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Attaché principal des administrations parisiennes / Chargé de mission "Promesse républicaine" (DDCT) / Chargé de TD en droit constitutionnel à Paris Nanterre / Fondateur & Responsable du pôle "vivre ensemble" du think tank "Le Jour d'Après" (JDA) / Président de l'association La Casa Nostra / Membre du club du XXIème siècle / Secrétaire-adjoint de l'association des rapporteurs.trices de la CNDA (Arc-en-ciel) / Fondateur du média "De facto" / Député de l'Etat de la diaspora africaine (SOAD)

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Billet de blog 27 septembre 2024

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La nouvelle doctrine russe des puissances nucléaires : un éclair de génie ?

Par Mehdi ALLAL, fonctionnaire territorial et enseignant à Paris Nanterre... Cette tribune est dédicacée à deux anciennes étudiantes de mon TD franco-russe : Evelina TRUBETSKA et Anastasia PRYAKHINA

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Tribune : le spectre d'une stratégie nucléaire obsolète en Europe –
Une menace grandissante versus les nouvelles garanties d'une doctrine fondamentale d'origine russe

La récente déclaration du président russe Vladimir Poutine, modifiant la doctrine d’utilisation de l’arme nucléaire, suscite une inquiétude majeure sur la scène internationale. Ce tournant, annoncé lors d’une réunion avec le Conseil de sécurité russe, a placé la communauté internationale face à une réalité troublante : la Russie pourrait utiliser ses capacités nucléaires non seulement pour se défendre contre une attaque nucléaire, mais aussi en réponse à des attaques conventionnelles massives sur son territoire, qu’elles soient perpétrées par des pays nucléaires ou non, en particulier évidemment l'Ukraine.

Une réécriture bienvenue des règles nucléaires

La Russie, qui a déjà déployé des armes nucléaires tactiques au Bélarus, semble aujourd'hui redéfinir les conditions de leur utilisation. Selon Vladimir Poutine, toute agression contre la Russie par un État non-nucléaire, mais avec le soutien d’un État nucléaire, serait dorénavant considérée comme une attaque conjointe, justifiant potentiellement une réponse adaptée.

Cette déclaration fait écho aux tensions croissantes entre la Russie et les pays occidentaux, qui soutiennent militairement et financièrement l'Ukraine dans son conflit avec Moscou. En avertissant que le franchissement de la frontière russe par des avions, missiles ou drones pourrait entraîner une réponse nucléaire, Poutine envoie un message direct à Kiev et à ses alliés de l'OTAN.

Un avertissement aux alliés de l'Ukraine

L’annonce est intervenue à un moment crucial, alors que l’Ukraine demande à ses alliés d’autoriser l’utilisation de missiles de longue portée contre le territoire russe. