J’arrive dans le Service de médecine interne en début d’après-midi pour prendre la suite de l’auxiliaire de vie de ma mère. Je constate qu'elle est en dehors de la chambre de ma mère. Une infirmière est devant la porte de la chambre.
A ma demande de renseignement, cette infirmière me répond brièvement et sèchement qu'elle ne peut rien me dire et que je dois m'adresser au médecin de garde. Cette dernière va arriver du fond du couloir principal, au bout de quelques minutes. Je vais à sa rencontre et indique mon identité. Sans se présenter, le médecin de garde m’invite à la suivre dans son bureau proche.
Le médecin de garde me propose de m’asseoir et me fait face, assise elle aussi, derrière son bureau. Elle m'informe de façon sèche du décès de ma mère : "Désolée, votre mère vient de décéder. Condoléances". Je demande par deux fois ce qui a bien pu se passer. Pour toute réponse, deux banalités me seront adressées : "Votre mère était âgée. C'est un ensemble de choses" et "Elle s'est endormie. Rassurez-vous, elle n‘a pas souffert.". Après ma première question, le médecin de garde s'est levée. Elle s'est exprimée, sans me regarder, avec des temps de silence, en marchant dans la pièce. Je m'en suis étonné. Rien de précis sur l'état de santé de ma mère. Rien sur les maladies et traitements, en particulier les derniers. Rien ne m’a été expliqué. Visiblement on ne veut rien dire. Cette entrevue a duré environ trois minutes.
Dans ce contexte je demande au médecin de garde de m’accompagner dans la chambre de ma mère. Je sors suivi par le médecin de garde qui disparaît avant d'entrer dans la chambre. Trois infirmières sortent de la chambre et j’entre avec l'auxiliaire de vie. Je trouve ma mère assise au milieu du lit, sans support, la tête penchée en avant. Je touche son front qui est encore chaud. Ce faisant, j’exerce une légère poussée mais ma mère ne s'affaisse pas dans son lit. J’en suis surpris. C'est plus tard, en repensant à cette scène, que je me demanderai pourquoi ma mère ne s'est pas "écroulée" : un corps sans vie, sans force, devrait le faire. La seule explication, que je vois, est que les muscles de ma mère étaient paralysés, comme tétanisés (surdose de chlorure de potassium ?) ce qui expliquerait que les infirmières n'aient pas étendu ma mère sur son lit de façon plus digne et adaptée aux circonstances d'une mort naturelle.
En examinant la chambre, je découvre un pousse seringue électrique relié au cathéter intraveineux avec une étiquette où il était marqué : Hypnovel 12h et une suite de chiffres et lettres que je n'au pas retenue (peut-être un dosage et un débit de l’injection). 12h est vraisemblablement l’heure prévue pour l’injection (Pourquoi avoir attendu 12h16 ?). Je ne connaissais pas ce produit. Je vois également la perfusion par gravité de glucose (reliée aussi au cathéter) dont l'enveloppe plastique est bien aplatie ce qui indique qu’une quantité importante de glucose avait été déjà perfusée. Je ne sais pas que cette perfusion a une concentration importante de chlorure de potassium.
Un peu plus tard, une infirmière frappe à la porte et entre, sans se présenter. "Ça va ?" s’exclame-t-elle. Elle dit que ma mère allait être transportée en chambre mortuaire et qu'il fallait prendre ses affaires, sous entendant qu'il fallait partir. Je ne connaissais pas cette infirmière. Je ne savais pas qu’elle s’était occupée de ma mère et avait installé les deux dernières perfusions, ce samedi matin. Je ne lui ai donc posé aucune question. Aucun mot de l’infirmière sur ma mère, sur les derniers traitements que celle-ci lui a prodigués, aucune empathie, aucune parole réconfortante.
Je quitte la chambre rapidement avec l’auxiliaire de vie. Nous serons restés très peu de temps avec ma mère décédée. Dans le dossier médical, je constaterai que ce transfert, présenté comme imminent, aura lieu une heure plus tard.
Je suis donc resté environ une quinzaine de minutes dans le Service de Médecine interne avec comme consigne finale d'aller le lundi suivant à la chambre mortuaire apporter des habits pour ma mère et préparer l'enterrement.
De retour à la maison, j’ai informé l’infirmier, qui s’occupait de ma mère, du décès de celle-ci. J’ai appris que l’hypnovel (midazolam) était un sédatif et on ne voyait pas pourquoi il avait été utilisé. Je suis retourné au Centre hospitalier pour demander des explications. Le samedi après-midi, il n’y avait plus de responsable dans le Service mais des infirmières, qui avaient pris la relève. Elles n’ont pas pu me renseigner. Je n’avais pas reçu le livret d’accueil. Je ne connaissais pas l’existence de représentants des usagers et les moyens de contestation concernant un acte médical. J’ai décidé de porter plainte contre X pour utilisation inappropriée de midazolam (pensant être la cause du décès de ma mère) à une Gendarmerie proche.
