Cher ami de droite…
De droite… Mais de quelle droite ?
Depuis le livre de M. Rémond « Les Droites en France », on sait qu’il existe plusieurs droites, comme il existe plusieurs gauches. Et aujourd’hui, en ce fin de règne de Nicolas Ier, la peur de l’actuelle majorité se révèle par la multiplication des courants : droite sarkosyste bien sûr, droite populaire, droite humaniste, droite libérale, droite chiraquienne, droite gaulliste, et je dois en oublier. Alerte générale ! « Nos sièges, nos sièges, nos portefeuilles, nos maroquins ! Maiday, maiday, help, aiuto noi ! » Et je n’oublie pas la droite centriste, ni la droite extrême, celle du borgne et de sa fille, construite à partir des vieux collabos, des maurrassiens reconvertis, des cagoulards cacochymes, des rescapés de l’OAS, des anciens miliciens et tortionnaires, des fous de Dieu catho., intégristes, scouts de France et enfants de Marie, des poujadistes, le tout payé avec la vente des chants nazis et des héritages douteux.
Mais les folliculaires, les buveurs d’apéros ou de petits noirs du Café de la Gare ou du Commerce, voire les politiciens eux-mêmes, disent La Droite, La Gauche. Quant aux leaders politiques, aux candidats au trône, ils nous enfument, nous endorment, nous mentent les yeux droits dans l’objectif de la caméra qui les filme. Tous.
Je viens d’une famille de droite. C’est peut-être pour cela que, depuis que j’ai l’âge de voter, - et à l’époque ça ne commençait qu’à partir de vingt et un ans, j’ai toujours voté à gauche. Gauche anarchisante, puis rouge, gauche communiste, gauche socialiste, pour revenir vers une gauche combative, républicaine et exigeante.
J’ai pu apprécier certains élus de droite lorsque j’étais moi-même élu de gauche, et je dois avouer que parfois, j’en ai rencontrés qui étaient plus compétents, plus dévoués, plus ouverts que certains élus de gauche. Apprentissage de la réalité. Nul, en effet, n’a le monopole de la République, de la démocratie, de la générosité, de l’honnêteté intellectuelle. C’est pourquoi, j’ai eu et j’ai encore des amis de droite, l’amitié allant bien au-delà des principes politiques. Amis. Pas copains de boisson, rencontres de passage, ou relations publiques. Non ! Amis avec un « A » majuscule. C’est à dire quelqu’un pour lequel je serais prêt à risquer ma peau. Et je sais que ce serait réciproque.
Bon ! Pourvu que l’on ait jamais à nous le prouver…
Mes amis de droite, tout comme toi, ont, bien entendu, voté pour Nicolas Sarkosy.
Parce qu’il était le candidat de la droite. Parce qu’il a été un bon candidat, convaincant, excellent acteur, c’est à dire sachant mentir vrai, bon débatteur, et que la candidate de gauche, en dépit de son programme, de ses intentions, de son savoir-faire ne fut pas à la hauteur dans le spectacle de la confrontation, d’autant que ses « amis » l’ont gentiment carbonisée avec de petites saloperies mesquines, des sourires, des sous-entendus, des haussements d’épaules, des « petites phrases » qui blessent sans tuer, mais qui, à longue, vident quand même la bête de son sang.
Pourtant, elle nous avait bien été vendue par la Presse quasi unanime. Elle était « la meilleure », « pourquoi pas, enfin une femme » et les adhérents du PS l’avaient « librement » désignée.
Nous sommes dans la société du spectacle. C’est pourquoi la plupart des gens, la grande majorité, se laissent fasciner, attirer comme des papillons vers la lumière, vers le clinquant, vers le plus roué, le plus convaincant et surtout, ils subissent la répétition de ce que rabâche une presse aux mains de grands groupes financiers qui font l’opinion. C’est comme cela. Du coup, ils croient choisir en toute liberté, alors qu’ils ont été « conditionnés » à voter pour untel ou unetelle.
Nous sommes tous devenus, dans cette société du « Capitalisme de la Séduction », des consommateurs. Il faut que nous apprenions à redevenir des citoyens.
La politique, c’est l’art de gérer la « polis », la cité.
