Combien sont-ils en France ? 15 000 ? 20 000 ? Certainement plus à posséder un diplôme de médecin obtenu à l’étranger. Plusieurs parmi eux sont même français nés à l’étranger ou naturalisés suite à un long séjour dans l’Hexagone.
Elèves brillants, ils ont effectué leurs études dans leurs pays de naissance ou ailleurs, à des milliers de kilomètres de chez eux au prix d’énormes sacrifices consentis par eux-mêmes et leurs familles.
Une fois leur diplôme en poche, ils rentrent chez eux remplis d’espoir, se promettant d’être fidèles au serment d’Hippocrate et de rembourser au plus vite les dettes contractées par leurs proches.
La perspective d’un avenir meilleur leur fait oublier les années de privations et de galère.
Mais la réalité se charge très vite de happer leurs rêves et de boucher le bout de tunnel dans lequel elle les jette sans ménagement : leurs pays de naissance, criblés de dettes, gangrénées par les mafias, souffrent depuis leur « indépendance » de mesures d’austérité pérennes, où la santé n’est prioritaire que dans les discours officiels et les propagandes politiciennes. On leur explique que les budgets ne permettent pas le recrutement de beaucoup de médecins, à moins d’être un « protégé » du système.
Qu’importe, il faut garder espoir se disent-ils. Et avec beaucoup d’abnégation ils enchainent les stages dans différents services hospitaliers et dans des cliniques privées, mal payés, exerçant dans des conditions inhumaines tant pour les patients que pour le personnel soignant.
Les années passent, ils complètent leurs formations en exerçant comme médecins généralistes ou spécialistes, sous différents statuts. Ils effectuent tous les actes médicaux y compris les plus complexes, souvent à la place du médecin titulaire ou même du chef de service. Mais ce n’est pas pour autant que leur longue expérience débouchera sur un recrutement ou une reconnaissance de leurs autorités de tutelle.
Et voilà que ces médecins, pour la plupart quadragénaires, après une seconde vague d’années de galère dans leurs pays, optent pour l’expatriation. Pour plusieurs considérations d’ordres historiques, culturels et linguistiques, ils émigrent en France, terre des droits de l’Homme.
A leur arrivée, les plus chanceux se verront attribuer le statut de PADHUE (praticiens à diplôme hors Union Européenne). Autrement dit, celui de personnels corvéables à merci, travaillant à un rythme infernal, méprisés par leurs collègues, touchant à peine le SMIG.
Compétents, ils acceptent d’exercer, sans rechigner, des mois, voire des années, dans des services où d’autres médecins, à diplômes français n’accepteront jamais d’effectuer plus d’une semaine.
Quant aux autres, les moins chanceux, ne jouissant ni d’une nationalité ni d’un diplôme français et encore moins communautaire, considérés comme la 5éme roue de la charrette médicale, ils enchaineront des postes d’intérim, en tant qu’infirmiers, aides-soignants, ambulanciers ou carrément agents d’entretien !
http://www.rue89.com/2011/06/21/medecin-etrangere-je-narrive-pas-a-exercer-legalement-en-france-210134
Mais qu’ils soient PADHUE ou relégués à un autre statut « bouche-trous », ces médecins sont persévérants, et sûrs de leurs potentialités. Qu’ils soient généralistes ou spécialistes, ils essaient de se convaincre qu’ils ne seront que provisoirement déconsidérés en France, que les autorités finiront par reconnaitre leurs compétences. Ils sont à l’affut des lois et des décrets relatifs à la validation de leurs diplômes et qui leurs permettront enfin de plier la page des humiliations.
Certains, après 10 ou 15 ans de précarité, de mobilité imposée ont pu franchir la première étape du parcours du combattant : ils sont sur la liste des candidats dont les dossiers ont été retenus par la Commission d’Autorisation d’Exercice.
« Ma joie a été de courte durée affirme Sami, médecin depuis 20 ans, né en Tunisie de mère française. Au moment où je pensais enfin obtenir la validation de mon diplôme, voilà qu’on me demande de refaire un stage d’adaptation de six mois en gynécologie. Pourtant mon dossier était complet et je ne comprends pas cette décision. » Il ajoute perplexe « Je suis obligé de subvenir à mes besoins et à ceux de ma famille. Comment effectuer un stage à titre gratuit et demeurer six mois sans ressources ? »
Quant à Rania, cardiologue, d’origine marocaine, elle galère depuis plus d’une quinzaine d’année. « Je suis partie poursuivre mes études en Russie car c’est le seul pays qui proposait des bourses. » En France je me suis retrouvée tantôt déléguée médicale, tantôt FFI (Faisant Fonction d’Interne) ou carrément infirmière. Je ne voudrais pas céder au désarroi mais j’ai l’impression que certains responsables s’accommodent de notre situation, c’est comme s’ils voulaient que des milliers de médecins compétents continuent à être exploités, payés au lance-pierre ou pourquoi pas, embauchés à titre gratuit ?!
Imaginons un instant que tous ces médecins français ou étrangers à diplômes hors Union Européenne quittent la France en même temps, n’est-ce pas une catastrophe qui s’abattra sur nos hôpitaux, déjà accablés par les mesures de restrictions budgétaires ?