Africanisme en Occident : entre la réalité des frictions et la fiction, les effractions d’une société multiculturelle
par Mehdi ALLAL,
historien et philosophe, membre du club du 21ème siècle, enseignant en droit constitutionnel
En Occident, alors que les identités culturelles se recomposent, s’entrelacent, s’enlacent à perpétuité, imprévisibles, et que les frontières se dissolvent rapidement, devant la gravité, l’aggravation des conflits ou des affrontements guerriers, rivaux ou fratricides, la question de l'intégration des communautés africaines et afro-descendantes se pose avec une acuité renouvelée, comme une stratégie à adopter subtilement.
En France, les Noirs et Noires, qui se lèvent tôt et se couchent tard pour construire leur avenir et contribuer à la société, se trouvent à l’intersection de promesses non tenues et de réalités souvent décevantes, déconcerté.e.s par une certaine hostilité à leur splendides variations de mélanine, et se concertant silencieusement lors des moments clés. Bien que certaines démarches progressistes cherchent à embrasser, à épouser et dépoussiérer une véritable multiculturalité, d'autres manifestations de discrimination et d’inégalités, sonnantes et trébuchantes, persistent. C’est validé et signé.
Le panafricanisme : plus qu’un idéal, un enjeu global
Le panafricanisme, né des luttes pour l'indépendance, pour l’interdépendance des luttes contre toute forme d’oppressions, et contre le colonialisme, est souvent réduit à un souvenir lointain, à un idéal déconnecté des réalités contemporaines.
Pourtant, ce mouvement reste crucial pour l'unité et l'émancipation des peuples d'ascendance africaine. Il offre une vision d’avenir où les diasporas, peu importe leur soutien aux nationalistes, bien plus que de simples groupes ethniques, constituent une force collective sur la scène mondiale.
L'intégration des dynamiques panafricanistes dans le débat multiculturel occidental est loin d’être une simple nostalgie, mais un vecteur d’unité et de résistance ; face aux défis actuels qui crucifient debout, qui constituent l’angle mort de nos tentatives passées de panser les plaies béantes du racisme antinoir ou anti-arabe, de certains prémices juridiques des dégâts causés par une islamophobie protéiforme trop répandue, trop conceptualisé et pas assez ressentie ; l’angle mort de nos tendances à penser ces différents flétrissures, mais marquées du sceau de la convergence crasse,… éloignées d’un silence par trop béatifiant, mais débouchant volontiers sur des interventions pacifistes et humanitaires, une conception tout à fait personnelle et permissive vis-à-vis de l’enrôlement des hiérarchies religieuses ou des fidèles croyantes et croyants…
Créolisation : une réalité difficile à ignorer
Édouard Glissant nous a légué le concept de créolisation pour décrire un métissage culturel constant, dynamique et inévitable. Cette réalité, loin d’être une simple juxtaposition de cultures, représente une fusion vivante où chaque élément se transforme au contact des autres.
En France comme ailleurs, la créolisation illustre comment les identités sont en perpétuelle évolution, façonnées par des échanges interculturels et inscrits, arrimés à un principe compréhensible de laïcité. Ignorer cette réalité serait se condamner à des visions simplistes et rigides de la diversité à l’Ouest ou au Nord de la planète.
Africanité : une connexion plus profonde que la simple identité
Le sentiment d'africanité, loin d'être une quête d'homogénéité, est une reconnaissance du pluralisme en héritage au sein même des sociétés africaines et de leur expansion, de leurs expressions atrophiées, estropiées dans les grisailles, par les différents types de misères métropolitaine.
Ce lien profond transcende les frontières et les divisions, affirmant une solidarité sans égale ; tout en célébrant la richesse des allers-retours. Dans une société multiculturelle, cette africanité plurielle est une ressource précieuse pour bâtir des ponts et surmonter les effets clivant, les survivances des errances imposées, insupportables à réfléchir, le reflet de nos incapacités potentiellement destructrices de l’humanisme et d’un universel revérifié pour un revigorant africanisme.
Vers une société multiculturelle : réaliser ou décevoir ?
Pour aller au-delà des discours et des aspirations, il est crucial de construire des normes concrètes qui garantissent l'égalité des droits tout en reconnaissant la diversité sociale, syndicale ou professionnelle. Cela passe par une refonte de l’éducation, une représentativité accrue dans les médias et les institutions, et une approche audacieuse de la discrimination positive. Cette dernière, souvent mal comprise, est un outil essentiel pour réparer les injustices héritées de l’histoire et ouvrir la voie à une véritable égalité des chances, une authentique équité dans nos appréhensions, notre compréhension des faits minoritairement visibles.
En guise de conclusion demandons-nous si cet engagement collectif est-il la cime d’une réelle transformation : est-ce un « crime » non révélé, mais autorisant les démonstrations de l’existence de certaines séquelles ?
La création d'une société multiculturelle véritable ne peut se réaliser que par un engagement collectif fort et cohérent. Il ne s'agit pas de simples ajustements, mais d'une transformation profonde des mentalités et des structures. Les notions de panafricanisme, de créolisation et d'africanité doivent être intégrées de manière réfléchie et proactive dans le débat public. Ce n'est qu'en acceptant la complexité et la richesse, la force de leurs interactions, que nous pourrons espérer construire un avenir où la diversité est une source d’inspiration, d’innovation, et non une simple toile de fond, un tableau de chasse accroché en plein salon, en plein soleil.
Conclusion : vers une réflexion éclairée
Le chemin vers une société multiculturelle véritable est pavé de défis, mais aussi d’opportunités, l’avenir de nos démocraties. Il exige une volonté politique affirmée, des normes claires et une participation active de tous les acteurs sociaux. L’avenir de notre société repose sur notre capacité à reconnaître les injustices passées, sans se flageller, et à œuvrer pour une inclusion authentique, atypique et non seulement académique ou théorique.
Un tel projet est à la fois ambitieux et nécessaire, reflétant nos idéaux les plus élevés et notre aspiration collective à un monde débarrassé des rancœurs vengeresses les plus tenaces, des traces de nos mémoires refoulées et enfouies dans des inconscients qui s’entrechoquent ou s’entrecroisent, s’introduisent dans nos certitudes dépassées.
Cette tribune est dédiée aux jeunes et aux moins jeunes, aux visionnaires et aux acteurs du changement, qui œuvrent pour une société où chaque voix, chaque système, trouve sa place. Que cette réflexion serve de guide pour avancer ensemble vers un futur où la diversité est célébrée et l’égalité véritablement matérielle, sans faire de concessions aux concessionnaires, aux recéleurs de la fin des rêves, de la fin des trêves et des griefs...