Et ce qui distingue essentiellement la gauche de la droite, ou qui devrait les distinguer, c’est que la gauche a le devoir d’agir dans le respect et l’intérêt du plus grand nombre, alors que la droite, agit et défend les intérêts de la minorité la plus argentée.
Le triomphe de l’ultra-libéralisme sur cette caricature de socialisme qu’était le soviétisme a enterré dans le fatras de son idéologie mercantile le principe de la lutte des classes qui n’a jamais été aussi aigu qu’en ce moment.
« Lutte des classes ». Une incongruité. Comment peu-on sortir une telle insanité en public !
Or, ce que je constate, ce que je vis, ce que nous pouvons tous vérifier : il suffit d’ouvrir les yeux, de lire la presse, d’écouter la radio d’analyser ce que nous disent les experts et autres dirigeants, c’est que ce serait aux salariés, qu’ils soient au SMIC ou cadres, de payer les errements des spéculateurs qui ont transformé le monde de la finance en un vaste casino.
Las Vegas s’est infiltrée sur toutes les places financières de la planète. Les traders rivés à leurs écrans de cotation comme des accros de bandits manchots jouent à la hausse et à la baisse avec tout, y compris avec de la dette, du rien, du vent, du pet de lapin. Cela crée des bulles qui explosent en laissant sur le carreau des retraités, des épargnants.
Mais ce n’est pas grave ! Les états sont là pour « socialiser les pertes ».
On a même mis en place des « agences de notation » des états, qui ne sont contrôlées que par elles-mêmes et qui, après avoir nullement anticipé la crise de 2007, et même de l’avoir générée, poursuivent de leurs diktats les gouvernements de Grèce, d’Irlande, d’Espagne, du Portugal et bientôt d’Italie et de France. En appréciant ces états, ils influent sur les prêts qu’on leur octroie et plus l’état est endetté plus l’argent qu’on lui prêtera sera cher. Cela revient à enfoncer la tête du désespéré en train de se noyer. Les amateurs d’éthique apprécieront le processus.
Moi, qui suis de gauche, cher ami, je trouve cette attitude profondément dégueulasse. A vomir.
Que les états interviennent en socialisant la reconstruction de régions sinistrées par la tempête, par des inondations, des orages, des cyclones, soit ! C’est même son devoir ! Mais qu’ils viennent au secours de joueurs de bonneteau électronique, de créateurs de martingales financières, de drogués de la gagne à n’importe quel prix, ils ne sont plus dans leur rôle d’arbitres des différents entre humains.
Or, tous les gouvernements de droite, et même certains qui osent se dire de gauche, ont baissé leur pantalon devant leurs maîtres, les financiers et autres boursicoteurs, les banques et les tenants des paradis fiscaux.
Ce que nous vivons, toi et moi, c’est une GUERRE entre possédants et possédés, le tout à l’échelle de la planète. L’ennemi, ce n’est pas une autre nation, ce n’est pas un étranger, ce n’est pas un uniforme, c’est notre voisin d’à côté si ce n’est parfois, nous-mêmes lorsque nous nous laissons allés aux charmes de la pensée unique, de la fraude, des arrangements entre amis, dans cette haine entretenue de tout ce qui relève de l’Etat et de l’intérêt collectif.
Ainsi, ce qui nous sépare, toi et moi, c’est que j’exècre ces responsables des grosses entreprises qui se font voter des salaires sidérants, des parachutes dorés, des stock-options, et qui gagnent bien plus qu’ils ne méritent. Mais je sais aussi, qu’il existe bien des électeurs de droite qui, eux aussi, ont des nausées face à ces scandales.
Oh ! Aucune jalousie de ma part à l’égard de ceux qui font fortune. J’ai toujours eu du respect et de l’admiration pour ceux qui réussissaient, en sachant exploiter une « bonne idée », en prenant des risques, en investissant, en entraînant des hommes et des femmes dans une aventure nouvelle. Des chefs d’entreprises, des entrepreneurs, il nous en faut. C’est eux qu’il faut encourager. C’est pour eux que doivent travailler les banques. Bravo ! Surtout, s’ils ont le courage et l’honnêteté de partager leur réussite avec leurs salariés, tout en se récompensant eux-mêmes. Qu’ils aient construit des PME ou même qu’ils aient bâti des sociétés internationales. Chapeau bas !
