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Billet de blog 18 juin 2022

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La Décroissance est-elle possible ?

La poursuite d’une croissance infinie dans un monde fini est physiquement impossible. La croissance, qui nous mènera vers un monde invivable, reste cependant le modèle planétaire hégémonique. Lancés à vive allure vers un obstacle implacable, nous réalisons que notre véhicule est pourvu d’un accélérateur et nous ignorons si le frein est accessible.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Comme l’a dit l’économiste  Kenneth E. Boulding « Celui qui croit qu'une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste ». Ajoutons que la croissance n’a pas besoin d’être exponentielle. Il suffit qu’il y ait croissance, c’est-à-dire augmentation chaque année de la production et de la consommation, pour qu’un jour, tôt ou tard, les limites des ressources naturelles et des possibilités régénératrices de la planète soient atteintes. La croissance au-delà de ce seuil sera humainement intenable et physiquement impossible.

 La transition vers une période de décroissance n’est pas une option mais une épreuve inéluctable. Ce qui est une option c’est que cette épreuve soit volontairement décidée et anticipée, ou subie. Comme l’a écrit Jean-Marc Jancovici, qui est loin d’être un écolo-gauchiste, « Qu'on le veuille ou non, nous n'échapperons pas à la décroissance, et il vaut mieux s'y préparer dès maintenant. » ( La Croix, 19 février 2022 ).

 Le concept de décroissance n’est pas nouveau, il apparaît dès les années 1970. Le mathématicien et économiste d’origine roumaine Nicholas Georgesku-Roegen en a lancé les bases théoriques sur les principes de la thermodynamique. « Halte à la croissance » fut le cri lancé par le Club de Rome en 1972 à la suite du rapport Meadow, qui prévoyait la fin de la croissance et l’effondrement de nos civilisations thermo-industrielles au cours du 21 ème siècle. Depuis un demi-siècle, il existe une mouvance de la décroissance qui a produit une pensée cohérente et proposé les bases d’un modèle de société fondée sur la sobriété, un modèle « d’abondance frugale » selon Serge Latouche ( voir par exemple la revue historique dans Economie Ecologique par O. Petit, G. Frogere et T. Bauler, deboeck supérieur  ) .

 Cependant, la croissance reste le modèle hégémonique de toutes nos sociétés, à la fois dans la réalité économique et dans l’imaginaire collectif. Il est significatif que le mot décroissance n’apparaissait pas dans le « projet 2022 » des Écologistes pour la présidentielle. Seules Delphine Batho et Sandrine Rousseau avaient évoqué la décroissance comme solution à la crise climatique, alors que Yannick Jadot préférait prôner une « croissance verte » et qu’Eric Piolle se déclarait « ni pour ni contre la croissance ». Lors de la campagne de ces élections présidentielles les préoccupations concernant le climat et l’avenir de la planète sont arrivées loin derrière le pouvoir d’achat, c’est-à-dire le pouvoir de consommer et donc d’augmenter l’entropie du monde. La décroissance semble bien être un sujet tabou, environné d’une auréole sulfureuse. Je n’ai jamais entendu l’économiste de gauche, Thomas Piketty, prendre des distances vis-à-vis de la croissance, lorsqu’il dialogue le vendredi matin sur France inter avec Dominique Seu. La grande préoccupation des économistes et des hommes politiques et de savoir si quelques points de croissance seront au rendez-vous. La croissance est sensée résoudre les problèmes de chômage, de dette, de pouvoir d’achat.

La croissance est une fée miraculeuse. Hors de la croissance, point de salut.

Et pourtant la croissance est intenable à long terme, la croissance nous entraîne vers un monde apocalyptique. Le simple bon sens inciterait à envisager sereinement la décroissance.

La décroissance est à la fois inéluctable et impossible !

 Elle est inéluctable pour des raisons liées à la Physique, puisque une croissance infinie dans un monde fini est impossible.  Mais en même temps elle va à l’encontre de principes liés à la Thermodynamique. Là résident probablement les causes profondes et inconscientes de la réticence générale à envisager la décroissance. Une décroissance choisie serait une sorte de forfaiture car elle violerait des lois naturelles.

Pour le comprendre il faut revenir à la notion de structure dissipative que j’ai déjà introduite dans de précédents billets. J’en reprends les principaux éléments.

