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Billet de blog 19 juin 2025

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Quand le mot “antisémite” ne veut plus rien dire

Un mot qui se rapportait aux persécutions infligées à un peuple victime, et qui maintenant sert à disqualifier ceux qui prennent la défense d'un autre peuple martyr, a perdu sa signification.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je suis né sous la Troisième République, à une époque où l’affaire Dreyfus vivait encore dans les mémoires, et pas seulement dans les mémoires. Mon père, professeur, fut limogé par l’État français de Vichy parce que juif. Je sais ce qu’était l’antisémitisme. Je l’ai respiré, affronté, combattu. Il n’était pas une abstraction, mais une réalité sociale, politique, parfois administrative, souvent haineuse, toujours humiliante.

Toute ma vie, j’ai été du côté des persécutés — par conscience, par histoire, par fidélité à une certaine idée de la justice. Aujourd’hui, on me classe dans le camp des antisémites. Pourquoi ? Parce que je refuse de me taire devant l’écrasement d’un peuple. Parce que je dis que l’État d’Israël, fondé au lendemain de la Shoah, commet des crimes massifs contre une population civile enfermée, affamée, bombardée, déshumanisée. Parce que je refuse que la mémoire des suppliciés d'hier serve de paravent à l’impunité.

Le mot antisémite ne veut plus rien dire, s’il en vient à désigner ceux qui, justement, ont consacré leur vie à dénoncer la haine, le racisme, la persécution.

Ce mot, que j’ai appris à craindre et à reconnaître, n’est plus un outil de lucidité. Il est devenu, trop souvent, une arme de disqualification. Il est vidé de sa force, affaibli par son inflation, corrompu par son instrumentalisation.

Je n’accepte pas que la mémoire des persécutés serve à justifier l’oppression. Et je n’accepte pas que l’on me fasse taire au nom d’un mot dont j’ai connu la réalité, et dont je constate aujourd’hui la déchéance sémantique.

Ce n’est pas moi qui ai trahi ce mot. C’est son usage qui a trahi sa signification.

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