Ce post est la mise par écrit du signalement n°175 #AlloBercy publié ce mercredi 25 mai à l'occasion de l'Assemblée générale des actionnaires qui devait se tenir ce mercredi matin à Paris. Celle-ci a fortement été perturbée par des centaines d'activistes climat venus exprimer combien le greenwashing auquel s'adonne la multinationale est insupportable alors qu'elle poursuit ses investissements dans les énergies fossiles et n'est toujours pas pleinement et entièrement sortie de Russie.

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Les 175 signalements sont accessibles ici : https://frama.link/AlloBercy-recapitwitte
Occasion donc de rappeler quelques données de base sur TotalEnergies, données produites notamment par l'Observatoire des multinationales (lire la dernière note) :
➡️ grâce à l’envolée des prix de l’énergie et de la facture des consommateurs, le groupe accumule des profits sans ne rien faire ; ce sont des profits indus : 14,2 Mds € en 2021 (+41% par rapport à 2019), et déjà près de 9 Mds € au premier trimestre 2022, soit TROIS FOIS PLUS que sur la même période en 2021
➡️ l’envolé des profits s’accompagne d’une augmentation continue et soutenue de la rémunération des actionnaires : 6,9 Mds € de dividendes + 1,8 Md € de rachat d’action en 2021 ; le groupe prévoir déjà une augmentation de +5% pour le dividende en 2022 et 3 Mds € de rachats d’action en 2022
➡️ malgré les dénégations sans fondement de Patrick Pouyanné, le groupe est soutenu par de nombreuses aides #COVID19 : 1) plan automobile : des centaines de millions € pour la construction de l'usine de batteries de Douvrin ; 2) plan hydrogène (plusieurs projets) ; 3) soutien de la BCE (montant inconnu) ; 4) baisse des impôts de production (#PlanDeRelance)
➡️ malgré ces soutiens publics, TotalEnergies supprime des emplois : 2300 en 2020 (dont 410 en France) ; 4167 en 2021 (dont 700 en France)
➡️ pour ces excellents résultats financiers, et malgré le soutien public, le PDG Patrick Pouyanné a touché en 2021 la jolie somme de 5,9 millions d’euros (+52% par rapport à 2020).
➡️ dans le même temps, TotalEnergies fait tout le contraire de ce que préconise l’AIE : poursuivre ses investissements dans de nouveaux projets gaziers et pétroliers alors qu’il faut les arrêter. Les seuls projets gaziers et pétroliers que TotalEnergies envisage d’entériner d’ici à 2025 représentent l’équivalent de 18 CENTRALES A CHARBON selon Oil change international.
Ces données sont principalement tirées des documents officiels rendus publics par TotalEnergies pour son AG d’actionnaires du 25 mai, qui ont été compulsés par l’Observatoire des multinationales. Elles sont rassemblées sous ce fil twitter AlloBercy. Elles sont également disponibles dans la note publiée par l’Observatoire des multinationales.
Plus de détails sur l’usage des ressources publiques pendant la pandémie de COVID19 sont rassemblés dans le livre « Un pognon de dingue mais pour qui ? L’argent magique de la pandémie » qui vient de paraître aux Editions du Seuil (détails ci-dessous).
Maxime Combes, économiste et co-auteur de « Un pognon de dingue mais pour qui ? L’argent magique de la pandémie » (Seuil, 2022).
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L’argent magique existe : ce sont les entreprises privées qui en profitent. En 18 mois de pandémie de COVID19, elles ont obtenu 240 milliards d’euros d’aides publiques, le plus souvent sans conditions écologiques, fiscales et sociales. Un pognon de dingue. « Vous avez besoin d’argent, je vous en donne » n'a cessé de leur dire le ministre de l’Economie Bruno Le Maire : « C’est dans ces moments de crise qu’il faut profiter de l’argent de l’Etat ». Bercy, par principe rétif à la dépense, a tourné casaque et épaissit le maquis des aides publiques au secteur privé : on en compte plus de 2000 aujourd'hui. Mais la doctrine économique n’a pas changé : « l’État n’a pas vocation à diriger l’économie » a-t-il été martelé.
Beaucoup de droits, peu de devoir. Presque rien pour les services publics, les pauvres et précaires, mais plus de trois fois le budget de l’Education nationale, de la jeunesse et des sports pour le secteur privé.
Les multinationales nourrissent le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité ? Qu’importe, ce sont elles qui seraient supposées nous sortir de ce mauvais pas.
A la sécurité sociale pour les citoyens, l’Etat substitue des formes de protection de la rentabilité des entreprises privées. Bienvenu dans le « corporate welfare » qui, sous nos yeux, vient progressivement remplacer notre Etat-providence. Quoi qu’il en coûte…
Maxime Combes, économiste, travaille sur les grands défis internationaux de notre temps (mondialisation, réchauffement climatique, transition énergétique) auprès d'organisations de la société civile ; il est l'auteur de Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition (Seuil, « Anthropocène », 2015).
Olivier Petitjean, journaliste, est le co-fondateur de l'Observatoire des multinationales depuis son lancement en 2013. Spécialiste de l'investigation sur les grandes entreprises et le lobbying, il s'intéresse aussi aux moyens de limiter et encadrer leur pouvoir. Il y a consacré un livre : Devoir de vigilance (éd. C. L. Mayer, 2019).
Table des matières
Introduction. Allô, Bercy ? Où va le « pognon de dingue»? Partie 1 : La crise Covid, un hold-up au profit des actionnaires
1. Les milliards de la pandémie
2. La stratégie du choc
3. De quoi Blackrock et Bernard Arnault sont-ils le nom ?
4. Quand l’argent public subventionne les suppressions d’emplois
Partie 2 : La spirale infernale des aides aux entreprises
1. Deux mille nuances de soutien public
2. Comment les aides aux entreprises se sont mises à croître plus vite que les aides sociales
3. Le refus de conditionner les aides, ou quand l’État organise sa propre impuissance
Partie 3 : Le « monde d’après » confié aux multinationales ?
1. Climat : « Faites-nous confiance, nous sommes la solution »
2. Quand les aides publiques favorisent la privatisation
3. Une politique de désindustrialisation L’État-providence pour les entreprises
Conclusion. Après le « monde d’après », rouvrir les possibles