<Mise à jour mercredi 7 février à 17h : un porte-parole de la Commission européenne a confié à l’agence Reuters que les négociations se poursuivaient même si les conditions pour conclure l’accord « ne sont pas encore remplies ». Détails ici >
Le moins que l'on puisse écrire est que la confusion règne. L'accord UE-Mercosur est-il bloqué ? Enterré ? Les négociations vont-elles se poursuivre ? La France n'a-t-elle pas obtenu qu'elles soient « stoppées » ? La Commission peut-elle passer outre les objections de la France ? La France peut-elle seule bloquer l'accord ? Est-elle le seul pays des 27 positionné contre l'accord ? L'exécutif français souhaite-t-il réellement enterrer cet accord ? Où en est-on des négociations ? Que reste-t-il à négocier ? Que peut-il être modifié ? Que va-t-il se passer maintenant ?
Les questions que journalistes, experts, éditorialistes, politiques, représentants associatifs nous ont légitimement posées depuis quelques jours sont toujours plus nombreuses : elles illustrent à la fois la complexité du sujet et le manque de clarté avec lequel s'expriment à la fois l'exécutif français et la Commission européenne. Le summum de cette confusion a été atteint lorsque l'Elysée a annoncé avoir stoppé les négociations, quelques heures avant d'être démenti par le porte-parole de la Commission européenne.
C'est pour répondre à un maximum de questions que nous avons décidé de rédiger une nouvelle note de décryptage, aussi proche des faits que possible. Vous en trouverez un résumé ci-dessous.
Elle est disponible ici en .pdf.

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Voici un résumé des questions/réponses que vous trouverez dans cette note :
- Puisque l’accord a été annoncé comme finalisé et « accordé en principe » en juin 2019, que négocient encore les chefs négociateurs des deux blocs ? Ces négociations portent-elles sur le contenu même de l’accord ? Non, elles portent sur une annexe à l’accord et la Commission européenne a exclu de rouvrir les négociations sur le fond de l’accord. A aucun moment, la France n’a exigé l’arrêt de ces négociations pas plus que la révision du mandat avec lequel la Commission négocie.
- Médias, parlementaires, organisations de la société civile ont-ils accès aux documents de négociation ? Non, ces négociations, comme toutes les autres, se déroulent en totale opacité.
- La Commission procède-t-elle à un coup de force en affirmant que les négociations vont se poursuivre ? Non. Rappelons que la Commission européenne négocie sur la base d’un mandat délivré par le Conseil de l’UE, c’est-à-dire par la France et les 26 autres États-membres de l’UE : si l'un de ces pays ne veut plus que les négociations se poursuivent, ou s'il souhaite qu'elles se déroulent sur d'autres fondements que le mandat de négociation en cours, il devrait commencer par exiger que le mandat dont dispose la Commission européenne, qui date de 1999, soit réexaminé par le Conseil, et, à défaut retiré ;
- L’exécutif français et plusieurs parlementaires Renaissance affirment que la France serait le seul pays à s’opposer à l’accord UE-Mercosur. Est-ce le cas ? Non. L’Autriche et les Pays-Bas s’y opposent avec des positions plus fermes que la France, ainsi que la Wallonie. L’Irlande vient de prendre clairement position contre l’accord également.
- La France peut-elle, seule, bloquer l’Accord UE-Mercosur ? En théorie oui. En pratique, c’est bien plus compliqué puisque la Commission européenne dispose d’options légales pour contourner le veto français. De plus en plus de voix en Europe poussent en ce sens.
- L’exécutif français doit-il se limiter à dire « Non à l’accord UE-Mercosur en l’état » à Paris ? Non. S’il est convaincu que cet accord n’est pas acceptable, il faudrait que Paris construise des alliances en Europe pour retirer le mandat de négociation dont la Commission dispose et/ou bloquer l’accord une fois finalisé. C’est possible.
- La France souhaite-t-elle l’abandon de l’accord UE-Mercosur ? S’oppose-t-elle aux autres accords du même type ? Non, elle s’oppose uniquement à l’accord UE-Mercosur « en l’état », laissant ouverte la possibilité de soutenir une nouvelle version, et elle a soutenu, ratifié et mis en oeuvre tous les autres accords.
Apportons un commentaire plus politique :
« Stopper » les négociations UE-Mercosur ne règlerait absolument rien à la situation ACTUELLE de mise en concurrence des systèmes agricoles que dénoncent les agriculteurs : comment protéger les fermes qui sont actuellement touchées par la concurrence internationale en raison des accords déjà existants : OMC, Canada, etc. ? Pourquoi l’exécutif français est-il favorable à la ratification d’accords qui vont aggraver la situation : Nouvelle-Zélande Chili Mexique Kenya ?Pourquoi l’exécutif français laisse-t-il les accords en cours de négociation se poursuivre : Inde Australie Indonésie Thaïlande, etc. ?
Pour vous tenir informés sur l'accord UE-Mercosur, ainsi que sur les autres accords, il existe un collectif national Stop Mercosur regroupant les organisations de la société civile mobilisées contre cet accord, dont l'Aitec, association pour laquelle je travaille pour partie. Pour suivre notre travail, vous pouvez :
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Maxime Combes, économiste et auteur de Sortons de l'âge des fossiles ! Manifeste pour la transition (Seuil, 2015) et co-auteur de « Un pognon de dingue mais pour qui ? L’argent magique de la pandémie » (Seuil, 2022).
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