MISE A JOUR A 20H - 16 NOVEMBRE 2022
La France vient de changer de position et refuse désormais de soutenir la proposition de la Commission européenne consistant à ce que l'UE reste membre de ce traité et en prolonge l'existence en acceptant une version « modernisée » du traité. C'est une bonne nouvelle. Cette proposition de la Commission n’a plus de majorité au Conseil. Aucun vote n’a eu et n’aura lieu cette semaine (report de la décision).
Il faut désormais accentuer la pression sur la Commission pour obtenir que l’UE se retire conjointement du TCE.
Et si la principale avancée en matière climatique des prochains jours se jouait à l'extérieur de la COP27 ? Alors que la COP27 est l'occasion de voir resurgir un débat sur l'(in)efficacité de ces conférences de l'ONU (lire mon analyse de ce que l'on peut attendre de la COP27), la bataille sur le Traité sur la charte de l'énergie est entrée dans une semaine décisive : les Etats-membres de l'UE, dont la France, et la Commission européenne peuvent enfin s'entendre pour supprimer cette terrible épée de Damocles qui pèse sur les politiques climatiques les plus ambitieuses.

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Nous ne manquons pas de preuves du caractère nocif du TCE, ce traité qui retarde, renchérit ou bloque la transition énergétique. L’urgence climatique impose la fermeture accélérée d’un certain nombre d’infrastructures liées aux énergies fossiles et une régulation fine du secteur de l’énergie. Comment alors accepter qu’un traité international dont l'UE et la France sont encore membres puisse continuer à encourager les industriels à poursuivre des États pour leurs politiques de fermeture de centrales au charbon (Pays-Bas), d’interdiction de forages pétroliers (Italie), de restriction sur l’utilisation des techniques d’exploitation les plus néfastes (Slovénie), ou d’adaptation des politiques de soutien aux énergies renouvelables (Espagne, France) ?
Le constat est clair : le TCE fragilise considérablement la capacité des pouvoirs publics à assurer à la fois la sécurité énergétique et climatique des populations. À la suite de la COP26 à Glasgow en 2021, les gouvernements du Danemark et de Nouvelle-Zélande ont reconnu avoir réduit l'ambition de leurs politiques climatiques pour éviter le risque d’être poursuivis par des investisseurs étrangers dans le cadre de traités internationaux comportant un mécanisme de règlement des différends investisseurs-Etat (ISDS) similaires à celui existant dans le TCE. Pour deux qui l'ont reconnu, combien d'autres Etats n'osent pas l'affirmer publiquement ? Aujourd'hui les promoteurs de ces mécanismes favorables aux investisseurs utilisent la COP27 et les négociations sur « les flux financiers » pour tenter de les généraliser au coeur même des négociations climat.
Ces dispositifs fonctionnent comme une arme de dissuasion massive face aux politiques climatiques les plus ambitieuses qui, nécessairement, entrent en contradiction avec les intérêts des détenteurs de capitaux investis dans le système énergétique existant. Souvent, les ONG, les militants du climat et les journalistes affirment que les ces politiques ambitieuses ne sont pas mises en œuvre par « manque de volonté politique ». Ce n'est pas toujours le cas. Bien souvent, il existe des institutions et des règles, notamment celles qui sont nées avec la mondialisation, qui empêchent que ces politiques climatiques les plus ambitieuses voient le jour.
Les principes qui fondent le TCE (protection des investisseurs, non-prise en compte des enjeux climatiques, etc) ne tiennent aucun compte des immenses défis climatiques et énergétiques auxquels nous sommes confrontés. Voilà donc l'enjeu avec la bataille contre le Traité sur la charte de l'énergie : obtenir la neutralisation des effets nocifs d'un traité pensé, négocié et mis en œuvre pendant l'âge d'or de la mondialisation (années 1990) et jamais revu à l'aune de l'impératif climatique.
Pour la première fois sans doute, c'est possible. Pour la première fois, nous pouvons faire la démonstration de l'impossibilité de résoudre la crise climatique dans le cadre étriqué et contraignant de la mondialisation et de ses accords contraires à l'urgence climatique. Et, surtout, pour la première fois, il est possible de desserrer l'étau : obtenir que l'UE se retire conjointement de ce Traité serait donc une grande victoire. Il est temps de lever cette épée de Damoclès qui menace les politiques climatiques les plus ambitieuses.
