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Attaché principal des administrations parisiennes / Chargé de mission "Promesse républicaine" (DDCT) / Chargé de TD en droit constitutionnel à Paris Nanterre / Fondateur & Responsable du pôle "vivre ensemble" du think tank "Le Jour d'Après" (JDA) / Président de l'association La Casa Nostra / Membre du club du XXIème siècle / Secrétaire-adjoint de l'association des rapporteurs.trices de la CNDA (Arc-en-ciel) / Fondateur du média "De facto" / Député de l'Etat de la diaspora africaine (SOAD)

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Billet de blog 11 septembre 2025

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L’élection présidentielle, tragédie. De la répétition à congédier sine die ?

L'élection présidentielle consiste en la confusion entre le sommet de la hiérarchie des normes, un choc dénommé la Grundnorm selon Hans Kelsen, et l'omniscience d'un pouvoir exécutif bicéphale. Alors que le Conseil constitutionnel est le garant de cette élection et prétend en déterminer les équilibres qu'elle induit et les principes auxquels adhérer.

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L’élection présidentielle, tragédie française ?

Analyse en sciences politiques et en droit constitutionnel de l’article de Dominique Reynié dans la revue Comprendre…

Introduction

Depuis l’instauration en 1962 de l’élection du président de la République au suffrage universel direct, la 5ème République a basculé dans ce que Maurice Duverger a qualifié pertinemment de « régime semi-présidentiel »¹.

Conçu pour renforcer la légitimité de l’exécutif et assurer la stabilité politique, ce mécanisme est devenu aujourd’hui, selon Dominique Reynié, un facteur d’instabilité et un moteur du populisme².

La question est donc la suivante : comment expliquer que le « scrutin roi » de la Ve République, pensé pour stabiliser le système, soit devenu un vecteur de fragilisation institutionnelle ?

Nous montrerons que l’élection présidentielle fonctionne désormais comme une machine à produire du populisme (I), avant de souligner qu’elle constitue aussi un facteur de blocage budgétaire et institutionnel susceptible de provoquer une crise de régime (II).

  1. L’élection présidentielle comme machine populiste
  2. La personnalisation du pouvoir et la dérive plébiscitaire

La révision constitutionnelle de 1962, voulue par le général de Gaulle, a instauré une logique de personnalisation extrême du pouvoir présidentiel³.

Georges Vedel avait souligné dès 1964 que cette réforme conduisait à un glissement de la République parlementaire vers une logique de démocratie plébiscitaire⁴.

La réforme du quinquennat en 2000 a encore accentué ce phénomène, en alignant le mandat présidentiel et le mandat législatif⁵.

Pierre Rosanvallon parle à ce sujet d’une « démocratie d’incarnation »⁶, où le président est investi d’attentes quasi salvatrices, mais exposé à une sanction permanente dès lors que les résultats ne sont pas à la hauteur.

  1. La marginalisation des partis de gouvernement

Depuis le plan de rigueur de 1983, la gauche et la droite traditionnelles se heurtent à une contradiction quasiment insoluble : gouverner dans le cadre des contraintes budgétaires et européennes, tout en promettant prospérité et redistribution.

Jean-Marie Denquin parle à ce propos d’une « crise de la représentation »⁷.

Cette crise s’est traduite par l’effondrement du bipartisme.

Pascal Perrineau a montré comment la montée du Front national a capté l’électorat de défiance⁸. En 2022, plus de 50 % des voix du premier tour sont allées à des candidats « antisystème ». Le mécanisme du « barrage républicain »⁹, qui avait fonctionné en 2002, apparaît désormais largement fissuré.

  1. Une mécanique budgétaire et institutionnelle de crise
  2. La surenchère électorale et l’impasse budgétaire

La présidentielle alimente une logique de surenchère : chaque candidat multiplie les promesses, sans considération pour les finances publiques¹⁰.

Jacques Généreux parle ainsi très justement d’une « dissociété », où la logique électorale prime sur toute rationalité économique¹¹.

La Constitution avait pourtant prévu des garde-fous (articles 40 et 47). Guy Carcassonne rappelait que le Parlement devait rester le garant de la discipline budgétaire¹².

Mais dans les faits, l’hyperprésidentialisme vide ces mécanismes de leur portée : le budget devient un instrument de légitimation plébiscitaire.

  1. Le quinquennat, la dissolution et la paralysie institutionnelle

Le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral ont transformé la Ve République en régime présidentialiste majoritaire.

Lorsque la majorité fait défaut, comme après la dissolution de 2024, c’est la paralysie. Jean Gicquel a évoqué à ce propos une « présidentialisation conflictuelle »¹³.

Privé de majorité et sans culture de coalition, le président de la République se retrouve tenté par les instruments d’exception : dissolution (article 12), référendum (article 11), voire mise en œuvre de l’article 16.

Dominique Rousseau y voit une dérive plébiscitaire qui menace la démocratie représentative¹⁴.

Conclusion

L’article de Dominique Reynié éclaire un paradoxe central de la Ve République : l’élection présidentielle, cœur de sa légitimité, est devenue son principal facteur de vulnérabilité.

  • En sciences politiques, elle nourrit une dynamique populiste et marginalise les partis modérés.
  • En droit constitutionnel, elle accentue la dérive présidentialiste, paralyse le contrôle parlementaire et fragilise la discipline budgétaire.

Deux voies s’ouvrent alors : réformer le système de l’intérieur – par exemple en découplant les calendriers électoraux, en renforçant le rôle du Parlement ou en introduisant une culture de coalition – ou bien repenser entièrement l’architecture institutionnelle, dans la perspective d’une 6ème République¹⁵.

Et ce, au nom d’un climat propice à faire évoluer le régime vers un format inédit, qui soit à la hauteur de la redéfinition et de l’application des principes constitutionnels l’encadrant ;

et dont les auteurs ne sont point les neufs sages du Conseil constitutionnel, mais le peuple constituant appelé à donner son avis : soit refusant le nouveau texte, soit l’accueillant pour mieux en épouser la philosophie constructive, autrement dit guider l’interprétation qu’il convient de lui prodiguer et de lui procurer ;

afin de procéder non à un simple droit d’inventaire des présidences précédentes, mais de professionnaliser l’exercice de l’équilibre des pouvoirs qu’il prévoit et des droits fondamentaux qu’il énumère…  

Notes

  1. Maurice Duverger, Les régimes politiques (Paris: PUF, 1970).
  2. Dominique Reynié, « Élection présidentielle : une tragédie française », Conférence (Sciences Po), 9 septembre 2025.
  3. Didier Maus, La Ve République (Paris: Montchrestien, 2007).
  4. Georges Vedel, La Constitution de la Ve République (Paris: Dalloz, 1964).
  5. Ibid.
  6. Pierre Rosanvallon, Le Bon Gouvernement (Paris: Seuil, 2015).
  7. Jean-Marie Denquin, La crise de la représentation (Paris: Dalloz, 2004).
  8. Pascal Perrineau, La France au Front (Paris: Seuil, 2014).
  9. Alain Garrigou, Le vote et la vertu: Comment les Français sont devenus électeurs (Paris: Presses de Sciences Po, 1992).
  10. Dominique Reynié, art. cit.
  11. Jacques Généreux, La dissociété (Paris: Seuil, 2006).
  12. Guy Carcassonne, La Constitution (Paris: Seuil, 2010).
  13. Jean Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques (Paris: LGDJ, 2022).
  14. Dominique Rousseau, Radicaliser la démocratie: Propositions pour une refondation (Paris: Seuil, 2015).
  15. Pierre Avril, La République est-elle réformable ? (Paris: PUF, 2016).

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