Non ! Ceux qui me font gerber, ce sont ceux qui, par la naissance ou le hasard, se retrouvent à la tête d’empires économiques et qui, en dépit de leurs erreurs, parfois, jouent avec les emplois, pressurent les salaires, licencient à gogo, créent à la fois de la misère pour le plus grand nombre et de la richesse pour les déjà riches. Comment peut-on se regarder dans une glace quand on vient de jeter à la rue des centaines de familles, tout cela pour satisfaire l’appétit insatiable d’actionnaires qui ne savent plus que faire de leur argent, ou pour satisfaire les aléas du Saint Marché ?
Or, l’actuel Président de la République, depuis plus de quatre ans, passe son temps à consolider ce système infâme.
Le sarkosysme est concentré et défini à jamais dans la nuit du Fouquet’s où se trouvent réunis le clan qui a propulsé au pouvoir son champion. Ils ont payé sa campagne, ils doivent être récompensés. « Sarko l’Américain », l’admirateur de Bush, inventeur de la « Guerre Préventive », de la légalisation de la torture, du mensonge international, et garant des ultra-libéraux, le plus mauvais de tous les présidents de l’Histoires des USA, est allé faire allégeance à ce maître provisoire de « l’empire ». Chirac et Villepin nous avaient évité de foncer dans le piège irakien, nous irons rapidement dans celui d’Afghanistan.
La droite bonapartiste se caractérise par la dictature légale d’un président élu, monarque quasi absolu, qui gouverne seul, s’occupe de tout, et possède un parlement de godillots à sa botte.
Sans revenir aux turpitudes de la IVe République, il me semble que ce qui caractérise une démocratie représentative, c’est le poids des représentants du peuple, ses élus et que le Président de la République se doit d’être un arbitre, au-dessus des partis, des clans, des coteries et des mafias, rassembleur de la patrie et incarnation de l’ensemble des français. Au Premier Ministre de conduire la politique de la France, avec la majorité des assemblées.
Or, la Ve République, taillée aux dimensions du Général De Gaulle, et que Mitterrand avait dénoncée comme étant un « Coup d’Etat Permanent » jusqu’à ce qu’il soit élu et endosse à son tour l’uniforme de monarque, a permis à N. Sarkozy d’user et d’abuser des prérogatives contenues dans l’actuelle constitution. Il nous a fait la preuve qu’il avait bien une lecture « états-unienne » de la Constitution française, ramenant le Ier Ministre au rôle de faire valoir, avaleur de couleuvres, et les ministres, devenus des secrétaires d’Etat, voire secrétaires tout court. Tout se jouant au Château.
Comment, un citoyen, un démocrate, fut-il de droite, peut-il supporter les gesticulations, l’agitation, les coups de menton mussoliniens, les promesses sans effets, les voyages sous haute protection qui ne servent qu’à faire une minute aux JT, l’accumulation de lois nouvelles inapplicables, se contredisant, encombrant les codes civil et pénal, les décisions prises seules sous le coût de l’émotion par pure démagogie, la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d’un seul ?
Tout homme, quel qu’il soit, est fragile, nullement omniscient, et la prudence, la sagesse élémentaires doivent le conduire à s’entourer de gens compétents, d’écouter, de peser, de prendre le temps de la réflexion. Et surtout de savoir où il va. Quand un homme devient chef d’Etat, il a le devoir de passer un contrat social avec ses électeurs en leur proposant une Voie, un But, un Destin.
Honnêtement, mon ami, sais-tu vraiment où nous conduit M. Nicolas Sarkosy ? Excepté à sa propre réélection ?
S’il se présente à nouveau. Car un « pronunciamento » interne de l’UMP n’est peut-être pas impossible au regard des sondages désastreux de leur candidat dit « naturel ».. Nous avons encore quelques mois devant nous.
Les accords d’octobre pour « sauver l’euro » ne dureront pas jusqu’en mai. Décisions cosmétiques entre deux partenaires fragilisés dans leurs pays réciproques. A. Merkel perd les élections, les unes après les autres, comme son compère N. Sarkosy.
