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Billet de blog 6 septembre 2024

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Et si on votait autrement ?

Je m’appelle Maxime, j’ai 47 ans, et après presque 30 ans de participation citoyenne, j'ai le sentiment que mon vote n’a jamais servi à rien. Les partis que j’ai choisis n’ont jamais gouverné. Les candidats que j’ai soutenus n’ont jamais été élus. Vous me direz : "C’est ça la démocratie, la dictature de la majorité." D’accord... Mais suis-je vraiment dans la minorité ?

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Combien sommes-nous à penser que notre démocratie fonctionne mal ?
Entre ceux qui ont l’impression que leur vote n’est jamais pris en compte, ceux qui votent blanc et ceux qui ne votent plus du tout, il me semble que près des deux tiers de mes concitoyens partagent plus ou moins ce sentiment. 
Il existe d’ailleurs de nombreuses idées qui sont déjà dans l’air : plus de proportionnelle, prise en compte des bulletins blancs, généralisation du référendum… tout cela me semble utile, mais permettez-moi de proposer deux autres idées : 

Proposition 1 : Rétablir l’ostracisme.
Je suis persuadé que le principal défaut de notre système actuel, c’est qu’un grand nombre de politiciens préfèrent attiser les passions tristes plutôt que de faire des propositions concrètes. Mettre les gens en colère, simplifier le monde jusqu’à la caricature ou cibler des boucs émissaires, toutes les ficelles du populisme perturbent le bon fonctionnement de notre démocratie, découragent un grand nombre d’électeurs, en transforment d’autres en fanatiques, et nous conduisent fatalement à ces fameux « barrages républicains ».

Pourtant, dès l’Antiquité, les Grecs, pionniers de la démocratie, avaient trouvé une solution : l’ostracisme. Les citoyens pouvaient voter contre un élu qu’ils jugeaient nuisible.
Pourquoi ne pas réintroduire cet outil aujourd’hui ? Il suffirait par exemple de considérer tout bulletin avec le nom d’un candidat rayé comme un vote négatif :
+1 pour un bulletin normal,
-1 pour un bulletin avec une croix.
Le dépouillement ne prendrait pas beaucoup plus de temps, mais le résultat aurait de quoi faire trembler les candidats…
Les extrémistes réfléchiraient à deux fois avant de sortir une horreur pour faire le buzz, car pour chaque voix gagnée par l’outrance, ils pourraient en perdre beaucoup plus…

Et si un candidat atteignait un score négatif ?
Il serait automatiquement écarté des élections pour un temps.
L’ostracisme dissuaderait les discours qui divisent et nous offrirait la possibilité de voter contre un candidat sans cautionner un autre que nous n’apprécions pas. Ce serait la fin du « vote utile » et un outil extrêmement efficace pour calmer le populisme.
Évidemment, l’ostracisme a mauvaise réputation depuis que Socrate en fut victime et préféra se suicider plutôt que d’être banni de la cité… mais soyons francs, combien de candidats d'aujourd'hui seraient prêts à faire de même s’ils étaient interdit d’élection pendant 5 ou 10 ans ?

Proposition 2 : Dé-zoner le vote législatif.
À l’ère de l’hyper-communication planétaire, pourquoi devons-nous encore choisir nos représentants à l’échelle locale ?
Aujourd’hui, le découpage électoral crée des inégalités absurdes. Par exemple, le député de Saint-Pierre-et-Miquelon a été élu avec 1 665 voix, tandis que celui de la 5e circonscription de Gironde dut en obtenir 40 665. Est-il normal que le poids du vote varie autant selon l’adresse des électeurs ?
En plus, ce système n’interdit pas le parachutage. Actuellement, le député de ma circonscription est le numéro deux de son parti et il s’est invité chez moi uniquement parce que les sondages donnaient son camp vainqueur quel que soit le candidat !
Si lui a le droit de squatter ma circonscription, pourquoi n’aurais-je pas le droit, moi, d’aller voter ailleurs ?

Imaginez un système où tout candidat ayant atteint un seuil de 30 000 voix serait élu député. Cela permettrait à chacun de trouver un représentant qui lui correspond, de choisir parmi tous les candidats de France, et non parmi une offre limitée locale et souvent décevante.
Évidemment, on pourrait me répondre qu’on obtiendrait la même chose avec un vote à la proportionnelle. Mais c’est faux. Le vote à la proportionnelle favorise la concentration et l’uniformisation. On vote pour un parti et une liste de candidats. C’est un système qui a le mérite de mettre en avant les idées et les programmes, certes, mais qui anonymise totalement les élus au point de favoriser les magouilles d’appareils.
Alors qu’ici, c’est le contraire : les législatives deviendrait une élection extrêmement populaire qui développerait la diversité.

Certains diront aussi que cela ouvrirait la porte à des élus farfelus, à des groupes religieux, à des lobbys, à des influenceurs et des stars de la télé… mais je répondrais que, quels qu’ils soient, ils seraient déjà plus représentatifs de notre société que les élus d’aujourd’hui. Mais surtout, ces élus seraient soumis aux mêmes lois très strictes qui sont imposées aux députés : déclaration de patrimoine, contrôle fiscal, mesure de leur apparition dans les médias… pas sûr que les « farfelus » rêvent tous de cette rigueur républicaine.
Et pour les "pires" d’entre eux, l’ostracisme sera toujours possible.


Pagaille ou démocratie ?

Évidemment, des votes négatifs et des centaines de députés représentant des groupes plus ou moins sérieux, cela peut ressembler à une belle pagaille. Mais entre nous, tout politicien qui revendique l'ordre le fait généralement au détriment de la démocratie… Alors, si vous avez cette impression confuse que ce serait le bazar, c'est plutôt bon signe.

Personnellement, je ne suis pas du tout convaincu que ce nouveau système ferait triompher mes opinions politiques… Mais ce dont je suis certain, c'est qu'avec ces outils, je n'aurais plus envie de vomir en allant voter pour un candidat que je n'aime pas, uniquement pour faire "barrage" à un autre que je déteste. Et je ne serais plus privé de représentant à l'Assemblée nationale sous prétexte que mes voisins ne pensent pas comme moi. J'aurais l'impression de vivre dans une société un peu plus "bordélique", c'est vrai, mais surtout plus démocratique, et ça... ce serait tout de même un sacré progrès.

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