 Les sociétés humaines sont des structures dissipatives

 Nous prenons l’Humanité dans son ensemble comme une entité physique contenue dans une boîte. Si cette boîte était isolée dans l’espace, sans interaction avec l’extérieur, le deuxième principe de la thermodynamique nous dit que son contenu évoluerait vers un état d’équilibre, un état décrit par une myriade de paysages sans aspérités et indiscernables. Un état d’entropie maximum selon la Thermodynamique. Rappelons que l’entropie est une mesure à la fois du désordre et de la dégradation de l’énergie. Le deuxième principe de la Thermodynamique dit simplement que le système évolue vers l’état le plus probable, un état où les différentes configurations sont équivalentes,  un état où l’énergie utilisable de faible entropie est dégradée en énergie thermique de forte entropie.

Un état où il ne se passe plus rien.

 Ce qui n’est visiblement pas le cas des sociétés humaines !

En réalité la boîte Humanité n’est pas isolée, elle reçoit continuellement de l’énergie solaire, via la photosynthèse, par l’intermédiaire de la nourriture que nous absorbons. Elle n’évolue pas vers un état d’équilibre. C’est un système thermodynamique hors d’équilibre. Elle constitue un système ouvert, dont nous résumons les propriétés en quelques lignes (pour un développement plus détaillé voir Thermodynamique de l’Evolution par François Roddier, Editions Paroles).

 Nous sommes donc dans un système ouvert, accueillant continûment du rayonnement solaire, c’est-à-dire un flux d’énergie de basse entropie (énergie utilisable). D’après les principes de la Thermodynamique cette énergie de basse entropie va se dissiper, c’est-à-dire se transformer  en énergie de haute entropie (énergie dégradée en énergie thermique). Ce processus est accéléré par l’apparition de structures en mouvement  nommées structures dissipatives par Prigogine. En s’adaptant à l’environnement, elles réalisent des configurations mobiles, qui tendent à maximiser la dissipation d’énergie, c’est-à-dire à dégrader plus efficacement l’énergie. Corrélativement un certain ordre se dégage, attestant d’une diminution locale de l’entropie. Mais le second principe tient à avoir le dernier mot et, globalement, l’entropie totale ne peut que croître. Les structures dissipatives s’auto-organisent de façon à maximiser le taux global de production d’entropie. Ce phénomène a été considéré par certains auteurs comme un troisième principe de la Thermodynamique.

 Une manière intuitive pour comprendre ce que sont les structures dissipatives est de considérer les cyclones, qui en sont un exemple. Ils sont générés par le gradient de température entre l’atmosphère et l’océan. Pour tendre vers un état d’équilibre, caractérisé notamment par une température homogène, on peut concevoir que de proche en proche les couches les plus chaudes cèdent une part de leur énergie aux couches voisines et qu’une température intermédiaire finisse par s’établir. Mais il est beaucoup plus efficace que de vastes courants d’air s’établissent, permettant des transferts thermiques directs entre les couches les plus chaudes et les couches les plus froides. Ainsi se forment des tourbillons, qui accélèrent les transferts énergétiques, et qui sont des structures présentant un certain ordre.  Ce régime pourra être maintenu tant que durera l’apport d’énergie à l’origine du gradient de température.

 Les êtres vivants sont aussi des structures dissipatives, certes extraordinairement plus complexes que les cyclones. Via la photosynthèse ils reçoivent de l’énergie solaire. Par le métabolisme, c’est-à-dire l’ensemble des réactions physico-chimiques qui permettent de maintenir l’organisme en vie, ils maximisent la dissipation de l’énergie d’origine solaire que nous captons.

L’Humanité toute entière peut être considérée comme une structure dissipative. Pour les sociétés humaines le métabolisme inclut toutes les activités humaines : industrie, agriculture, tourisme, transports, construction, loisirs,… Sa fonction se résume en fin de compte à dissiper, c’est-à-dire dégrader, l’énergie de basse entropie que nous captons : l’énergie solaire, mais aussi depuis 2 siècles les énergies fossiles. Par le PIB nous en avons une estimation approximative. Nous avons, implanté en chacun de nous, un agent qui nous pousse vers la production d’un maximum d’entropie. C’est le striatum, dont le rôle a été magistralement décrit par Sébastien Bohler (Le Bug Humain, Robert Laffont), et qui nous entraine dans une spirale sans fin de toujours plus. Le striatum est en quelque sorte un organe qui résulte de l’adaptation biologique au cours de centaines de millions d’années à la loi thermodynamique de maximisation de production d’entropie.

Une Décroissance volontaire serait une dissidence thermodynamique

 On conçoit qu’un régime de décroissance correspondrait à une diminution de l’efficacité des sociétés humaines à dissiper l’énergie qui les traverse. Il s’écarterait donc de la production du maximum d’entropie. Une économie de décroissance aurait à déroger à l’optimisation thermodynamique qui régule les flux énergétiques. Une sorte de dissidence, source de difficultés qu’il faudrait surmonter.

 La discordance entre décroissance et production maximum d’entropie se manifeste par les diverses entraves qu’une telle orientation aurait à affronter. On peut les classer en deux catégories.

  • Les difficultés endogènes. Une politique de décroissance aurait à faire face à l’opposition frontale de tous les lobbys productivistes. Elle se heurterait également à la résistance des individus, dopés à la société de consommation et sous l’emprise de leur striatum, et donc peu enclins au sevrage.
  • Les difficultés exogènes. Elles se réfèrent à la concurrence économique. Si seulement un, ou quelques états, adoptent une politique de décroissance, alors que les autres persévèrent dans l’économie libérale, ils se retrouveront en situation d’infériorité. Si tous les états de la planète ne décident pas simultanément de pratiquer une politique de décroissance, ceux qui s’en soustrairont bénéficieront d’un net avantage économique et géopolitique. La même affirmation est valable pour les entreprises. Dans un monde concurrentiel un élément qui ne se plie pas à la loi de la maximisation de la production d’entropie est en situation de handicap et finit par disparaître. On rejoint la loi darwinienne de la sélection naturelle. Ces considérations témoignent des difficultés, et de l’inefficacité, d’appliquer un comportement vertueux en l’absence d’un accord général entre nations et d’une gouvernance mondiale.

Capitalisme et Croissance

 J’ai développé dans un précédent billet que le Capitalisme est un système particulièrement robuste car la recherche du profit maximum est en parfaite adéquation avec la loi de maximisation de la production d’entropie. La croissance s’inscrit dans cette logique d’optimisation thermodynamique.

La croissance se nourrit de matière, c’est-à-dire de ressources naturelles, et d’énergie, très majoritairement depuis deux siècles les énergies fossiles. Ces ingrédients étant en quantité finie la croissance aura nécessairement une fin. L’essoufflement de la croissance observé depuis une quarantaine d’années peut être vue comme une anticipation préconsciente de cette issue inéluctable. Dans le même temps des artifices sont mis en œuvre pour maintenir au plus haut la production d’entropie. Il en est ainsi de la publicité qui, par des procédés virtuels agissant sur l’imaginaire, est capable de booster la consommation, et donc l’activité humaine. C’est aussi ce que permet l’injection de capitaux, c’est-à-dire le crédit. Ce procédé, susceptible de relancer la machine économique, n'est pas un flux de matière, ni d’énergie. Il peut se résumer à un jeu d’écriture, ou d’adjonction de quelques bits sur un compte bancaire informatique. Publicité et crédit ont ceci de commun qu’ils sont, et ne sont que, de l’information introduite dans le système Humanité.

Capitalisme et Décroissance

Que devient le Capitalisme en l’absence de croissance ?
Pour Eloi Laurent le capitalisme n’a pas nécessairement besoin de croissance (Sortir de la Croissance, les liens qui libèrent).  Son affirmation repose sur l’exemple du Japon. Ce pays se porte relativement bien alors que sa croissance est très faible ( 1 %  ). On peut remarquer que cette croissance faible (mais guère plus faible que la nôtre) est compensée par une dette colossale de 250 % du PIB.

L’appétence pour le profit est le moteur de l’économie capitaliste, c’est-à-dire l’économie opérant dans 99 % des états sur terre. On pourrait penser à première vue que la possibilité de profit disparait avec la croissance. En fait la réalité semble plus complexe. Au cours des 4 dernières décennies la croissance dans les pays occidentaux n’a cessé de diminuer, et cependant les fortunes des plus riches, qui reflètent les profits de l’économie, n’ont cessé de croître. Pendant la pandémie de Covid, avec un PIB en net retrait, les bénéfices du CAC 40 ont atteint des sommets. Comment est-ce possible ?