Ne vois-tu pas qu’ils sont dépassés ? Ne sens-tu pas que les dogmes qu’ils défendent avec acharnement nous mènent dans le mur ? N’entends-tu pas les cris des peuples mis à merci par leur aveuglement servile aux intérêts de la finance ?
N’est-il pas urgent de changer de représentant ?
Je ne parle même pas pour voter à gauche…
Quoique.
La gauche si modérée représentée par F. Hollande rassurerait mieux les français, y compris de droite, voire les marchés, ces abstractions anonymes qui ont yachts de plus trente mètres dans les ports encombrés de la terre, châteaux en divers pays, chalets en Suisse ou en France, villas sur les côtes de la Méditerranée ou de l’Atlantique et blé engrangé dans les paradis fiscaux qui ne se sont jamais aussi bien portés depuis que notre Illustrissime Protecteur en a déclaré la disparition imminente.
Il t’a dit que « l’heure était aux réformes, qu’il fallait que la France entrât dans la modernité » et tu t’es dit, « mais bien sûr ! Comme il a raison ! Enfin, un homme de progrès ! »
Pour moi, qui suis de gauche, « réformer » signifie « améliorer le sort de mes concitoyens » : leur garantir une sécurité économique et politique, des salaires décents, une sécurité de l’emploi, une bonne santé, mettre en place un service de l’éducation et de la recherche qui permette aux jeunes d’élever leur niveau de connaissances, d’être en pointe dans tous les domaines, obliger ceux qui détiennent le pouvoir économique de partager équitablement les fruits du travail de tous…
Or, pour l’actuelle droite aux commandes, réformer, cela a signifié non pas aller de l’avant, mais retourner en arrière. Annuler les valeurs du Conseil National de la Résistance, remettre en question les droits acquis de haute lutte par les générations précédentes, stigmatiser les fonctionnaires et leurs infâmes statuts, précariser l’emploi, pressurer les salaires sous couvert de compétitivité en lorgnant du côté des salaires chinois ou indiens, casser les syndicats en regrettant hypocritement de ne plus avoir guère d’interlocuteurs valables, brader tous les services de l’Etat en les privatisant, démonter les structures de l’Etat (Education Nationale, police, justice, santé), aggraver la désertification des campagnes, enterrer tout ce qui fait lien social (la Poste, les cliniques de proximité, les perceptions, les écoles), faire rendre gorge aux pauvres pour que les nantis le soient encore plus.
Attention ! Je n’ai jamais dit qu’il n’y avait pas de réformes à mettre en place. Jamais.
Il est même du devoir de l’Etat de s’adapter, de toujours chercher une meilleure efficacité, de bien savoir utiliser les technologies nouvelles qui permettent en effet de réduire ici et là des postes devenus inutiles, mais, et le « mais » est capital, dans l’intérêt du plus grand nombre, dans le respect des citoyens et non au profit d’une richissime élite.
Je sais bien qu’une partie de la droite républicaine partage cette même vision de notre avenir, cette même conception du pouvoir, c’est ce qui avait permis à la France Libre de lutter contre le nazisme et de redresser un pays épuisé, saccagé, bombardé, déboussolé.
Or, suite aux desiderata du Medef, suite à la pensée dominante ultra-libérale venue d’Outre Atlantique et d’Outre Manche, la politique menée par N. Sarkosy n’a fait qu’amplifier la politique de ses prédécesseurs, socialistes compris hélas, qui a consisté à détruire systématiquement les valeurs du CNR et ce qui restait de « l’esprit de soixante-huit ».
« Les pauvres, les chômeurs ne sont pas des victimes du système en place, mais des individus douteux qui désirent survivre aux crochets de la société. »
« Qui veut réussir le peut ! » Comme si un cul de jatte pouvait gagner le Tour de France. Il suffit de le vouloir…
Tout comme Berlusconi, ce Caïman italien qui a réussi grâce à l’argent de la Piovera, « Regardez-moi, je suis comme vous. J’ai réussi. Je m’en suis plein les poches. Donc, vous aussi, vous pouvez réussir ! », comme si plus de 60 millions de français pouvaient devenir milliardaires.
Le fric, le fric, le fric.
