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Attaché principal des administrations parisiennes / Chargé de mission "Promesse républicaine" (DDCT) / Chargé de TD en droit constitutionnel à Paris Nanterre / Fondateur & Responsable du pôle "vivre ensemble" du think tank "Le Jour d'Après" (JDA) / Président de l'association La Casa Nostra / Membre du club du XXIème siècle / Secrétaire-adjoint de l'association des rapporteurs.trices de la CNDA (Arc-en-ciel) / Fondateur du média "De facto" / Député de l'Etat de la diaspora africaine (SOAD)

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Billet de blog 4 novembre 2024

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Le génocide oublié des Tsiganes : mémoire et résistance face à la "gitanerie"

A Léonore Maridat-Belotti, Loreleï Mirot, Myriam Encaoua, Emma Boissier, Marie Anna, Anastasia Pryakhina, Reda Kateb, Django Reinhardt, tous les boxeurs gitans, qui ont fumé, plus jeunes, tant de gitanes, qui ont protégé tant de reines "manouches", via une tchatche facile ; et Brad Pitt, incarnant dans "Snatch", le boss du milieu des roms, à Londres, les Gipsy Kings, et leur chanson "Volare"...

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En Europe, des mémoires souffrent en silence, celles des "gens du voyage", de l'oubli facile, d'une forme de docilité ou de révulsion pour les institutions ; toute forme d'autorité en général ? Le génocide des Tsiganes – communément appelés Roms, Sinti, Gitans, et Manouches – reste largement absent des livres d’histoire et des commémorations officielles, rebel à un questionnement, à un travail d'étude lucide, et non taiseux ; pour avoir précédé des drames encore plus sanglants ? Pour n'avoir su constituer un lobby, une nouvelle lubie de la part des pouvoirs publics, aux dictons vieillots ?

Alors qu’environ 500 000 Tsiganes furent exterminés par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale, l’ampleur de cette persécution demeure reléguée aux marges de la conscience collective, d'une prise en compte et d'une mobilisation à la mesure de ce massacre, qui n'a pas encore été qualifié, qui ne s'ancre nulle part, dont les victimes se sentent "nuls" partout et disposent de si peu, face au langage sirupeux des hommes en "gris"...

Ce silence n’est pas le simple oubli d’un passé révolu, mais un acte de marginalisation, qui perdure au travers de préjugés modernes, que l’on pourrait nommer sous le terme, discutable, mais révélateur, de ‘gitanerie’ : un acte qui a gangréné la trajectoire d'un peuple épris de justice et de fierté, d'une organisation sous-jacente comme nulle autre, mais dont les représentants sont cantonnés à des vis-à-vis stériles face au clientélisme, à un humanisme de quatre sou, au son strident des gyrophares ou d'un trident qui s'enfoncent dans la chaire, comme dans celle d'un triton..

Un génocide occulté, une dignité blessée, une fierté mise à bas

La reconnaissance des souffrances des Tsiganes n’a été obtenue que très tardivement, par des organismes comme le Conseil de l'Europe, dans une moindre mesure, évidemment, par certains représentants du Parlement européen, sans tenir compte des carences en eau et en pain frais, en matière d'accès aux droits fondamentaux généralement.

Il a fallu attendre des décennies pour que les survivants, et les descendants des déportés, soient enfin entendus, tout simplement reçus, en raison de préjugés tenaces, et rarement perspicaces. Même si l'Allemagne reconnaît officiellement le génocide tsigane depuis 1982, beaucoup d'autres pays, notamment à l'Est, peinent encore à l'intégrer pleinement dans leur histoire, dans leurs manuels ou leurs programmes scolaires, trop peu souples, un génocide occulté parce que non couplé aux autres atrocités qui se sont produit sous le troisième Reich. Ce retard s’explique en partie par l’absence de structures communautaires ou d’associations puissantes au sein de ces populations, mais aussi par un racisme structurel qui a depuis longtemps associé le nom même de « Tsigane » à des stéréotypes méprisants, à des fables mystérieuses, depuis la nuit des temps...

