Un retour vers ma jeunesse.
Il y a de la madeleine de Proust à découvrir dans ce film que je n'avais point vu lors de sa sortie, à cause des enfants, du métier, du temps qui passe et de la durée du film.
Et, décidément, "la nouvelle vague" n'aura été qu'un brouillon introductif au cinéma contemporain. Mais quel brouillon !
De ce film infiniment long, assez mal filmé, la photographie est bâclée, fort mal joué par un J-P Léaud qui n'a jamais su qu'interpréter un seul personnage : lui-même, il reste un goût de déjà vu, d'ennui, d'enculage de mouche, de masturbation pseudo-intellectuelle. Très difficile à supporter au début.
Le personnage principal, vraie tête à claques, hésite non seulement entre deux femmes, mais surtout entre anarchie et réaction. Il est le jouet de son époque et non son acteur.
Il n'est qu'un gigolo qui vit aux crochets de Marie, merveilleuse Bernadette Lafont, trop peu à l'écran, hélas, qui se révèle être la meilleure interprète de tous ces personnages, même si Françoise Lebrun est parfois crédible, elle aussi.
Nous sommes dans les années soixante dix, libération des femmes.
"Cette révolution de nos moeurs a réussi parce qu'elle n'était pas prévue" a écrit Régis Debray.
Dans ce film, on a la preuve que cela ne s'est pas déroulé sans mal.
J'ai jadis aimé ce style de films, les Truffaut, les Eustache, les Godard. Ils innovaient et ont été beaucoup copiés, mais qu'ils ont mal vieillis. Exception pour Agnès Varda et Claude Chabrol. Toujours fascinants et d'actualité.
Mais là, on peut écrire son billet avec le film qui se déroule en fond d'écran et fond sonore. C'est verbeux, pontifiant, avec de sentencieuses "conneries", autodérision relevée par Veronika qui, à la fin du film, tire le portrait de l'homme qu'elle aime "un con verbeux et sentencieux".
Quand on sait que ce film-culte est autobiographique, on comprend mieux pourquoi Eustache n'a guère laissé une grande oeuvre derrière lui. S'il avait la tonicité pour ne rien faire de son personnage, il a, en effet tout dit, au travers de ce film.
En fait, il faut replacer le film dans son contexte.
Et là, en effet, c'est une bombe, un évènement, une révolution à lui tout seul. Non pas tant par le scénario qui n'est jamais que "Jules et Jim" revu et corrigé, dix ans après, que par les thèmes sociétaux abordés.
Qu'est-ce que l'amour libre ? Qu'est-ce qu'aimer ? Comme le chantait Jacques Brel, à l'époque, "il ne faut pas confondre l'amour avec la gymnastique". Car c'était un peu dans l'air du temps. "Peace and love".
Allez ! Je ne peux pas m'en empêcher, c'est autant un film-culte qu'un film-cul.
Il est vrai qu'à l'époque, non seulement le MLF jetait les soutifs et les gaines par-dessus les moulins, mais la liberté des esprits se conjuguait avec la liberté des corps. Le péché de chair était remisé au musée des vieilleries, c'était la défaîte des religions du Livre, ces empêcheurs de baiser, ces contempteurs de la chair qui, entre alcool et fumette, voyaient toute une jeunesse réclamer l'exaltation de leurs corps.
Cela est remarquablement mis en valeur au cours de ce trop long film qui se termine par une demande en mariage, comme il avait commencé. Ce qui prouve que, venant de la part d'Alexandre, cette demande n'est guère sérieuse.
Par contre, on y aura appris, quelques minutes auparavant qu'une femme qui couche avec qui elle veut, quand elle veut, et comment elle le veut, n'a rien à voir avec une putain. Si ce n'est pas une déclaration d'indépendance des femmes, une exigence d'égalité entre les sexes, alors, je n'ai rien compris.
Don Juan peutil être don Juana ? On se posait la question, à l'époque. Et certaines y ont répondu par l'affirmative.
Mais tout le monde, depuis, s'est un peu calmé. A la différence des américaines, toujours excessives, il n'y a point eu, en France de "guerre des sexes". Hommes et femmes se désirent et s'aiment.
Certains ont sombré dans l'échangisme, dans la partouse, dans le baisage compulsif. DSK ne s'en est jamais remis. On comprend mieux la genèse de ce monsieur en regardant "La maman et la putain", cette alternative chrétienne, juive et musulmane qui maintient les femmes dans ce choix absurde. Voir les rôles de femmes dans le western qui reposent sur cette dualité.
Je me suis forcé à aller jusqu'au bout et je ne suis pas mécontent de ce rendez-vous avec, en effet, paradoxalement, l'un des films les plus importants de l'histoire du cinéma, ne serait-ce que par la liberté de ces femmes dénudées, plus ou moins bien dans leur peau, ce qui, à l'époque, constituait une grande première, une provocation, un défi, est devenu aujourd'hui, une banalité. Sauf pour les hypocrites de toutes les religions qui ont peur des femmes et les maintiennent en laisse en les ensachant, en les gardant à la maison, en les surveillant jalousement.
D'aucuns ont oublié l'adage "l'habit ne fait pas le moine", pour eux, la barbe et le voile font le musulman et la musulmane, le déguisement et les tresses font le juif, la croix et la vierge en collier font le chrétien.
Sacré Eustache ! Mais qu'Alexandre est insupportable !
Quant à Bernadette Lafont, elle fut belle jusqu'à sa mort, pétillante et amoureuse de la vie.