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Mehdi ALLAL

Attaché principal des administrations parisiennes / Chargé de mission "Promesse républicaine" (DDCT) / Chargé de TD en droit constitutionnel à Paris Nanterre / Fondateur & Responsable du pôle "vivre ensemble" du think tank "Le Jour d'Après" (JDA) / Président de l'association La Casa Nostra / Membre du club du XXIème siècle / Secrétaire-adjoint de l'association des rapporteurs.trices de la CNDA (Arc-en-ciel) / Fondateur du média "De facto" / Député de l'Etat de la diaspora africaine (SOAD)

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Billet de blog 7 novembre 2024

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Difficile d'imposer son prénom si on s'appelle Mehdi, Rayan, Ali ou simplement Donald

A M. Bardella, qui m'a inspiré cet article... en vue de la publication de son ouvrage ! A Nicolas, assassiné à Romans-sur-Isère... A Solo Dicko, pour exactement la même raison, dont l'opus est à caractère autobiographique... par Mehdi Allal, fonctionnaire, essayiste et conseiller littéraire au sein du Rassemblement national (RN)...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans son livre récemment publié, Jordan Bardella, le jeune leader du Rassemblement National, raconte les moqueries et la condescendance qu'il aurait subies en raison de son prénom, Jordan, pas si fréquent dans notre France contemporaine, que l'on souhaiterait distante de la haine, quasi stationnaire...

Il évoque ce malaise, ce complexe de classe, ce sentiment d’inadéquation qu’il aurait éprouvé en portant un prénom différent, étranger à la tradition française, aux appellation à l'origine contrôlée, non certifiées... Cet aveu, aussi personnel qu’il puisse paraître, soulève une question qui résonne particulièrement pour nombre d’entre nous, enfants issus de l’immigration, pour qui le simple fait de porter un prénom comme Mehdi, Rayan, ou Yasmine peut devenir un combat quotidien, un défi hors du commun ordinaire....

Un prénom peut être un symbole d’identification et d’ancrage, un lien puissant vers les racines et la culture des parents, de leur façon de se taire ou de se plaire. Mais en France, pour beaucoup, ce lien se transforme en barrière sociale, en bannière identitaire, nomade ou sédentaire. Pour les enfants des quartiers populaires, porter un prénom perçu comme "étranger" peut rendre complexe le simple fait de se présenter, d'affirmer son identité, sans faire preuve de l moindre hostilité particulière...

Dès le plus jeune âge, dans la cour d'école ou plus tard dans le monde professionnel, le prénom devient un rappel constant d’une différence imposée. Un Mehdi, un Rayan, ou une Yasmine ne peuvent pas ignorer cette réalité : leur prénom, à chaque fois qu’il est prononcé, déclenche parfois des regards glaçants ou des sourires en coin, suscite des questions, voire des stéréotypes délétères.

Un fossé d’expériences vécues

Ce complexe dont parle Jordan Bardella en lien avec son prénom et son origine italienne est, certes, une part de sa construction personnelle, mais la comparaison avec la réalité que vivent des milliers de Mehdi ou Rayan en France semble bien légère. Lorsque l’on porte un prénom d'origine maghrébine, africaine, ou même asiatique, cette différence ne se limite pas aux moqueries des camarades de classe. Elle devient un frein concret, un stigmate que l’on porte souvent jusqu’à la porte de l’emploi, au moment de l’appel pour un entretien d'embauche, ou dans la file d’attente d’un bureau d’administration où les silences mortifères ne trompent pas. Elle peut même s’étendre aux démarches simplement administratives terre à terre, lorsque nos prénoms trahissent des origines étrangères, sur lesquelles d'autres projettent leurs préjugés de fer.

La dure réalité de l’"intégration" des prénoms étrangers

Cette difficulté d'imposer un prénom issu d'une autre culture est symptomatique d’une vision étroite de l'intégration en France. Le prénom est, après tout, l’une des premières expressions de l'identité et de l'appartenance culturelle. En revanche, lorsqu'un Mehdi ou un Rayan doivent justifier, excuser ou atténuer leur prénom pour éviter les jugements, on leur fait comprendre que leur identité n'est jamais totalement légitime, que pour être pleinement Français, ils devraient peut-être changer ce qui les rend si différents, en tant qu'individus ou partenaires...

Nombreux sont ceux, nombreuses sont celles, qui ont raconté leurs efforts pour "franciser" leur prénom, utilisant une autre version de leur nom pour simplifier les interactions ou pour éviter d’être perçus comme "marginaux". Cela témoigne d’un besoin de plaire, de ne pas déranger, de gommer une part de soi pour se conformer à une norme. La "déférence" de Jordan Bardella pour les racines chrétiennes de la France est certes respectable, mais quid des prénoms qui ne résonnent pas avec cette histoire-là ? Est-ce que tous les prénoms ne devraient pas être respectés, et ne pas susciter systématiquement le malaise ou la distance, en nous laissant un goût amer ?

L’urgence d’un changement de regard

Aujourd’hui, la France se compose de Mehdi, de Jordan, de Sarah, de Yasmine et de François. Les prénoms ne devraient pas être des frontières, et pourtant, ils le sont souvent devenus. Le prénom est la première identité d’un enfant, mais en France, il peut rapidement se transformer en fardeau. Plutôt que de susciter la suspicion ou d’entraîner la stigmatisation, la diversité des prénoms pourrait être célébrée comme le reflet d'une société multiculturelle riche et en évolution. Pour beaucoup, il est temps que les prénoms soient acceptés pour ce qu'ils sont : des expressions d'identité, de culture et de fierté familiale, qu'elle soit portée par le père ou la mère.

En fin de compte, l’expérience de Jordan Bardella est une invitation à comprendre, au-delà des différences, les similitudes dans la quête de reconnaissance. Peut-être devrions-nous l'écouter et nous interroger : quelle France voulons-nous, une où chacun, chacune, peut affirmer son identité sans crainte, où les noms et prénoms resteront des obstacles à la reconnaissance de chacun, de chacune, quelle que soit l'affiliation identitaire, celle issue du sang ou des ancêtres de notre terre ?

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