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Vieux lucide, donc sans illusions, mais toujours pas encore sans espoir quoi qu'il écrive.

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Billet de blog 21 janvier 2013

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France Allemagne : une histoire de famille.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je suis né l’année de Stalingrad, le tournant de la guerre. Ma mère m’attendit le ventre creux, ce qui est étonnant pour une future parturiente.

Son père s’était sorti vivant de la Première Grande Boucherie, avec deux blessures, deux breloques et avait rencontré ma grand-mère, à un bal de sous-officiers à Paris.

En 1963, pour mes vingt ans, deux vieux « cocus » de la Grande Guerre, un héros et un proscrit de la Seconde, réussirent le tour de force extraordinaire de réconcilier deux peuples qui venaient de s’entrégorger par trois fois depuis 1870, entraînant l’Europe dans un quasi suicide collectif. La guerre servant d’exutoire aux « Crises » du système capitaliste et les régénérant. Système capitaliste = système de crises.

Comme chez les Chérasse et la majorité des familles françaises de l’époque, les allemands, c’étaient des boches.

Mon autre grand-père, musicien, avait joué pour l’Etat Major et rapporté une faiblesse des bronches qui lui fut fatale en 28. Cadeau de guerre, en quelque sorte.

Ma femme avait un papa né à Strasbourg, donc allemand. Son grand-père avait traversé le Rhin pour épouser une lorraine. En dix huit, les alsaciens, sans referendum, eurent à choisir entre France et Allemagne. Ceux qui optèrent pour l’Allemagne partirent avec leurs valises. Auf wiedersen ! Donc, elle avait des cousins allemands.

Juste avant 39, son grand-père paternel emmena sa fille faire le tour de la famille allemande, il sentait que ça allait recommencer comme en 1870, comme en 1914.

Au Havre, il fut désigné traducteur auprès de la Kommandantur et parfaitement mal vu de ceux qui savaient qu’il y travaillait.

Une dizaine d’années après la guerre, mon beau-père eut besoin d’une autorisation pour je ne sais plus quoi. Il fut reçu par le maire de l’époque, ancien résistant. « M. Z… vous pouvez me demander ce que vous voulez, compte tenu des services que votre papa a rendu à la Résistance tout au long de l’Occupation ».

Le fils fit ce jour-là une sacrée découverte. Son père avait échappé de peu au lynchage des résistants de la vingt cinquième heure qui avaient évité d’être trop en contact avec l’ennemi au moment où il le fallait.

Ma fille a rencontré un fort bel homme, multilingue, élevé par deux femmes, sa mère et sa tante, parce que son géniteur ne voulut pas le reconnaître. Il est traducteur interprète et allemand.

Pas question qu’ils se marient. Les démarches administratives française et allemande étant trop compliquées.

Par contre, la réalité de l’amitié franco-allemande porte le visage de nos trois petites filles.

Alors, on va dépenser des sommes extraordinaires, on va se poutouner par-ci, on va s’écouter des discours et de la zizique par-là…

Je me marre.

L’Europe n’existe pas. Tout au plus un marché très commun. Une administration encombrante et tatillonne. Pas de politique étrangère commune, pas d’armée intégrée. Même pas une fédération de nations. Non !

Je vais plus souvent en Allemagne qu’avant. Mon épouse y est mal à l’aise. Warum ? C’est beau, c’est reconstruit, c’est différent de chez nous. Et puis, les allemands viennent en vacances en France, viennent travailler en France.

Et l’on s’aperçoit que nous sommes très complémentaires. Même dans les entreprises. Ce qui devrait nous donner un avantage certain dans nos relations avec les pays asiatiques.

Les anglo-saxons ne montrent et ne voient guère qu’un aspect de leurs partenaires asiatiques. Nous autres, européens, si nous sommes multi-nationaux, nous percevons des aspects différents et abordons les problèmes en multipliant les points de vue.

Mais tout cela, c’est de la petite littérature. La réalité, ce sont mes petites franco-allemandes, plus françaises qu’allemandes, pour le moment puisqu’elles habitent en France, mais qui pourront choisir, un jour.

Pourvu que quelques abrutis hyper nationalistes ne les obligent pas à choisir entre leurs deux origines par le sang !

C’est que ça s’est vu. Il n’y a pas si longtemps que cela. En ex-Yougoslavie. Enfants issus d’une serbe et d’un bosniaque, d’une serbe et d’un croate, d’un monténégrin et d’une croate… « Alors ? T’es quoi, hein ? »

France, en allemand, se dit Frankreich, le royaume des franks.

Ne jamais oublier que nous sommes le résultat de deux « défaites » : celle due à César qui nous fait devenir gallo-romains, et cette Gaule gallo-romaine qui devient franke et partie du Saint Empire sous Karolus Magnus, Charlemagne qui, comme chacun le sait maintenant, ne portait pas la barbe.

Convoler ensemble. Cousins. Tous sangs mêlés.

L’expression « français de souche » ne détermine que la couche de sottise, d’inculture et de bêtise de ceux qui l’utilisent.

« Allez, les filles ! On la construit cette Europe oui oder nein ? »

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