifs sont oxygéno-dépendants maintenant et risquent de relever sous peu de la réanimation…La mer recule dans un silence qui vous glace jusqu’aux os. Le calme d’avant la déferlante. Inéluctable.
J’espère qu’il ne m’en voudra pas pour cet emprunt. Qu’il reçoive ici, toute ma gratitude et mon admiration à partager avec tous ceux qui luttent contre le virus.

18 h 36
Aujourd’hui encore, aucun nouveau cas à Wuhan.
Par contre, un mort toutes les 15 minutes dans les hôpitaux de Madrid.
Mon fils aîné m’a demandé de nos nouvelles. Nous ne nous sommes jamais autant téléphonés qu’en ce moment. Solidarité, amour filial, amitiés. Il y a plein de bonnes choses qui s’épanouissent avec cette période de confinement. Cette menace, un peu plus importante de la mort pourtant toujours présente.
Il travaille at home, architecte, il termine des dossiers en cours, mais il sent que cela va se tarir sous peu. Plus de chantiers en vue et pas en cours.
Mon gendre, traducteur, a vu ses rendez-vous d’interprétariat reportés à une date ultérieure. Du coup, plus de traduction en ligne, puisqu’il avait averti qu’il était indisponible. Ma fille, ingénieur d’études à l’INSA, est consignée comme tout le monde et pratique le télé-travail. Les grands petits enfants travaillent à la maison. Les concours, les partiels, le bac ne sont pas remis en cause, pour le moment.
Pourtant, les projections de notre avenir à partir de ce qu’ont vécu la Chine et l’Italie devraient permettre au gouvernement de prévoir. Le confinement sera obligatoirement prolongé, d’autant que la Région Parisienne devient le principal foyer de contamination. Normal, c’est la région de France la plus densément peuplée.
Paradoxalement; le gouvernement néerlandais joue « l’immunisation collective ». Pas de confinement prévu. Pays le plus densément peuplé, à croire qu’ils jouent le dégagement en condamnant quelques milliers de leurs concitoyens à disparaître vite fait, bien fait. Va-t-on, les laisser faire ? Car, quand même, ils vivent entre Allemagne et Belgique, soit à quelques heures de route de chez nous. Bizarre ! Aurions-nous affaire à un gouvernement encore pire que le nôtre ?
François Ruffin sait saisir l’opportunité de nous donner de l’espoir en créant un site « L’An 01 » soit l’après Covid-19. Nous partageons bien des vues à commencer par l’obligation du président de la République à tenir ses promesses de changement de politique. Chiche !
Ce soir
Chine : 81 155 contaminés 3249 décédés 70 535 guéris
Italie : 41 035 3405 4 440
Espagne : 17963 830 1 107
Allemagne : 15 320 44 113
France : 10886 243 12
La Chine serait donc bien sur le chemin de la descente. On nous annonce que l’on peut ressortir à Wuhan et que l’on envisage de rouvrir bientôt les écoles.
L’Italie semble dépassée par les évènements. Le nombre de décès est plus important que celui de la Chine. L’Espagne monte en puissance ainsi que la France et l’Allemagne dont le nombre de décès semble toujours aussi étonnant.
Harmoniser les statistiques ne semble guère à l’ordre du jour. Le personnel médical français n’est guère protégé, et ne possède plus les moyens de faire face. Démonstration ce soir de l’hôpital militaire de campagne de l’armée prévu pour Mulhouse et qui va mettre plus de huit jour pour être opérationnel. A croire qu’il n’y a jamais eu d’entraînement et que ceux chargés de le monter en sont à lire le mode d’emploi.
Interdire, confiner, décréter, oui ! Mais on ne rattrape pas en quelques heures des années de compression de personnel, de fermetures de lits, d’austérité appliquée aux services publics, méprisés et chargés de tous les maux. Nous payons le prix de dizaines d’années de destruction systémique de l’Etat-Providence au profit d’une privatisation axée sur la rentabilité maximum.

On trouvera ci-joint, un excellent article sur les conséquences politiques de cette épidémie, qu'il faut lire, car il rappelle non seulement ce que j'ai écrit dans mes billets et mes commentaires, mais anticipe sur les désastres futurs consécutifs au changement climatique et ses conséquences sur les populations.
Reposons-nous, demain, il fera encore jour. Pas pour tout le monde. Mais l’espoir est là, même s’il nous fait rire jaune.

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