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Billet de blog 9 juillet 2024

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Solidifier, enraciner et déployer le Nouveau Front Populaire

Pendant sept ans, la politique d'E. Macron a nourri le vote extrême-droite, au point de lui ouvrir les portes du pouvoir. La mobilisation populaire autour du programme du NFP et un barrage républicain efficace les ont refermées avec autorité, nous offrant un répit bienvenu. Il est désormais temps de solidifier, enraciner et déployer cette expérience aussi nécessaire que fragile. Propositions

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<ce post est une suite au texte Front populaire : convoquons 10, 100, 1000 assemblées populaires locales pour gagner publié au lendamain de la dissolution>


Par la dissolution surprise de l'Assemblée nationale au soir du résultat des élections européennes, Emmanuel Macron avait ouvert la porte du pouvoir à l'extrême-droite. « Sans sursaut populaire, l'extrême droite est en position d'arriver au pouvoir le 7 juillet » avais-je écrit au lendemain de cette dissolution. Catalysés par la constitution du Nouveau Front populaire, et amplifiés dans ses résultats par la mise en œuvre d'un barrage républicain efficace, le sursaut et la mobilisation populaire ont violemment refermé la porte du pouvoir sur les doigts du RN et de Jordan Bardella. Ils n'ont pas disparu, ils sont toujours là, mais ils sont derrière la porte. « Ouf », comme le dit Etienne Davodeau dans son dessin.

Illustration 1
Ouf - tout reste à faire © Etienne Davodeau

Merci à toutes celles et ceux qui ont rendu ce barrage et cette victoire possibles

Nous avons gagné du répit. Soyons-en soulagé·es et heureux·ses. Toutes celles et ceux qui se sont mobilisé·es ces dernières semaines pour faire barrage à l'extrême-droite et faire voter pour le Nouveau Front Populaire peuvent en être fier·es : la République leur doit beaucoup. Nous leur devons toutes et tous beaucoup. 

N'oublions jamais que ce résultat et ce moment de répit n'auraient pas été possibles sans l'engagement résolu et déterminé des organisations de la société civile (associations, syndicats, ONG etc.), et de ces milliers de personnes, parfois sans expérience politique, qui se sont engagées sur le terrain. Il faut également saluer le rôle des médias locaux (France Bleu, France 3 régions, etc) ainsi que les médias indépendants pour leur capacité à débusquer la vraie nature des candidats RN. 

Le RN reste aux portes du pouvoir

Ne nous trompons pas. Par sa politique de brutalisation systématique et d'aggravation des inégalités, Emmanuel Macron, lui qui s'était engagé à faire refluer les raisons d'un vote extrême-droite, n'a cessé de le nourrir. Les 10,8 millions de nos concitoyen·ne·s qui ont voté pour un candidat d'extrême-droite au premier tour des législatives n'ont pas disparu. Le RN n'est pas défait. Il y a tant à faire pour que ces sursauts et mobilisations populaires ne restent pas sans lendemain et pour faire refluer durablement le vote RN.

Le plus dur commence, même, sans doute. Comment rester mobilisé·es, comment rester efficaces, comment rester dynamiques alors que les élections sont derrière nous, et alors la fatigue, le besoin de vacances et l'envie de faire autre chose nous traversent de part en part ? Prendre soin les un·es des autres, s'entraider et se soutenir, n'est d'ailleurs pas le moindre des défis devant nous. Le tout alors qu'il est nécessaire de dégager du temps et de l'énergie pour faire le bilan de cette séquence, ainsi que pour continuer à se former et s'informer, ainsi que pour se ressourcer.

Le camp présidentiel refuse de reconnaître que le NFP est en tête

À l'Élysée, dans les ministères, dans les instituts de sondages et chez les faiseurs d'opinion, personne n'imaginait que le NFP puisse arriver en tête du second tour des législatives. En décidant de dissoudre, Emmanuel Macron avait parié sur l'éparpillement des voix de gauche pour que ses candidat·es soient seul·es au second tour face à ceux du RN. Le NFP a mis en échec cette stratégie. Avant le premier tour des législatives, éditorialistes et médias de droite n'ont cessé de taper sur le NFP pour le délégitimer. Nouvel échec. Entre les deux tours des législatives, les mêmes n'ont cessé de parier sur une victoire du RN. Nous avons toutes et tous, à nouveau, fait mentir ce présage : le NPF a gagné l’élection et une majorité relative. 

Mais le camp présidentiel refuse de s’y résoudre. Emmanuel Macron refuse la démission de Gabriel Attal et essaie de gagner du temps et faire oublier que le NFP est arrivé en tête. Défait aux Européennes, battu sévèrement au 1er tour des législatives, et sauvé des eaux au 2ème tour par un efficace barrage républicain, le camp présidentiel d'E. Macron se comporte comme s'il avait gagné les élections et était légitime à former un gouvernement. Pourquoi ? Pour tenter de faire exploser le NFP.

Les premières prises de position des leaders du NFP sont néanmoins plutôt rassurantes : le NFP n'a pas volé en éclat dès le soir des résultats comme cela avait été pronostiqué. Et les représentant·es du NFP, qui sont en train de négocier, affirment refuser les arrangements de couloir contraires aux résultats des législatives, et ils se disent « prêt·es à gouverner » et à appliquer les mesures d'urgence du programme. À nous de maintenir la pression pour qu'ils se montrent dignes et à la hauteur des enjeux de la période.

