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Attaché principal des administrations parisiennes / Chargé de mission "Promesse républicaine" (DDCT) / Chargé de TD en droit constitutionnel à Paris Nanterre / Fondateur & Responsable du pôle "vivre ensemble" du think tank "Le Jour d'Après" (JDA) / Président de l'association La Casa Nostra / Membre du club du XXIème siècle / Secrétaire-adjoint de l'association des rapporteurs.trices de la CNDA (Arc-en-ciel) / Fondateur du média "De facto" / Député de l'Etat de la diaspora africaine (SOAD)

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Billet de blog 17 octobre 2024

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Minorités ethniques et autonomie des territoires : une conciliation à revoir...

A Myriam Encaoua, journaliste sur La Chaîne Parlementaire (LCP)

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Tribune : L’égalité des chances, une récupération par la gauche plurielle au détriment des luttes identitaires et autonomistes

Par Mehdi Allal, historien et juriste ; au nom du peuple corse et d'Emmanuel Bernabeu-Casanova...

Depuis plusieurs décennies, la gauche plurielle en France s’est emparée avec force du concept d’égalité des chances, le présentant comme une réponse aux inégalités sociales et un moyen d’émancipation universel, le moment d'une communion populaire.

Pourtant, à y regarder de plus près, cette approche générique semble se faire au détriment de certaines luttes plus spécifiques, notamment celles des minorités ethniques ou des peuples qui revendiquent leur autonomie, voire leur indépendance, à l’image des Corses, des Bretons, des Vendéens ou des Créoles...

I. Le fondement constitutionnel et juridique de l’égalité des chances

La notion d’égalité est inscrite au cœur de la République française. L’article 1 de la Constitution de 1958, ainsi qu'implicitement la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, prônent une égalité sans distinction d’origine, de race ou de religion. Ce principe, théoriquement neutre, promet de garantir à tous les citoyens un traitement égal devant la loi et l’accès à des opportunités équivalentes, qu’il s’agisse d’éducation, d’emploi ou de participation aux fonctions publiques ; des distinctions en fonction des seuls vertus et talents, pour satisfaire ou parfaire les notions d'"utilité commune" ou d'"intérêt général" ?

Cette « égalité républicaine » est devenue un pilier du discours de la gauche plurielle, qui a fait de l’égalité des chances un impératif social, une impérieuse impression de ressentiment partagé, et le primat de revendications partitaires. Ce principe se veut une réponse aux inégalités socio-économiques, notamment à travers des réformes telles que la loi constitutionnelle de 2008, qui a permis la mise en oeuvre de mesures de parité entre les sexes dans les sphères politiques et professionnelles.

Mais en s’attachant à une vision universaliste et intégrationniste, la gauche a progressivement écarté des dispositifs plus ciblés, comme l’action positive en faveur des minorités ethniques ou les revendications autonomistes de certaines populations, désormais en action et accueillantes pour tout séjour privé, hormis les tours touristiques piétinant les us et coutumes...

II. L’égalité des chances, une solution aux inégalités socio-économiques ?

La discrimination positive, qui vise à instaurer une égalité réelle plutôt qu’une simple égalité formelle, est théoriquement acceptée par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel dans certains cas précis. Cependant, cette approche, qui devrait s’appliquer également aux minorités ethniques ou aux peuples en quête d’autonomie, se voit de plus en plus diluée dans une rhétorique d’égalité des chances, venue des pays anglo-saxons, perçue comme plus acceptable politiquement, philosophiquement, voir sur le plan phonétique et phénotypique, impliquant pléthore de tendances à l'uniformité.