On peut noter qu’une atonie globale du PIB peut cacher de grandes disparités de situations, avec des secteurs en forte croissance ( luxe, industrie pharmaceutique, numérique,…) alors que d’autres sont en récession. D’un point de vue thermodynamique, pour une quantité donnée d’énergie à dissiper il n’y a aucune raison pour que la répartition des flux soit homogène. Au contraire, les circuits les plus efficaces en dissipation d’énergie sont favorisés, conduisant à une différenciation des flux. Les inégalités de revenu et de patrimoine peuvent être vues comme un produit de la loi de maximisation de la production d’entropie. On peut dire, de manière imagée, que cette fameuse loi thermodynamique, indifférente à toutes considérations humanistes, préfère « mettre des billes » là où la dissipation d’énergie a déjà bien fonctionné ( c’est-à-dire du côté des plus fortunés). Une autre manière de dire que l’argent attire l’argent. Ces considérations convergent avec le fait que les décennies de faible croissance que nous connaissons sont aussi celles de records d’inégalité sociale. Ainsi le Capitalisme peut effectivement se maintenir en période de faible croissance.  On a vu pendant la récession des années 30 que le Capitalisme était ébranlé. Il a survécu et s’est employé à relancer la croissance. Il s’agissait d’une décroissance subie et incontrôlée. Que deviendrait le Capitalisme sans perspective de relance de l’économie ? On peut penser que toutes sortes de tentatives se manifesteraient afin de rétablir des possibilités de profits, c’est-à-dire des voies performantes de production d’entropie.

Concevoir la Décroissance

 On conçoit que tant que des flux de matière et d’énergie pourront approvisionner l’Humanité en tant que structure dissipative la décroissance sera improbable du point de vue de la Thermodynamique. Il existe cependant des cas où des situations de décroissance ont pu advenir. Il en fut ainsi quand  des évènements de force majeur ont pris le pas sur l’Economie. On peut citer le cas des « économies de guerre », où tous les efforts sont mis pour la sauvegarde d’une nation au détriment de la rationalité économique. Il en fut ainsi durant la pandémie de Covid, où le confinement obligatoire a fait perdre 8  % de PIB à la France. Le « Nous sommes en guerre » du président Macron allait de pair avec le « Quoi qu’il en coûte », c’est-à-dire l’abandon de la rationalité économique. Lorsque Jean-Marc Jancovici dit qu’il faut se mettre « en économie de guerre » pour parvenir à réduire de 5 % par an sur une longue période nos émissions de gaz à effet de serre ( France Info, 23/05/2022) cela signifie qu’il faut sortir du règne de l’Economie libérale, et donc de la maximisation de la production d’entropie.

 L’alarme climatique pourrait-elle être  l’élément de force majeure capable de prendre l’ascendant sur l’Economie, et ceci de manière permanente ?

 On notera que la décroissance, jusqu’ici, a toujours été temporaire. La croissance a ensuite repris sa course en avant, avec plus ou moins de vigueur, mais en demeurant toujours l’objectif absolu.

 Pour surmonter les obstacles à une trajectoire de décroissance le Politique devrait résolument dominer l’Economie. A priori le modèle autoritaire chinois semble le plus apte à mettre en œuvre et maîtriser une politique de décroissance. Dans le cadre d’un régime démocratique les mesures les plus coercitives devraient être approuvées par référendum, avec l’alarme climatique comme puissant agent persuasif.

 Il est exceptionnel que des économistes envisagent des scénarios  de décroissance. On peut néanmoins inclure dans cette catégorie Le plan de transformation de l’Economie française récemment édité par The Shift Project sous la supervision de Jean-Marc Jancovici . L’objectif est d’arriver à une économie bas carbone à l’échéance 2050. Prétendant n’être « ni croissantiste ni décroissantiste, mais se situer sur un autre terrain », ce plan admet néanmoins la nécessité de « sobriété, c’est-à-dire en pratique moins de flux physiques (matière, énergie ) ». N’est-ce pas en réalité  une manière de parler de « décroissance » en utilisant un autre vocable, sachant que certains mots peuvent apparaître comme une grossièreté irresponsable dans le contexte actuel ? Il est clair qu’un texte qui s’adresse en particulier à nos dirigeants doit être expurgé de toute connotation politiquement incorrecte, alors ne voyons pas d’objection à remplacer « décroissance » par « sobriété » !