Ce n'est malheureusement pas (encore) gagné. Sans doute vous souvenez-vous qu'Emmanuel Macron a annoncé le 21 octobre dernier que la France allait se retirer du Traité sur la charte de l'énergie (TCE) ? Après l'Italie (dès 2016), l’Espagne, les Pays-Bas et la Pologne, et avant celles confirmées depuis de la Slovénie et de l'Allemagne, l'annonce d'Emmanuel Macron, une excellente nouvelle, aurait pu suffire pour sonner le glas de ce traité qui retarde, renchérit ou bloque la transition énergétique.
Mais ce n'est pas encore le cas. La faute à la Commission européenne qui ne veut pas imaginer que l'UE puisse se retirer suranné et en raison de la frilosité d'Emmanuel Macron et de son gouvernement. Les 7 pays qui ont annoncé se retirer du TCE représentent plus de 70 % de la population européenne. Assez pour convaincre d'autres Etats européens et engager un processus de retrait collectif, coordonné et efficace de se traité.
Ce processus de retrait est la voie la plus simple, la plus efficace et la plus claire pour neutraliser les clauses les plus nocives du TCE. Pourtant, la Commission européenne refuse à ce stade de l'envisager et propose même que l'UE reste membre de ce traité et en prolonge l'existence en acceptant une version « modernisée » du traité qui prolonge d'au moins 10 la protection des investissements dans les énergies fossiles et étend ces dispositifs de protection à de nouveaux investissements dans l’énergie (captage et stockage du carbone, biomasse, hydrogène, combustibles synthétiques, etc.). Les risques de litiges n'en seront qu'augmentés.
Ce TCE « modernisé » est l'objet d'une première décision au Conseil de l'UE, sans doute ce vendredi 16 novembre. Pour être adopté par l'UE, il faut qu'au moins 15 Etats-membres de l'UE représentant 65% de la population votent en sa faveur. Puisque les sept Etats qui souhaitent s'en retirer représentent 70% de la population européenne, ils disposent d'une minorité de blocage. A la condition que la France ne vote pas POUR ce TCE modernisé tel que le gouvernement l'envisageait il y a encore quelques heures.
Pour le dire en résumé : annoncer que la France se retire du TCE c'est bien, empêcher que l'UE y reste c'est mieux. Si ce TCE modernisé n'est pas accepté lors du Conseil de l'UE, alors il faudra que la France mette tout son poids pour obtenir que la Commission européenne prépare un retrait coordonné du TCE et que celui-ci soit voté lors d'un prochain Conseil de l'UE : là aussi, c'est possible puisque les 7 Etats-membres qui se sont prononcés pour un retrait représentent 70 % de la population européenne et doivent pouvoir convaincre 8 Etats-membres supplémentaires de soutenir cette proposition.
Un tel scénario serait la voie la plus simple pour neutraliser le TCE. Imaginer, comme le fait la Commission européenne, qu'il faudrait d'abord accepter un TCE modernisé va conduire les Etats-membres de l'UE et l'UE en tant que telle dans un imbroglio sans fin dont les juristes consultés à ce sujet ne savent pas sortir : comment peut-on imaginer que sept des principaux Etats-membres de l'UE sortent d'un traité dont l'UE resterait membre. Cela ne fait aucun sens.
Pour agir :
1. Interpeller directement en ligne le gouvernement d'Emmanuel Macron pour qu'il vote de façon cohérente au Conseil de l'UE

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2. Relayer les interpellations du collectif Stop CETA-Mercosur, qui regroupe les organisations de la société civile mobilisées depuis des années contre ce traité nocif, et plus largement contre les accords de libéralisation du commerce et de l'investissement
Relayez l'appel à participation sur Twitter
Relayez l'appel à participation sur Facebook
Soutenez le collectif Stop CETA Mercosur pour l'aider à mener campagne !
Maxime Combes, économiste et auteur de Sortons de l'âge des fossiles ! Manifeste pour la transition (Seuil, 2015) et co-auteur de « Un pognon de dingue mais pour qui ? L’argent magique de la pandémie » (Seuil, 2022).
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