L'expulsion de M. Niabaly Djiby par ADEF Habitat est une décision qui ne peut être passée sous silence. Après 41 ans de résidence dans un foyer, cet homme se retrouve contraint de quitter son domicile pour la location duquel il a versé un montant cumulé de loyers s'élevant à 147.000 euros. Une somme faramineuse, certes, mais cette expulsion ne résume-t-elle pas une violence sociale dissimulée derrière des chiffres ? Ce qui aurait pu être une situation traitée dans la dignité et la concertation, a tourné au bras de fer, avec l'intervention de la police pour déloger un homme dont le seul crime était d’avoir hébergé son fils.
M. Djiby, figure connue et respectée dans son foyer, a vu ses droits bafoués dans l'indifférence, dans la souffrance. Là où ADEF Habitat aurait dû faire preuve de bienveillance, dialoguer, et envisager des solutions pour régulariser cette situation, c'est la brutalité qui a prévalu. En appelant les forces de l'ordre, l'organisme gestionnaire a révélé son vrai visage, celui d’une institution rigide, sans égard pour les réalités humaines de ses résidents. Comment peut-on chasser un homme qui a passé une grande partie de sa vie à contribuer à la communauté locale, qui, après plus de quatre décennies, fait partie intégrante de la mémoire collective du lieu, du foyer Elisa Borey, au métro Ménilmontant, dans le 20ème arrondissement ?
Cet événement aurait-il pris une telle ampleur si l’on avait pris en compte les soutiens massifs dont M. Djiby bénéficiait, notamment de la part du Collectif pour l'Avenir des Foyers (COPAF) ? Il est indispensable de rappeler que ce collectif se bat quotidiennement pour protéger les droits des résidents de foyers, trop souvent oubliés dans les décisions politiques ou administratives. Leur présence aux côtés de M. Djiby témoigne d’une solidarité inébranlable, et d'une volonté farouche de faire barrage aux décisions arbitraires, d'engager le bars de fer avec des sociétés détentrices des foyers de travailleurs migrants, sans foi ni loi, des travailleurs migrants qui se retrouvent "sans toit ni loi" (film d'Agnès Varda, 1985, avec Sandrine Bonnaire)...
Le geste d'héberger son fils, loin de constituer une faute, est l'expression d'un lien familial indissociable des réalités migratoires qui structurent ces foyers depuis des décennies. En sanctionnant cet acte, ADEF Habitat ne fait que renforcer l’image d’une administration sourde aux besoins de ses résidents, une administration qui choisit la répression au détriment du dialogue, voire au détriment d'une gestion "en bon père de famille"...
Cette expulsion s’inscrit dans un contexte plus large, celui d’un logement social en crise, où les plus vulnérables sont les premiers à subir les conséquences de politiques mal ajustées. En cette période de précarité croissante, le rôle d’organismes comme ADEF Habitat devrait être de protéger, de soutenir, et non de chasser les habitants, de chausser les bottes d'un père fouettard....
Il est encore temps de corriger cette injustice. Les résidents des foyers, avec le soutien du COPAF, ne doivent pas se laisser intimider. La communauté subsaharienne doit se mobiliser, car au-delà du cas de M. Niabaly Djiby, c'est le principe même du droit au logement digne qui est en jeu. Un droit si complexe que l'on en perd son latin...
ADEF Habitat doit répondre de ses actes, et surtout, rétablir un climat de confiance, car c'est en garantissant l'humanité dans ses décisions que cet organisme regagnera sa légitimité. Il est impératif de stopper la spirale de l’expulsion et de travailler, collectivement, à des solutions justes et pérennes. Pour M. Djiby, mais aussi pour tous les résidents qui pourraient un jour se retrouver dans la même situation, celle de personnes sans recours....