J’ai demandé et obtenu le dossier médical de ma mère. Un peu plus tard, j’ai rencontré un avocat, qui m’avait été conseillée. Bien qu’ignorant les propriétés du midazolam et n’ayant aucune connaissance médicale particulière, elle m’a indiqué qu’elle pouvait rédiger une plainte contre le Centre hospitalier si elle avait le rapport d’un expert qui décrivait une faute professionnelle. Je l’ai crue. Je lui ai donné 600 € d’avance.
Comme le Centre hospitalier était dans la zone Police, ma plainte a été transférée au Commissariat de la ville. Un Officier de Police judiciaire est chargé de l’enquête. Le corps de ma mère a été autopsié. Le médecin légiste ne trouve pas d’éléments qui auraient pu provoquer la mort de ma mère. L’Officier de Police judiciaire demande à me rencontrer. Il me remet l’alliance de ma mère et me signale la conclusion du médecin légiste. Il me demande si je confirme ma plainte. C’est ce que je fais en lui indiquant le caractère incompréhensible de la perfusion de midazolam, qui, pour moi, avait une responsabilité dans la mort de ma mère. A ce moment je n’avais pas le dossier médical et je n’avais pas perçu le caractère dangereux de la dernière perfusion de glucose surdosée en chlorure de potassium. Je ne l’ai donc pas signalée.
L’Officier de Police judiciaire m’indique qu’il va mener l’enquête. Un médecin expert, hors département, sera commis pour rédiger un rapport sur le dossier médical de ma mère. Une analyse toxicologique sera effectuée. Mon avocat aura accès aux pièces du dossier judiciaire. Je téléphone l’information à mon avocat qui ne prendra jamais contact avec l’Officier de Police judiciaire. Je repars dans ma maison en emportant le dossier médical de ma mère pour l’examiner. Je ne savais pas que l’épidémie de Covid allait éclater quelques mois plus tard.
Ma mère avait une assurance qui comportait une protection juridique. Le responsable de cette assurance va me proposer de faire expertiser le dossier médical par un médecin expert de sa connaissance. La Compagnie d’assurance prendra en charge le coût du rapport. Elle recevra le rapport quelques mois plus tard et il faudra attendre encore deux mois pour me le transmettre. Ce rapport n'apporte aucun éclairage complet sur la fin de vie de ma mère. Beaucoup d'erreurs et d'omissions. Pas un mot sur le chlorure de potassium. Ce qui permet de conclure que le Centre hospitalier n’a commis aucune faute.
Je vais alors chercher un médecin conseil de victimes pour faire effectuer une contre expertise du dossier médical. Aucune recherche de mon avocat. J’ai contacté de nombreux médecins conseils qui vont se désister dès que je décris le décès de ma mère suite à une perfusion de midazolam.
Au bout de plusieurs mois je finis par trouver un médecin conseil de victimes qui accepte d’effectuer cette nouvelle expertise, contre la somme de 800 € payable d’avance. Le départ en vacances du médecin, la crise du Covid va retarder l’expertise. Un pré-rapport ne sera rendu qu’au début de l’année suivante. Ce document est entaché de nombreuses erreurs ou d’omissions, ce qui entraîne, de ma part, bien des critiques. Le médecin conseil de victimes déclare qu’elle va revoir son rapport et demande que mon avocat et moi lui posions des questions. Ces questions et leur réponse seront intégrées au rapport final. Celui-ci sera rendu deux mois plus tard avec … une "facture" de 528,25 € pour le traitement des questions. N’ayant eu aucune information précontractuelle ni signé de devis concernant ce travail, je ne paierai pas cette somme. Ce rapport restera encore entaché de nombreuses erreurs ou d’omissions. Le médecin ne signale pas la dernière perfusion de glucose surdosée en chlorure de potassium, les nombreux dysfonctionnements concernant les soins donnés à ma mère. Cela permet de conclure que les soins apportés à ma mère restent conformes aux recommandations usuelles. Je ne peux pas me servir de ce rapport comme support à la rédaction de la plainte.
Quelques mois plus tard, ayant fini par comprendre le rôle nocif du chlorure de potassium dans la dernière perfusion de glucose (concentration 10 g/L), je transmets ce fait au médecin conseil de victimes. Elle refuse de signaler cette dernière perfusion en prenant prétexte de son manque de compétence pour donner une interprétation de cette perfusion. Elle me demande de trouver un pharmacologue pour effectuer cette interprétation. Je finirai par en trouver un, expert auprès des tribunaux, qui rendra son rapport (23 pages très détaillées) quelques mois plus tard. Le pharmacologue signale bien les dysfonctionnements et la dernière perfusion de chlorure de potassium qui n’est pas conforme aux recommandations de bon usage. Il conclut sur trois points importants de la prise en charge de ma mère :
- la non résolution et l’aggravation de l’hypokaliémie de la patiente (étroitement liées à la tension haute et fluctuante) : l’ensemble des procédures qui auraient pu permettre la normalisation de la kaliémie n’ont pas été mises en place.
- le non respect de la concentration maximale autorisée pour une perfusion de potassium.
- la gestion approximative de la démarche palliative.
Ces trois points importants ont entraîné le décès prématuré de la patiente.