Adulé, adoré, vénéré, avec une ostentation de nouveau riche. Ce côté bling bling de gosse ébloui par sa propre réussite et exigeant qu’on l’envie, qu’on l’aime, qu’on le choie, avant qu’il ne déçoive justement par cet orgueil de paon, par cette propension à faire peuple en massacrant la syntaxe, en accumulant les « casse-toi pauv’con », en défiant des pêcheurs en colère en les provocant comme un caïd de banlieue.
Honnêtement, mon ami, trouves-tu digne d’un chef d’Etat, un tel comportement ?
Si tu as voyagé à travers le monde, si tu as la curiosité de lire la presse étrangère, te sens-tu honorablement représenté par cet homme que d’aucuns considèrent comme un énergumène ? Comme il est difficile de demeurer solidaire de son Président, représentant de notre pays, lorsque nous sommes à l’étranger. Je me souviens d’un voyage en Inde au moment où il devait y faire une visite officielle. Il n’était pas encore remarié avec Mme Bruni, ce qui posait des problèmes de protocole. Il a dû la laisser en France. Pour se venger, ou par caprice de sale gamin, il a écourté sa visite. Un aller et retour, vite fait, histoire de vendre quelques gadgets typiquement français, centrales nucléaires et autres armes. Le gouvernement indien s’est senti humilié. Une visite officielle, en Inde, ce n’est pas une visite de sous-préfecture en Lozère. Encore faut-il être imprégné de l’histoire des civilisations, être conscient que l’on se rend dans le pays qui sera le plus peuplé de la terre dans quelques années. On respecte ceux qui nous reçoivent, on s’enquiert de leurs coutumes et représenter la France, ce n’est pas seulement n’être qu’un VRP de nos entreprises. C’est la rencontre de deux civilisations, de deux peuples. Cela exige de l’humilité, du respect, de la disponibilité, de la sincérité.
J’ai eu honte en lisant la presse indienne de la manière dont elle se plaignait de l’attitude de mon Président de la République, parce que ses remarques étaient justes, hélas et que je me trouvais sans arguments pour le défendre.
Et, mes concitoyens, dont certains avaient voté pour lui, étaient dans la même situation. Terrible ce sentiment de honte d’être représenté par un pitre. Terrible. Une partie des italiens connaît cela. Ce que je crains le plus, c’est que les peuples soumis au matraquage télévisuel s’habituent à cette infâmie.
Comment, mon ami, peux-tu supporter ces discours écrits par des nègres aux talents douteux (cf « le discours de Dakar ») qu’il semble découvrir au fur et à mesure qu’il les prononce en donnant l’impression qu’il ne comprend pas toujours ce qu’il lit ?
Comment expliquer cette peur panique des conférences de presse remplacées intra Francia par des soirées d’hypnose où dans un cadre choisi par ses spécialistes de la communication, le Président répond à ses questions qu’il se fait poser par des journalistes réduits au rôle de porte-micro ?
Comment considères-tu les nécessaires rectifications de spécialistes qui sont obligés de corriger les « erreurs », « les contre-vérité », ce que j’appelle des mensonges ?
Comment supportes-tu ces annonces de changement, de décisions impératives, de ces nouveautés subites et qui se révèlent être des resucées de ce qui a déjà été voté, et qui existent déjà ?
Trouves-tu normal que le Président de la République passe quasiment plus de temps à jouer de la compassion avec des victimes de faits divers qu’à prendre le temps de réfléchir à l’avenir de notre économie ? Chômage en hausse, dette phénoménale, cadeaux aux nantis… Quant à sa conception de l’Europe… mieux vaut en sourire. Elle va exploser.
Tu as dû apprécier comment le referendum sur le traité de Lisbonne, repoussé par la majorité des français leur a été imposé par un Congrès à la botte et totalement imprégné par la pensée inique dominante. Tu avais obéi au conseil de la presse unanime, tu avais fait confiance. Même la majorité des socialistes étaient pour, comme les centristes d’ailleurs.
Mépris du suffrage universel. Donc, mépris de la démocratie. Ce serait cela la modernité promise au cours de sa campagne électorale ?
Pas d’insinuations de ma part. Observation des faits. Simplement les faits. Rien que les faits.