Aujourd’hui encore, le terme « gitanerie », utilisé de manière péjorative, reflète cette vision archaïque et persistante, amalgamant la culture tsigane à une forme de déviance sociale, marquée par la suspicion, l’errance et l’illégitimité. Cette expression est le reflet d’une stigmatisation collective, qui déshumanise et perpétue des idées reçues sur les Tsiganes. Elle a le mérite, cependant, de prendre position sur une ignominie haineuse, criminelle et décevant même les plus récalcitrants des gitanes et des gitans, une ignominie gisante, mais mettant à bas la fierté, tant elle est au fondement de leur errance, de leurs errements, sur des aires d'autoroute ou dans des campements de bric et de broc, une ère qui appelle un passage à l'action, sur des airs de guitare, joués par exemple dans le film "Django"...     

L’oubli historique : un prolongement de l’injustice scélérate, à la racine rongée ?

Le manque de reconnaissance du génocide tsigane crée un gouffre dans la justice administrative. La résilience de ces communautés face à des décennies d’exclusion, d’expulsions et de violence est souvent ignorée, prolongée d'expérimentations en projets de loi et propositions aussi loufoques que baroques, une vaste braderie des libertés individuelles. Les Gitans et les Gitanes, de génération en génération, portent les séquelles invisibles de ce passé marqué par la violence, transmis à travers les contes familiaux, les rites et la musique, mémoire vive d’une identité résistante, une violence dont les réseaux, les sites web se font l'écho, propagent des rumeurs infondées, parmi les foyers dont la stabilité fait envie...

Pour les descendants de victimes, chaque acte de discrimination moderne est un rappel douloureux de l’indifférence. La mémoire du génocide tsigane ne devrait pas se limiter à un simple chapitre d'un ouvrage ou d'un rapport rangé dans un tiroir, mais être intégrée comme un élément central des récits nationaux en Europe. À l’heure où les peuples s’interrogent sur leurs valeurs de tolérance et d’inclusion, faire la lumière sur cet épisode est une nécessité pour brise le cycle infernal, la spirale des mécanismes acculturant actuels, accrus par le mépris maudit.

Rompre avec la ‘gitanerie’ : pour une mémoire active et respectueuse d'une identité malmenée, estropiée ?

L’usage péjoratif du terme « gitanerie » en dit long sur notre capacité à stigmatiser une communauté entière en un mot. Au-delà des changements de langage, il est urgent de rendre justice aux Tsiganes, de reconnaître leurs souffrances et de leur offrir une place dans la mémoire collective, afin de construire une société plus inclusive et plus respectueuse, à l'endroit des espaces, des noms de rue ou d'équipements, que nous nous accordons à réserver aux malheureux et aux valeureux parmi cette petite nation en déshérence.

Le véritable antidote à l'ostracisme qui touche, trouble, torpille la santé mentale de ces individus au passé douloureux, massé comme des sous-hommes, à l'intérieur de campings désorientés, impuissants face à l'adversité, de parkings de fortune, dont les roulottes protègent avec peine l'intégrité des familles, n’est pas seulement dans les mots, face à des personnes maîtrisant parfois assez mal la langue, les codes ou les usages français, mais dans les actes : des commémorations officielles, une place dans les programmes éducatifs, et surtout, une écoute sincère des récits de vie des Tsiganes, avec l'aide de spécialistes du sujet, qui n'en font pas un objet spéculatif, simplement, seulement quantifiable, mais aussi de tablées copieusement garnies, sans les garnisons, sans des guérisons admonestées sèchement.

Ne laissons pas le génocide tsigane tomber dans l’oubli, mais ouvrons nos cœurs et nos mémoires à l’humanité qui se cache derrière chaque expression et chaque histoire. Nous leur devons cette justice, pour que le terme ‘gitanerie’ perde son pouvoir de stigmatisation et devienne synonyme de dignité, de courage et de persévérance, et ne soit pas accolé, affiché pour affoler les badauds, sur le dos de ceux qui ont "bon dos", qui encaissent silencieusement l'égoïsme, qui demeurent toujours solidaires avec leurs congénères, de la haine de la part des nantis, dont le snobisme est sans limite...

Mehdi : militant du RN et sociologue... 

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