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Billet de blog 3 mars 2025

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De la démocrisie à la démocrature

La révolution réactionnaire trumpienne est une transition de la démocrisie à la démocrature. Elle est une mise au grand jour de la nature profonde des valeurs occidentalo-étatsuniennes.

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De la démocrisie à la démocrature

Depuis l’arrivée de Trump à la Maison Blanche les commentaires rivalisent de formules choc, de la « bascule dans un nouveau monde », à la « grande trahison américaine », en passant par « le renversement total de l’ordre mondial ». Que signifie en effet ce que l’on peut nommer la « révolution réactionnaire trumpienne » ? Un cataclysme conceptuel aux conséquences possiblement dramatiques que j’ai présenté dans un billet précédent en termes de restitution de la force brute à sa place dominante (qui est sa position naturelle en dehors de la parenthèse humaine). Un réalignement sur les lois physiques de base, qui ne reconnaissent que l’action des forces fondamentales (nucléaires, électromagnétique et gravitationnelle), et n’ont que faire de la compassion et des états d’âme. Dans ce « nouveau monde » il n’y a que des intérêts et des rapports de force, avec l’argent à la fois comme finalité suprême et moyen irrécusable.

Les règles civilisationnelles érigées en plusieurs millénaires dans le but « d’humaniser les rapports humains » et, plus récemment, d’atténuer l’emprise délétère des humains sur la planète, sont ébranlées. Le démantèlement des régulations (économiques, sociales, juridiques, humanitaires, écologiques, morales) libère un productivisme débridé.

La sacro-sainte démocratie, considérée elle-même comme une entrave (au déploiement des « forces productives » en termes marxistes, ou tout simplement au business capitaliste) , est battue en brèche. L’occident, qui en faisait la pierre angulaire de ses « valeurs » est déboussolé. Les masques tombent. Nous touchons à la fin de la démocratie des Tartuffes.

La « démocrisie » est probablement aussi ancienne que la « démocratie » grecque. Celle-ci, tout en prônant des principes de liberté et d’égalité, reposait sur la domination esclavagiste et ne concernait que 10 à 20 % de la population. Que dire de la France, qui jusqu’en 1944 ignorait la parole de la moitié de ses habitants, et jusqu’en 1962 soumettait des populations à un joug colonial impitoyable, tout en s’autoproclamant patrie des Droits de l’Homme ? (La France est la nation de la Déclaration de Droits de l’Homme, et non pas celle des Droits de l’Homme, ce qui peut être fort différent). Que vaut la fallacieuse référence à « nos valeurs », derrière laquelle se rangent les « démocraties occidentales », avec à leur tête, les Etats-Unis, ultime défenseur de la liberté et de la démocratie ?  Mais protecteur d’une bonne quinzaine de dictateurs depuis une soixantaine d’années [Pinochet (Chili), Samoza (Nicaragua), Videla (Argentine), Stroessner (Paraguay), Noriega (Panama), le Shah d’Iran, Saddam Hussein (Irak, soutenu dans les années 1980 contre l’Iran), Moubarak (Égypte), Suharto (Indonésie), Marcos (Philippines), Diem (Viêt-Nam du Sud), Franco (Espagne)], déclencheur d’une guerre totalement illégale et illégitime qui a fait entre 200 000 et un million de morts (Irak 2003 – 2011), soutien inconditionnel d’un état d’apartheid qui ignore le droit international et perpétue des crimes de guerre.

La révolution trumpienne est un aboutissement spectaculaire, en continuité avec un comportement qui a toujours été dans les gènes des conquérants du Far West (Roosevelt, le gentil démocrate, avait un plan de vassalisation de la France, heureusement mis en échec par le général de Gaulle). La grande nouveauté vient de l’abandon des masques. Les prédateurs peuvent désormais opérer librement, sans l’inconfort d’un cache-sexe.

La révolution trumpienne est une transition de la démocrisie à la démocrature. Une sorte de coming out. Une mise au grand jour, qui pourrait être salutaire si les authentiques démocrates et humanistes savaient en tirer parti.

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