« La transition énergétique, ce n'est pas d'aller chercher de nouveaux hydrocarbures » déclarait Delphine Batho aux récentes journées d'été d'EELV. Dans le mille. Simple, concis, évident et efficace. Place à un moratoire, nécessairement international, sur tout nouveau projet d'exploration et d'extraction d'hydrocarbures.
A commencer par les pétrole et gaz de schiste, mais aussi le pétrole au large de la Guyane. Voilà une feuille de route convaincante pour la conférence environnementale et sa table-ronde sur la transition énergétique.
C'est une feuille de route d'autant plus justifiée que les exigences de la lutte contre le réchauffement climatique n'ont pas disparu. Si les négociations climatiques internationales ont repoussé à 2015, voire 2020, tout nouvel accord international, de nouveaux records d'émissions de gaz de effets de serre et de réchauffement global sont battus quasiment chaque année. Les décisions à prendre sont donc urgentes. Pour avoir 4 chances sur 5 de ne pas dépasser ces 2°C de réchauffement global, objectif validé par la communauté internationale, le très sérieux Postdam Institute for Climate Impact Research1, avait calculé qu'il ne fallait pas émettre plus de 886 gigatonnes de carbone entre 2000 et 2050. Ce budget global de carbone est déjà largement entamé puisqu'il ne reste plus que 565 gigatonnes de CO2 pour les 40 années à venir.
Or, la combustion de toutes les réserves prouvées actuelles de pétrole, charbon et gaz de la planète engendrerait 2 795 gigatonnes de CO2, soit 5 fois plus que notre budget carbone restant. Si l’on veut respecter les préconisations des scientifiques et rester en deçà des 2°C de réchauffement global, ce sont donc 80% de ces réserves qui ne doivent pas être extraites et consommées avant 2050. Bien entendu, les résultats peuvent être discutés et précisés. Mais les ordres de grandeur sont là. Nous ne sommes pas en situation de pénurie d'énergies fossiles, mais de trop-plein. Il faut donc en laisser dans le sol. Sauf à nier le réchauffement climatique ou attendre un miracle politique ou technologique capable de faire disparaître le CO2.
Il en découle logiquement l'évidence exprimée par Delphine Batho. Pour entamer la « transition énergétique », il est inutile, coûteux et dangereux de chercher d'autres hydrocarbures et accroître les réserves mondiales. En effet, à quoi bon aller chercher toujours plus loin et toujours plus profond, avec plus de risques environnementaux s'il faut laisser 80 % de ces nouvelles ressources dans le sol d'ici 2050 ? A rien. Sauf à gaspiller des ressources financières, techniques et humaines qu'il serait bon d'employer ailleurs, notamment dans des politiques de sobriété et d'efficacité énergétique qui font cruellement défaut.
En proposant de « ne pas aller chercher de nouveaux hydrocarbures », Delphine Batho ravive une vieille exigence des populations confrontées aux conséquences de l'extraction pétrolière. « Laisser du gaz et du pétrole dans le sol » n'est donc pas une idée nouvelle ou saugrenue. C'est au contraire le fil directeur d'une politique de transition vers des économies et sociétés moins carbonées et à terme post-fossiles. Reste à transformer les paroles en actes. Notamment en écartant toute possibilité d'explorer et extraire les pétroles et gaz de schiste. Mais aussi le pétrole offshore au large de la Guyane. En France, en Europe et dans le Monde.
Maxime Combes, membre d'Attac France et de l'Aitec,engagé dans le projet Echo des Alternatives (http://www.alter-echos.org/).
Twitter : MaximeCo
PS : cette tribune a été initialement refusé par Le Monde.
1http://www.nature.com/nature/journal/v458/n7242/full/nature08017.html