Et l’étalage de sa vie intime ? Cette mise en scène de son privé ? Cette prétention qu’il a eue de vouloir faire nommer son étudiant de fils à la tête de l’EPAD, ses interventions auprès des autorités locales pour régler les problèmes d’égouts de sa belle-mère ? Sont-ce là les marques d’un grand homme d’Etat ou celles d’un « padrone della mafia » ?
Dans notre société du spectacle, nous vivons en continuelle série B, si ce n’est en saga télévisée. Il y en a d’excellentes je te l’accorde. Mais celle-ci ne peut faire que les délices des prisonniers du petit écran, malades cloués à la chambre et tolards en cellules, ménagères de plus de cinquante cinq ans, ou ados en rupture de collège ou de lycée.
Et, puis toi, qui as quand même un certain amour de la culture universelle et de la culture française en particulier, comment peux-tu approuver ce dédain à l’égard de nos textes classiques, « La Princesse de Clèves » qui révèle que les futurs fonctionnaires devraient être ignares et éloignés de ces textes qui donnent à la fois du plaisir et de la réflexion, et qui ne se révèlent « difficiles » que pour les illettrés ?
Mépris du peuple, mépris des gens de lettres, mépris pour ses collaborateurs, « Tous des cons », mépris pour la presse, mépris pour les magistrats intègres, pour les policiers auxquels il ne donne pas les moyens d’exercer leur tâche mais qu’il condamne à remplir des quotas, en une soviétisation aussi anachronique qu’imbécile.
Certes, je n’oublie pas que le mépris des basses classes était l’apanage d’une certaine aristocratie. Les manants devaient avoir la tête basse et laisser passer ces messieurs dames de la Haute. « Not’ bon maît’ » était salué bas par les paysans de chez mé. Ce serait une caractéristique de la droite conservatrice, héritière d’un passé d’avant la Grande Révolution.
Depuis, il me semblait que la droite républicaine avait évolué. Mais apparemment, l’on n’est pas aussi Nagy Bocsa impunément.
Ce mépris se retrouve dans la situation dans laquelle est plongée l’Education Nationale, actuellement entre les mains d’un ancien responsable de l’Oréal et qui gère cette institution comme une entreprise, accomplit le démantèlement du système sans état d’âme, et fera tout pour que le privé l’emporte sur le public. Les examens y sont bradés, les exigences requises pour accéder à un diplôme amoindries, les redoublements déclarés inutiles. Avec une constante démagogie, l’enseignement a pour rôle non point de former des citoyens, mais de conditionner des consommateurs, de faire de la garderie, et de suppléer la police pour garder au chaud nos futurs chômeurs.
Certes, les enfants de la bourgeoisie s’en sortiront avec le cocktail payant d’écoles privées et de cours particuliers, mais les autres, la masse des autres, diplômes dépréciés en poche, pour le plus grand bonheur des statistiques, pointeront dans les pôles emplois pendant des années, demeurant à la charge de leurs parents, dont beaucoup déjà au chômage, et seront bien obligés de se lancer dans l’économie parallèle pour survivre.
Moi qui suis de gauche, je ne peux pas supporter un tel mépris pour la jeunesse qui est par essence, l’avenir.
Comment un citoyen, un républicain peut-il ignorer que les dépenses d’enseignement et de recherche sont des dépenses d’investissement et non de fonctionnement ?
Par conséquent, casser le système éducatif d’un pays sous prétexte de faire des économies qui n’est jamais que le prix à payer pour que les couches les plus riches paient moins d’impôts, relève de la haute trahison de la Nation et obère notre avenir. « Après moi le déluge » pourrait être la devise de notre Epoustouflant Monarque Ubuesque, obnubilé par son croc à phynances.
Enfin, un républicain, qu’il soit de droite ou de gauche, peut-il se satisfaire de la politique étrangère de la France depuis que nous sommes sous le règne de Nicolas ?
Allégeance aux States, supplétif de l’ONU, agitateur bondissant d’un conflit à un autre où il n’a jamais rien réglé.
Son intervention au Caucase louée par des folliculaires aux ordres a fait le jeu de la Russie qui s’est implantée comme prévu en Abkhazie, en Ossétie et en Tchétchénie. En Afghanistan, d’où nous commençons à nous replier, rien n’est réglé. Bien plus, nous avons continué, nous et nos alliés états-uniens à armer les talibans, à les enrichir par le pillage de nos dons, et le péage révolutionnaire pour faire passer nos convois. Le gouvernement Karzaï est pourri jusqu’à l’os et ne tiendra guère après le retrait total des forces de la coalition. Donc, dépenses inutiles.