Le médecin conseil de victimes refusera de tenir compte des éléments factuels présentés dans ce rapport.
Ayant ce rapport important, mon avocat, contrairement à son affirmation de départ, se révèlera incapable de rédiger une plainte. Pas de réponse aux mails, aux appels téléphoniques. Il faudra attendre la fin de l’année pour avoir une promesse de rédaction d’une plainte pour le début de l’année suivante. Je recevrai, enfin, par mail, un brouillon de sept pages, rédaction inachevée avec, en dernière page, une ineptie : ma mère est morte d’une sédation profonde et continue occasionnée par l’injection de midazolam dans lequel on aurait mis du chlorure de potassium. J’ai dû moi-même rédiger les trois quarts de la plainte qui sera finalisée, péniblement, un mois plus tard. Une nouvelle avance de 720 € me sera demandée pour le travail effectué et celui à venir.
Une nouvelle plainte (la première ayant été classée sans suite) contre X, transmise par mon avocat, sera déposée, un mois plus tard, auprès du Doyen des Juges d’instruction d’un Tribunal judiciaire pour empoisonnement au titre de l’article 221-5 du Code pénal.
J’ai été auditionné en visioconférence presque un an plus tard par le Juge d’instruction. L’entretien, couvert par le secret de l’instruction, se passe bien. Les auditions du Chef de Service, du médecin de garde et de l’infirmière sont prévues.
A la fin de mon audition, le Juge d’instruction indique que mon avocat peut avoir accès au dossier judiciaire et en obtenir une copie (ce dossier judiciaire aurait déjà pu être obtenu plusieurs années auparavant quand un Officier de Police judiciaire avait mené la première enquête). Je demande à mon avocat plusieurs fois par mails puis par téléphone de demander cette copie. Elle m’assure avoir effectué cette démarche mais "C’est long.". Au bout de plusieurs mois, je relance encore mon avocat pour savoir si elle avait obtenu cette copie. Pas de réponse. Je finis par avoir un entretien téléphonique. Elle me déclare qu’elle va téléphoner à la greffière du Tribunal judiciaire pour l’obtenir. Une semaine après, mon avocat recevait la copie du dossier judiciaire.
J’ai pu en prendre connaissance. Une étude concernant le chlorure de potassium, n'a pas été effectuée, un surdosage n'étant pas détectable par des examens post‐mortem. Il y avait 17 pièces jointes à la plainte. Mais, dans le dossier judiciaire, ces pièces, pour certaines, n’étaient pas dans le bon ordre et le pire, le rapport très important du pharmacologue était donné dans sa pré version, bien différente, pour la partie finale, à la version définitive. Voilà encore une fois le travail de mon avocat. Dans la partie dossier médical, on retrouve des pièces qui n’ont rien n’à y faire, en particulier, en double exemplaire, une requête de mon avocat devant un Conseil des Prud’hommes ! J’ai remis les 17 pièces jointes en ordre et ai envoyé à mon avocat le fichier PDF sur clé USB. Je lui ai demandé de contacter le Juge d’instruction pour remettre en ordre cette partie de la plainte N’ayant aucune nouvelle de quoi que ce soit, je vais chercher un avocat plus sérieux.
J’ai fini par trouver un avocat plus expérimenté. Il a obtenu la copie du dossier judiciaire en une semaine. L’audition du Chef de Service et du médecin de garde ont eu lieu en fin d’année dernière. L’infirmière a été auditionnée au début de cette année. Aucune question concernant l’Ordonnance de la mort ne sera posée. En m’appuyant sur les données du dossier médical et de mes connaissances concernant l’utilisation du chlorure de potassium en milieu médical, j’affirme que ces personnels de santé ont menti au Juge d’instruction, et dans certains cas, grossièrement. Un juge d’instruction ne peut pas tout connaitre. C’est pour cela que l’on sollicite un expert pour rédiger un rapport sur l’affaire en cours. Dans mon cas, j’affirme que le rapport d’expertise (3 pages, à comparer avec le rapport du pharmacologue, 23 pages détaillées et référencées) fait à la demande de L’Officier de Police judiciaire lors de la première enquête est inexploitable parce ce que lacunaire. C'est une expertise très limitée qui procède uniquement par affirmation sans appui d’éléments du dossier médical et de connaissances médicales. Cette expertise n'a donc aucune valeur probante. Aucune analyse précise du dossier médical n’est effectuée. On arrive brutalement, à la fin de ce très court rapport, à une conclusion qui n'est pas étayée. Le Juge d’instruction n’a donc pas à sa disposition une expertise détaillée lui permettant de bien appréhender les évènements, de poser les questions importantes aux mis en cause et de donner une suite aux réponses de ceux-ci.
Après lecture à ces auditions, j’ai rédigé et transmis à mon avocat des documents pour dénoncer les mensonges des personnels de santé. Mon avocat a rédigé un courrier destiné au Juge d’instruction pour indiquer ces mensonges, en se concentrant plus particulièrement sur l’utilisation du chlorure de potassium. Il a demandé une nouvelle expertise judiciaire pour clarifier cette situation.
Pas de réponse pour le moment.
A suivre …