Il y a trois semaines, dans un journal, ou sur le Net, j’apprends que M. Onfray vient de sortir un bouquin sur Camus. Un de plus. C’est fou comme le philosophe d’Argentan est prolixe. Il n’arrête pas. Combien de temps passe-t-il à dormir ? A-t-il des amis ? Sort-il ? Va-t-il au cinéma ? Bon ! Je sais qu’il lui arrive de voyager. Parfait. Mais…
Du coup, je me suis dit, « Y en a marre, celui-là, je le boude ! ». D’autant que Camus, j’ai ses œuvres en Pléïade, à portée de main. De temps à autre j’en relis quelques pages, comme cela, histoire de me désencrasser de la médiocrité ambiante.
C’est en lisant un article de blog de DIANNE sur Médiapart, que j’ai eu envie de le lire. Merci Dianne !
http://blogs.mediapart.fr/blog/dianne/060112/onfray-camus-et-lomerta-lordre-libertaire-0
Elle rendait compte honnêtement de l’ouvrage du logorrhéique philosophe, attirait notre attention sur son approche intelligente de l’œuvre d’Albert Camus, ce qui entraîna une avalanche d’interventions.
Onfray. Camus. On peut être sûr qu’il y en a qui entrent en transes. Danse de Saint Guy. Cris d’orfraie contre Onfray, ce gourou, ce galeux, ce fantoche, ce viandard de la philosophie qui osa déserter la chaire de prof de philo en lycée pour créer une Université Populaire à Caen, qui pond des bouquins écrits clairement et qui remettent en question tout ce qu’il y a de plus frelaté en philo, qui se dit nietzschéen de choc, libertaire, athée, anti platonicien, et dans la lignée de certains philosophes crée une œuvre, que dis-je, UN œuvre à la construction de lui-même. Pouah ! L’ordure !
Oui. L’or dure.
Car, au-delà de ses tics, de ses répétitions, de ses règlements de compte avec lui-même, il parle d’or. Et cela, ce n’est pas bon. Pas bon du tout pour les philosophes abscons.
En plus, il vient de peu. Père ouvrier agricole. Provincial. Argentan ? C’est loin des autoroutes, voire des nationales. Il faut vouloir aller à Argentan. Pourtant, c’est une ville charmante. Mais quand on a du succès en librairie, quand on cartonne, « comme y causent à la capitale », il serait de bon ton d’habiter quelque hôtel dans les « beaux quartiers ». Nada ! Le voyou préfère sa province.
Et puis non content de remettre les pendules universitaires à l’heure, non content de ressusciter les philosophes matérialistes d’entre les morts au champ de l’idéalisme, il a osé mettre à nu Sigmund Freud, en lui reconnaissant quelques mérites et beaucoup de turlupinades. La psychanalyse qui enrichit tant de charlatans, qui sauveraient bien des âmes, qualifiée de chamanisme de bas étage. Criminel ! Voyou ! A mort, l’enfoiré !
Alors, ce pseudo intellectuel qui prend comme sujet Albert Camus, quasiment son double. Les chiens rompent leurs chaînes et lui courent aux basques.
J’ai lu l’opus. Un pavé qu’il aurait pu alléger. Il y a du bavardage, des répétitions, des redites, et je t’en remets une couche par-ci et je t’en redonne par-là.
Mais ça se lit comme un roman. Et surtout, cela nous apporte de quoi résister au rétrécissement de la pensée contemporaine.
Bon ! Onfray se sent le double de Camus et ne refuserait pas le Nobel si on le lui proposait. « Vanité des vanités… » Cela peut agacer le jaloux.
Mais son approche de l’œuvre d’A. Camus, sa quasi réhabilitation devant l’ostracisme qu’on lui a infligé en le cataloguant comme social-démocrate, pied-noir allié des colons, lui l’élève boursier de Belcourt, mollasson devant les engagements national-marxistes à la mode en ces années-là,devraient mettre fin à une injustice immonde.
Une telle réhabilitation ne peut se faire qu’au détriment des sartriens dont le pape est mis à nu.
Sartre n’a guère résisté, Camus avant même que la guerre n’éclate était déjà du côté des républicains espagnols, des anarchistes du CNT, antifasciste militant, et surtout, pratiquant l’antitotalitarisme tous azimuts. Impardonnable cela ! Impardonnable ! Pour le PCF, qui était prisonnier des accords germano-soviétiques, pour les nationalistes algériens, pour les pousse-au-crime de toutes obédiences.
Mais au-delà de l’œuvre de Camus, Michel Onfray nous rappelle qu’il existe un « ordre libertaire » qui prend naissance chez les sans-culotte de la Révolution, se poursuit tout au long du XIXe et du XXe siècles et qui mériterait d’être mieux connu, lui aussi réhabilité, et pourrait devenir un moyen de nous préparer des jours meilleurs.
Le déclinisme ambiant ? La pensée unique néo-libérale ? Le « drawdelhomisme » à la BHL ? Roupie de sansonnet que tout cela.
Si les citoyens se prennent en charge, redeviennent adultes, refusent d’être considérés comme des consommateurs ou des porteurs de bulletin de vote, alors, des jours meilleurs, une autre société, de nouveaux rapports de production et d’échanges verront le jour pour un avenir plus positif.
Il faudrait pour cela que le drapeau noir flotte sur le petit écran. Rude tâche quand ceux-là mêmes qui s’emparent de l’oriflamme en sont encore au « tout ou rien ».
Ce qui débouche depuis des décennies sur…RIEN.
Un livre à lire avec plaisir et qui surtout, possède le pouvoir de nous inciter à lire, relire et encore mieux lire l’œuvre d’Albert Camus.
« L’homme révolté », c’est quand même autre chose que « Indignez-vous ! », même si…