La finalité d’une politique de décroissance, serait de diminuer les flux de matière et d’énergie qui traversent les systèmes économiques, pour aller dans le sens d’une société économe en ressources. Même si une baisse du PIB n’est pas explicitement visée, compte tenu notamment des limites de cet indicateur, une diminution globale de la consommation et de la production ne pourrait être évitée. Cette mutation devrait aller de pair avec un renforcement de la justice sociale grâce à une redistribution ferme des richesses.

Après avoir insisté sur les difficultés qu’une politique de décroissance aurait à affronter, il faut convenir que les manettes de la décroissance sont relativement simples à énoncer : il s’agirait de contrer les activateurs de la croissance.
Pour faire décroitre la consommation, plutôt que de réduire le pouvoir d’achat,  il faudrait s’attacher à réduire le désir d’achat. Il suffirait, dans une première étape, de limiter strictement la publicité. La publicité est en effet l’instrument principal de création de besoins toujours renouvelés et non essentiels. En priorité seraient visés les produits les plus pollueurs et énergivores (SUV, voyages en avion, consommation de luxe…).

Parallèlement, on pourrait intervenir sur un autre élément utilisé pour renforcer l’activité économique, à savoir le crédit, qui serait limité à des investissements éco-compatibles. Avec la même idée de contrecarrer les agents de la croissance ont peut citer la réduction du temps de travail et l’arrêt de la course aux gains de productivité. Deux mesures qui permettraient d’éviter l’explosion du chômage, prophétisée en cas de baisse de l’activité économique.

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Comme nous l’avons montré, une politique de décroissance aurait à contrer la force de gravité des principes de la Thermodynamique. En d’autres termes elle aurait à s’opposer à la production du maximum d’entropie. Est-ce possible ? A vrai dire, c’est ce que font les structures dissipatives au niveau local. Ainsi dans un cyclone les tourbillons sont des structures ordonnées, où l’entropie a localement été abaissée ( même si globalement la production d’entropie a été accélérée ). Un être vivant est une structure d’un très haut degrés d’organisation, donc de très basse entropie (même s’il est aussi  un agent accélérateur de la dissipation de l’énergie solaire, donc de l’augmentation de l’entropie globale).
Avec la problématique de la décroissance la localité spatiale, sur laquelle s’opère la différentiation de la production d’entropie, doit être remplacée par une localité temporelle. Ainsi sur le court terme la décroissance va dans le sens d’une diminution de la production d’entropie (puisqu’il y a moins de consommation). Mais la décroissance peut permettre de sauvegarder la biosphère. Et sur le long terme la biosphère pourra continuer à dissiper l’énergie solaire et accumuler des productions d’entropie supérieures à ce qui a été économisé par la décroissance.
La question se pose alors de savoir comment une différentiation temporelle de la production d’entropie peut émerger. En d’autres termes, une structure dissipative peut-elle provoquer temporairement une baisse d’entropie, anticipant que dans le futur une augmentation de l’entropie globale aura lieu ? Une structure physique peut-elle prévoir le futur ? Peut-elle avoir une conscience de l’avenir ? En réalité cette conscience existe. C’est la conscience humaine. Nous, humains qui faisons partie de la structure dissipative Humanité, avons la capacité de savoir le futur. Grâce aux experts scientifiques nous pouvons anticiper les dégâts d’une croissance sans limites.
Mais il ne suffit pas de savoir. Pour changer de trajectoire il faut aussi le vouloir. Or sous l’emprise de notre striatum, nous sommes conditionnés à vivre au jour le jour et rechercher le toujours plus de plaisir immédiat : demain est un autre jour et « cueillons dès aujourd’hui les roses de la vie » ! Ce qui laisse encore de beaux jours à l’anthropocène pour épuiser la biosphère. Sébastien Bohler attend le salut de la prise du pouvoir du cortex frontal sur le striatum. Il a fallu des millions d’années pour façonner le striatum. Combien de temps faudra-t-il pour le reconditionner ?

Pour la plupart des auteurs qui l’envisagent la Révolution écologique, qui inclut le saut vers la décroissance, demandera au préalable une mutation du psychisme humain, un passage de l’homo-œconomicus à l’homo-sobrieticus .

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