« Ne jamais gâcher une bonne crise »

Élysée, instituts de sondages et faiseurs d'opinion n'avaient pas prévu ce scénario. Ne sous-estimons donc pas cette opportunité. Faisons nôtre le principe trop souvent appliqué avec succès par les tenants de l'ordre néolibéral et conservateur : « il ne faut jamais gâcher une bonne crise ». Car crise il y a pour le bloc d'extrême-droite qui pensait gagner. Et crise il y a aussi pour le bloc présidentiel qui ne pensait pas qu'un bloc des gauches et de l'écologie puisse se reconstituer sur un programme de rupture économique, écologique et sociale.

Il y aurait bien-entendu beaucoup à dire et à écrire sur ce qu'il faudrait faire dans les jours qui arrivent. Permettez-moi de me limiter à ce qui me semble dépendre essentiellement de celles et ceux qui se sont mobilisé·es sur le terrain depuis des semaines, qu'iels soient issus du mouvement associatif et syndical, des partis politiques ou simples citoyen·nes soucieux de notre avenir commun. Si ce qui suit est nourri de l'expérience que nous menons là où j'habite, ces propositions n'engagent bien sûr que moi :

  1. Solidifier le Nouveau Front Populaire : parce que le camp présidentiel refuse de reconnaître que le NFP est arrivé en tête, parce que la période est pleine d'incertitudes, parce que les scénarios à venir ne sont pas écrits d'avance, il est de notre responsabilité collective solidifier le Nouveau Front Populaire : renforcer l'ancrage du NFP dans la société civile et faciliter l’engagement et la participation de celle-ci, y compris par des RDV réguliers entre le NFP et la société civile qui l’a soutenu ; permettre à celles et ceux qui se sont mobilisés pour la première fois, ou qui sont engagés dans d’autres initiatives, de le faire dans la durée ; ne pas laisser les QG des 4 principaux partis politiques du NFP décider seuls ; rester mobilisé·es pour poursuivre notre travail d'information (porte à porte, marchés, etc), que ce soit pour expliquer et soutenir les premières mesures d'urgence que le gouvernement NFP aura pris, ou bien pour dénoncer les manœuvres et entourloupes visant à empêcher que le NFP puisse gouverner. Pour cela, du matériel sera rapidement nécessaire.
  2. Enraciner le Nouveau Front Populaire : de la même manière que j'avais appelé, au lendemain de la dissolution, à constituer 10, 100, 1000 assemblées citoyennes du Front Populaire, je me permets de renouveler cette proposition. Parce qu'il est nécessaire de pérenniser et étendre les groupes de campagne qui ont été constitués ces trois dernières semaines pour faire élire des députés NPF. Sans attendre l'autorisation des quartiers généraux, sans attendre que la consigne soit passée, il est urgent de recréer et/ou de renforcer des espaces collectifs où l'on puisse discuter de la situation politique et des initiatives à prendre à l'échelle d'un village, d'un canton, d'un quartier, d'une ville ou d’une entreprise. Parce que c’est le seul moyen de faire avec celles et ceux pour lesquels le NFP se bat, et non de faire en leur nom et sans eux. Enfin parce que ce sera le seul moyen pour ne plus perdre, et demain peut-être, regagner du terrain face à l'extrême-droite dans les territoires dans lesquels nous vivons. N'attendons pas qu'il soit trop tard pour nous organiser.
  3. Déployer le Nouveau Front Populaire : dans beaucoup de coins ce pays, y compris par chez moi, le NFP est un peu notre dernière chance pour imaginer reconstruire une alternative politique face à l'avancée du RN. Pas parce que la gauche et les forces progressistes ont disparu de ces coins de territoire, mais elles sont souvent parcellisées et engagées sur des initiatives (expériences alternatives, solidarité concrète, activités économiques alternatives, etc) qui ne sont pas toujours en lien et en mesure de nourrir un projet politique. Cela prendra du temps, mais le NFP est aujourd'hui ce que nous avons de plus opérationnel et concret pour ouvrir des espaces de mobilisations et de discussions larges et inclusifs en mesure d'intéresser plus que quelques militant·es aguerri·es. Faire connaître, mais aussi débattre et enrichir le programme du NFP, prendre des initiatives hors périodes électorales, coordonner ces différents groupes sur le territoire pour échanger retours d’expériences et bonnes idées, expérimenter de nouvelles façons de nous organiser et de faire de la politique, voilà qui va demander moyens humains et financiers mais qui est absolument clé pour la suite. Y compris pour que le NFP ne se referme pas sur un cartel des gauches. Faut-il d’ores-et-déjà un RDV national pour qu’une telle rencontre soit possible ? Probablement. 
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Solidifier, enraciner et déployer le Nouveau Front Populaire © @MaximCombes

Preneur de vos remarques, critiques et contributions.

Force et courage à toutes et tous.

Maxime Combes, économiste et auteur de Sortons de l'âge des fossiles ! Manifeste pour la transition (Seuil, 2015) et co-auteur de « Un pognon de dingue mais pour qui ? L’argent magique de la pandémie » (Seuil, 2022). 

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