Notre Bien Aimé Souverain a été tout penaud devant le Printemps arabe jusqu’à proposer nos services et notre compétence en matière de répression à Ben Ali. Nous avons fait preuve de mansuétude quant à ce bon vieux Moubarak qui savait si bien nous recevoir et qui était un ami d’Israël, le cinquante et unième état des USA.
Et sans que le parlement n’ait été consulté, sur injonction de BHL, son Altesse Nicolas a fondu sur la Libye en une « guerre humanitaire » pour sauver les insurgés de Ben Ghazi.
Objectif avoué pour l’ONU : sauver des vies humaines en bombardant !!! Objectif réel : éliminer manu militari ce chien de Kadhafi qui n’avait pas respecté ses promesses d’achats de matériels français après qu’il eut été accueilli en grande pompe et en grande tente à Paris, réintroduit par notre Clairvoyant Despote sur la « scène internationale », honoré, chouchouté, bisouté.
Mais le plus baisé des deux lui a gardé des petits chiens de sa chienne et, en deux coups de cuiller à pot, retournement de politique. Je t’aime, je ne t’aime plus. La Libye écrabouillée à coups de bombes. Victoire des insurgés !
Quelques milliers de morts africains et zéro mort côté onusien. Grâce à notre Incommensurable Prophète de Neuilly, nous venons de découvrir la Guerre Technologique. En effet, les forces de l’OTAN n’auraient pas perdu un seul de leurs combattants. C’est beau, non ? Enfin, officiellement. Pour le monde entier, nous n’avons pas engagé de troupes au sol. Mais tous les états-majors savent et reconnaissent bien honnêtement que des « conseillers », des « commandos », des « spécialistes » ont travaillé aux côtés des « insurgés » en passe de devenir des « résistants » puisqu’ils ont gagné et que les « frappes chirurgicales » étaient guidées depuis le sol. Il a bien fallu que nous ayons des militaires rompus à ce genre d’exercice pour baliser et désigner les cibles. De là, à ce que certains aient été victimes de tirs amis… Mais l’avouer serait reconnaître officiellement une présence inavouable. Comme l’exécution du Colonel a été vite faite bien faite. A-t-elle été commandée et exécutée par des « conseillers », des « mercenaires amis », des « infiltrés » ? Il va falloir attendre quelque temps pour avoir des certitudes.
Tous nos hommes sont revenus frais comme des gardons. Enfin, pour le moment.
En tant qu’électeur de droite, tu dois être très satisfait que le port de Misrata a été attribué à M. Bolloré, que la reconstruction va être partagée entre les belligérants, dont sûrement Bouygues, et que Total, dont les intérêts étaient menacés par les algériens et donc les chinois a de bons espoirs de reprise des réserves en hydrocarbures et en gaz après reconstruction de ce qui a été un petit peu abimé. C’est cela « une guerre humanitaire » bien comprise.
C’est ce qui explique le peu d’allant des nations donneuses de leçons de morale à l’égard de la Syrie. Pas de pétrole en Syrie.
Pourtant le Bachar Al Assad, - tu parles d’un lion - écrase tranquillement son peuple. On le gronde en remuant l’index et en lui disant que ce n’est pas bien du tout. Mais comme la Russie et la Chine, cette fois, « comprennent » parfaitement cette manière de se comporter avec une opposition, nous resterons l’arme épuisée au pied.
Tu peux me dire : « Qu’aurait fait la gauche ? »
Le pouvoir de nuisance de BHL est tel qu’hélas un gouvernement de gauche aurait peut-être agi de même. Mais je ne crois pas qu’il aurait reçu Kadhafi en ami, je ne crois pas qu’il aurait proposé ses services à Ben Ali, je suis sûr qu’il aurait été déconfit devant ce qui s’est passé en Egypte, mais il me semble qu’il aurait écouté plus attentivement les propos de certains de nos observateurs qui sentaient que la marmite arabe était au bord du débordement.
