Entre monts et vaux, bêtes aux champs, arbres en fleurs et sous-bois jaunes de jonquilles ou blancs d'anémones.
Les rapaces entre deux cris tournoient en jouant avec les courants ascendants des gorges de l'Orne. Ils sont en quête de nourriture et non de notoriété, de maroquins et autres distinctions que les rapaces humains ont inventés pour se punir eux-mêmes d'être ce qu'ils sont.
Depuis la roche d'Oëtre je suis descendu dans un méandre de la Rouvre qui joue en cet endroit les torrents de montagne. On a le droit d'y pêcher à condition de remettre ses prises à l'eau. La nécessité vitale de jadis est devenue distraction, jeu pour grands enfants qui s'ennuient et se doivent de consommer du produit labellisé. Notre système économique mondialisé, capitaliste, productiviste, consumériste, nous apporte à la fois, un certain bien-être, un confort, une relative sécurité, une illusion de bonheur marchandisé qui ne peut fonctionner au mieux qu'à la condition de laisser sur le bord du chemin des millions d'individus privés parfois de l'essentiel, un toit et de quoi se nourrir. Demain, oust ! A la rue les mal-payants ! Dehors, au grand air et à l'hôtel des millions d'étoiles. Avec femme et enfants. Non, mais !
Le jeu des rayons du soleil sur l'eau du torrent constitue un spectacle gratuit que rehausse en cette saison la transparence du regard qui n'est point encore gêné par les feuilles à peine naissantes. Les usnées recouvrent les arbres et les roches de granite. Quasiment personne. Impression de fausse solitude. Communion avec une nature en renouveau et qui se moque pas mal des turpitudes des hommes. Je sens des douleurs qui s'éveillent un peu partout dans mon corps. Les hanches, les genoux, et même les pieds m'alertent qu'il n'y en a plus pour très longtemps. Profite vieil homme ! La camarde rôde. Elle t'attend. Cela fait si longtemps que tu la défies...
Tout cela se paie un jour. Allez ! Monte comme jadis, de ce pas de chasseur alpin que tu fus lors de ton service militaire, et où tu crus "qu'ils" allaient te dégoûter de la montagne à jamais. Il y a des retours de jeunesse qu'on paie cash à coups de courbatures. Et cette arthrose qui n'en finit pas de s'insinuer dans toutes les articulations...
Il y aurait comme une espèce de masochisme bizarre à jouir de ces souffrances-là qui me prouvent que je suis encore vivant, encore capable de marcher, encore capable de me sentir pas complètement fini. Bon pour la position assise à lire, à écrire, à dessiner, à peindre... Car il n'y a de vrai que de créer. Que de communiquer.
Et soudain, comme une ruse de brise se coulant entre les troncs moussus, m'arrive le spectacle affligeant de cette campagne électorale que la majorité des gens vomit, écœurée par les mensonges, les coups de poignards des uns, les avidités des autres, et le mépris profond de ces prétendues élites à l'encontre des peuples moutonniers.
On crie à l'unité de la gauche sans bien savoir ce qui signifie ce mot "gauche". C'est quoi la gauche ou la droite ? Il serait "in" de nier que ces positions dans l'Assemblée aient aujourd'hui encore quelque signification. D'où le succès du "petit prince de la finance", Macron. Dépourvu de gauche et de droite, il n'est qu'un tronc. Ouvre la bouche, on y insérera nos picaillons. Macron, ce n'est que cela. Un tronc dans la cathédrale de l'ultra-libéralisme mondialisé, un ami des Barroso, Draghi, Juncker and Co, la mafia européiste à la solde de la haute finance. Des marionnettes de luxe. Il ne peut passer que grâce à l'attrappe-c... du "votutile" face à la Madone des Pétochards. "Fais-moi peur, Marinette, allez ! fais leur peur, fais leur peur, Marine de la Poutinière", châtelaine de Montretout et autres lieux et qui serait bien ennuyée si jamais elle était élue. Car chez ces gens-là, Monsieur, on n'a qu'une raison de vivre : s'en mettre plein les poches sur le dos des contribuables en permettant au "système" honni de perdurer. Un point c'est tout.
J'ai une pensée apitoyée, parfois compatissante, parfois ironique, peu charitable, et en même temps tellement fraternelle à l'égard de tous ces militants, de droite ou de gauche qui y croient. Charbonniers colleurs d'affiches, marcheurs dans les manifs, distributeurs de tracts qu'ils n'ont parfois pas lus, ou mal compris, et qui se font rouler dans la farine, en toute bonne foi.
Et c'est cela le pire. La politique possède cette inhumanité des religions, si bien définie par Raoul Vaneigem.
Qui a changé d'avis lors d'un débat-show ? Quelques hésitants, peut-être. Mais les convaincus ? (j'ai hésité à écrire le mot avec césure) Je ne crois pas, (encore une trace de religiosité) que le changement, un grand changement puisse advenir par les urnes. Même si jadis, le pire est arrivé en toute légalité. Mais là, le pire, de toute façon, arrivera en toute légalité. A l'exception de la France Insoumise, - mais y croient-ils vraiment -, les autres sont absolument indignes de la fonction à laquelle ils prétendent. Même le "gentil" Benoît Hamon, frondeur, mais pas au point de quitter le Parti des Salopards qui vient d'exploser comme nous l'avions prévu. Votons, sans illusions, au moins au premier tour. Ou alors, il ne restera plus que le peuple debout, prêt à prendre la rue, à dresser des barricades, à risquer sa vie pour une autre manière de vivre...
Les maisons des bords des routes sont pimpantes. Peu ou pas de pollution. Une certaine paix comme si l'on vivait, ici, en marge des grandes métropoles. Il existe des France. Les villes de Normandie à l'architecture parfois très uniforme d'après-guerre, puisque rasées par nos alliés, ont de plus en plus de commerces fermés. Les grandes enseignes qui se fournissent en Chine, au Viet-Nam, au Bengladesh, cernent les entrées de ville. Toutes identiques sur le territoire. Avec leurs parkings obligatoires. Et leurs enseignes clinquantes comme des putes sur leur trottoir.
Même si, à condition d'y faire attention, le bonheur, est assez simple, A. Camus avait raison, "peut-on être heureux tout seul ? " Pas facile. Pas une raison non plus pour ne point l'être. De temps en temps...
"It could be worth", comme disent les irlandais en attendant la prochaine averse.