Le soutien explicite aux luttes autonomistes des Corses ou des Créoles, par exemple, pourtant ancrées dans une quête d'émancipation, est progressivement remplacé par un discours lisse sur l’intégration nationale. Cette focalisation sur une égalité abstraite et globalisante, au détriment de la reconnaissance des spécificités culturelles et identitaires, montre les limites de l’universalisme républicain. La gauche plurielle, en adoptant cette approche, a participé à l’effacement des revendications politiques spécifiques, à l'éradication de toute une culture toujours vivante... D'où la petite formule assassine de Lionel Jospin visant à faire disparaître le Sénat, qualifiée d'"antiquité", alors que ce dernier doit représenter les collectivités territoriales, face aux exigences prédatrices de services déconcentrées en guise de doublon, d'un doublement des échelons administratifs, d'une doublure...

III. Le coût de cette récupération : minorités ethniques et peuples autonomistes négligés

Les Corses, les Créoles et d’autres peuples en quête de reconnaissance ou d’autonomie territoriale ont longtemps dénoncé cette récupération par la gauche, qui leur impose une vision de l’égalité incompatible avec leurs aspirations, avec des aspirants et des courtisans tranchant les questions depuis leurs bureaux parisiens ou métropolitains...

En effet, en affirmant que tous les citoyens doivent bénéficier des mêmes chances indépendamment de leur origine, la gauche invisibilise les spécificités historiques et culturelles qui sous-tendent les luttes autonomistes. L'égalité des chances, si louable soit-elle dans sa forme universelle, devient un outil de domination subtile des particularismes locaux, des particularités de chacun et de chacune d'entre nous, que nous soyons regroupés ou traités comme de simples usagers particuliers.

La thématique de l’égalité des chances est donc une épée à double tranchant : elle justifie des mesures inclusives au sein de la République tout en étouffant les aspirations à l’indépendance ou à l’autonomie, une épopée qui présente autant d'inconvénients que d'avantages. Les Corses et Créoles, les Bretons ou les Vendéens sont ainsi contraints de revendiquer leurs droits sous une bannière de plus en plus étroite, où l’affirmation identitaire se trouve marginalisée, brutalisée, voire vandalisée ou "dévalisée".

IV. Vers une nécessaire réévaluation de l’égalité républicaine

Si l’égalité des chances reste un principe fondamental du système républicain, elle doit être repensée pour ne pas devenir un outil d’uniformisation culturelle, un ustensile d'une cuisine communautariste dont la Franc a le secret. La gauche plurielle, en privilégiant ce concept au détriment de l’action positive et des revendications autonomistes, doit se confronter aux contradictions inhérentes à une telle approche.

La République française, avec son histoire complexe, ne peut occulter les luttes identitaires sous couvert d’une égalité des chances qui, dans les faits, bénéficie avant tout à ceux qui n'ont pas à se battre pour leur autonomie culturelle ou politique, ceux qui subissent une forme de joug sans protester bruyamment, sans s'épancher à torts et à travers, une traversée du désert...

Reconnaître les spécificités des peuples, qu’ils soient Corses, Créoles ou autres, et leur droit à l’autodétermination, c’est rendre justice à l’esprit de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, dont l’article premier affirme que « les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». Refuser cela au nom d'une égalité abstraite, c’est trahir l’esprit même de la République, qui demeure un cadre relativement répressif, mais également empreint de tolérance et de fraternisation, sans arrière-pensées, sans s'avancer masquée et maquée avec des relais, des intermédiations qui peuvent s'avérer décisives et relativement constructives...

En conclusion, la gauche plurielle devra réévaluer son discours sur l’égalité des chances pour y intégrer, de manière concrète, les revendications des minorités ethniques et des peuples autonomistes. Il est temps de dépasser l’universalité théorique pour aborder la réalité du pluralisme des opinions et des identités qui composent la France, à laquelle il va falloir rembourser tous les deniers perçus, si possible avec des roubles... et sans roublardise, sans prétexter une quelconque débrouillardise, le système D, comme on dit dans l'argot des beurs ! A ta santé mentale, la normalité retrouvée et les enfants au chaud, s'il le faut, s'il le fait, s'il n'en fait pas un flan...

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