Mais j’ai des doutes…
Tu vois que ma lucidité m’oblige à la modestie, voire à la méfiance d’une partie de mon propre « camp » si tant est que l’on puisse parler de camp.
Nous sommes dans un état de droit.
Parfois, du droit du plus fort.
Comment, un ami aussi honnête que toi, aussi agréable à écouter, à fréquenter, à partager des joies et des peines, aussi aimable peut-il supporter les révélations des « affaires » qui ont émaillé ce quinquennat ?
Oh ! Je sais. Ce n’est hélas pas une exclusivité de la droite. Je te l’accorde bien volontiers. Je n’ai pas oublié la pitrerie du Rainbow Warrior, les suicides de Bérégovoy et de Grossouvre, et les voyages de Papamadit, les réceptions accordées à ces présidents africains si compréhensifs dans leurs envois de billets en valises qui savent arroser à droite d’abord, mais aussi à gauche. On ne sait jamais.
Mais enfin, même s’il pouffe jaune, les rétro-commissions dans l’affaire de Karachi, ça n’a pas l’air que du vent de chamelle, ce bon et honnête M. Woerth, à la fois trésorier de l’UMP et sous-ministre aux Finances, ce n’est pas du mirage, le règlement très privé de l’affaire Tapie, ce n’est pas que du conte des Mille et Une Nuits, la justice mise au pas, la valse des procureurs, la programmation de la disparition des juges d’instruction, le vote d’un statut juridique très spécial pour le Président sous Chirac, encore un homme de droite, ça pue mauvais la bouse, et Takiédine par là et Bourgi par ci, et la refonte des RG, et la privatisation des autoroutes ? Bon, pour les autoroutes, j’avoue que le processus avait été engagé sous Jospin. Mais pour moi, peut importe, c’est du Villepin tout craché. Et à propos de Villepin, l’affaire Clearstream, c’est de l’imagination de diurniste ?
Ouahou ! Est-ce que par hasard, ça ne commencerait pas à bien faire, toute cette boue qui s’abat sur le populo ? Non ?
C’est la vie…
Mon bilan de ces années de gouvernance sous N.S., cher ami, n’est même pas exhaustif.
Même pas. Et quand j’entends et constate ce que d’aucuns envisagent à gauche…la gauche qui lorgne vers le centre qui n’est jamais que la droite européenne et démocrate chrétienne, elle aussi tout contre les intérêts des banques et pour une fédération européenne d’exploiteurs ne parlant d’Europe des travailleurs que la bouche en cul de poule et le nez pincé, j’ai des craintes quant à notre avenir.
De grandes craintes.
Pour sortir du chemin qui nous conduit vers une décadence annoncée, vers un précipice toujours possible, vers quelques révoltes populaires où des innocents risquent d’y laisser leurs vies, même si je doute que nos vieux peuples aient encore suffisamment de jeunesse d’esprit pour croire en eux-mêmes d’abord, et en un avenir meilleur, ensuite, ne crois-tu pas que l’heure est venue de nous donner les moyens d’enfin REFORMER intelligemment nos structures.
Cela commencerait par une révision de notre actuelle Constitution pour mettre fin à cette monarchie élective et la remplacer par une République plus représentative de la réalité politique de notre pays.
Cela continuerait par une révision des traités de l’Europe allant vers une Union des Peuples européens, qui supprimerait cette concurrence abjecte entre européens en alignant les salaires et la fiscalité sur les pays les plus développés, les plus en avance.
Enfin, ne pourrions-nous pas nous entendre pour que les pouvoirs politiques, national et européen, se conjuguent pour encadrer la finance, lui imposent la volonté des citoyens et ne leur soient plus soumis ?
Même si je dois passer pour un naïf aux yeux des plus cyniques, pour un révolutionnaire aux yeux des plus réactionnaires, pour un utopiste aux yeux des prétendus réalistes, je suis convaincu que tôt ou tard notre avenir viendra vers ces solutions qui ne sont pas plus folles que ceux qui, jadis, voulaient voler ou marcher sur la lune.
Que notre amitié dure encore longtemps, car rien ne vaut l’amitié pour vivre ensemble et en harmonie, même si nous avons des vues différentes sur l’art de nous gouverner, cette politique, si passionnante et qu’il faut sans cesse dépassionner pour construire plus que détruire.