Le pouvoir d’achat c’est le pouvoir acheter. C’est le pouvoir d’exercer pleinement sa fonction d’homo œconomicus. Acheter est l’acte rituel d’adhésion à la religion consumériste de la société marchande. Acheter est devenu l’acte essentiel de l’existence. J’achète, donc je suis.
Le pouvoir d’achat est le pouvoir d’accéder à la consommation. Et par la consommation de participer à la prédation de la planète. Le pouvoir d’achat c’est le pouvoir d’augmenter l’entropie du monde.
Alors que le pouvoir d’achat est devenu la préoccupation première des Français ( 3 Français sur 4 déclarent que leur vote est influencé par le pouvoir d’achat) il est urgent de rappeler, à contre courant des positionnements de toutes les tendances politiques affichées, que le pouvoir d’achat c’est le pouvoir de consommer, et en fin de compte le pouvoir d’émettre des gaz à effet de serre et de contribuer au pillage de la planète. Le programme de Mélenchon demande d’inscrire dans la constitution « le principe selon lequel on ne prélève pas davantage à la nature que ce qu’elle est en état de reconstituer ». Cependant il ne précise pas que ce principe implique de diviser par 4 notre part de prélèvement sur la nature, et donc notre pouvoir d’achat moyen, car toute consommation finit par entraîner une captation sur la nature. C’est une réduction considérable qu’aucun candidat n’ose préciser dans son programme. Mélenchon et Jadot s’engagent pour la transition écologique, qui réside essentiellement en une décarbonation de l’énergie. Mais, sans doute pour ne pas effrayer les électeurs potentiels, ni l’un ni l’autre ne parle explicitement de sobriété, pourtant l’élément essentiel pour parvenir à un monde durable.
Il ne s’agit pas de nier que 9 millions de Français sont en dessous du seuil de pauvreté et qu’une amélioration substantielle de leurs conditions de vie est une priorité absolue. Mais cela doit impliquer une redistribution des richesses et non une augmentation générale du pouvoir d’achat. De plus l’amélioration des conditions de vie ne signifie pas exclusivement augmentation du pouvoir d’achat. Certains biens essentiels peuvent être attribués sans passer par la sphère marchande. Ainsi, vivre dans un appartement décent, ne devrait pas signifier obligatoirement en être propriétaire, ou payer un loyer élevé. De même l’accès à des soins gratuits et de qualité ne fait pas à proprement parler partie du pouvoir d’achat mais est un élément majeur de la qualité de vie. On pourrait multiplier les exemples de biens non marchands, ou qui pourraient être soustraits à la sphère marchande. Le pouvoir d’achat n’est pas la composante essentielle pour définir la qualité de vie des citoyens. Pour une même qualité de vie il faut nettement plus d’argent aux Etats-Unis, où les services publiques et la protection sociale sont très faibles, que dans les pays scandinaves.
La défense du pouvoir d’achat est une revendication légitime pour un syndicat, dans la mesure où son rôle est de parer au plus pressé pour sauvegarder les acquis des travailleurs. Mais d’un homme politique aux ambitions présidentielles on attend une vision supérieure. Se polariser sur le pouvoir d’achat, c’est rester au ras du sol, c’est céder à l’idéologie dominante de la loi du marché, c’est oublier que la vie ne se réduit pas au pouvoir d’acheter.