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Billet de blog 24 février 2025

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Trump, agent zélé du second principe de la thermodynamique

En abolissant les régulations qui atténuaient les effets délétères du capitalisme la révolution réactionnaire trumpienne libère la production du toujours plus d’entropie, conformément au second principe de la thermodynamique.

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Certains hommes ont marqué l’histoire d’une empreinte exceptionnelle, qui touche à l’accomplissement d’une mission divine. Trump, le miraculé après avoir échappé à la balle qui lui a égratigné l’oreille, est peut-être le Messi envoyé pour rétablir les lois fondamentales de la physique, qui étaient en passe d’être quelque peu détournées par le développement de la conscience humaine.  

Commençons par une brève description de l’état des lieux.

Les sociétés humaines peuvent être décrites en termes de vastes systèmes métaboliques, avec comme intrants de l’énergie et des matières premières, et en sortie, des déchets, de la pollution, des gaz à effet de serre et des rayonnements infra-rouge ; bref de gigantesques machines à dissiper de l’énergie et produire de l’entropie, en plein accord avec le second principe de la thermodynamique[1]. La propension à dissiper de l’énergie et produire de l’entropie, semble bien être l’axe directeur de l’évolution universelle.  Son efficacité apparait comme le critère du succès dans la grande foire d’empoigne qu’est la sélection darwinienne.  Le capitalisme s’inscrit pleinement dans cette logique[2]. Étant le plus apte à soutirer de l‘énergie à son environnement, et profitant de l’apport prodigieux des énergies fossiles, c’est un système robuste, qui est devenu le modèle économique quasi-exclusif sur l’ensemble de la planète. Il repose sur le paradigme d’une croissance exponentielle sans limites, ce qui est incompatible avec, d’une part la finitude de la planète, et d’autre part sa stabilisation en régime stationnaire. Dès lors, des turbulences et évènements chaotiques sont inévitables. En témoignent les différentes crises qui surviennent à intervalles plus ou moins réguliers depuis le début du capitalisme, la dernière de grande importance étant celle des subprimes en 2008. Toute une panoplie de régulations ont été mises en place pour atténuer l’ampleur et la fréquence des crises, sinon les éliminer [sans le régulateur de Watt la machine à vapeur s'emballe ou s'enraye]. Ces régulations sont des contraintes qui peuvent freiner la pleine croissance du capitalisme, dont la finalité est de maximiser la dissipation d’énergie et la création d’entropie. Par ailleurs, la prise de conscience des dégâts irrémédiables de l’anthropocène a amené les nations, bien tardivement mais « mieux vaut tard que jamais », à édicter quelques normes pour limiter les dommages écologiques, notamment le dérèglement climatique. Soient des limitations supplémentaires à la pleine expansion entropique, qui témoignent de la possibilité de résister au principe fondamental de la croissance aveugle de l’entropie (de même qu’avec les avions, les montgolfières et les parapentes il est possible de résister à la gravité).

La révolution réactionnaire trumpienne, est marquée par la remise en cause de la plupart des régulations : économiques, juridiques, écologiques, morales. Les règles civilisationnelles érigées en plusieurs millénaires dans le but « d’humaniser les rapports humains » et, plus récemment, d’atténuer l’emprise délétère des humains sur la planète, sont ébranlées. Avec l’explosion du productivisme et de l’extractivisme le second principe de la thermodynamique est restauré en gérant aveugle et court-termiste du métabolisme des sociétés humaines. Les lois humaines et la démocratie permettaient, dans certains cas, au plus faible de prendre l’avantage sur le plus fort. Une situation aberrante du point de vue des lois de la physique, où les forces mises en jeu (nucléaires, électromagnétique et gravitationnelle) ignorent les états d’âme. Trump restitue la force brute dans sa place dominante fondamentale. Il libère le flux énergie-entropie qui traverse les sociétés humaines et qui avait été quelque peu muselé pour atténuer ses effets délétères sur la planète et la majorité des humains.

Où nous mène la révolution trumpienne ? La prospective est un exercice périlleux, cependant dans le cas présent l’ampleur de la cause laisse peu de doutes sur les conséquences. L’abolition des régulations, digues et garde-fous ne peut conduire qu’à des crises majeures, que des générations s’étaient efforcées de maîtriser. L’incertitude concerne la nature des convulsions à venir et le moment de leur arrivée, de la crise économique mondiale à l’effondrement civilisationnel prévu par les collapsologues.

[1] François Rodier, Thermodynamique de l’évolution, Éditions paroles (2021)

[2] Maxime Nechtschein, A l’origine de la croissance et du toujours plus, l’Harmattan (2023)

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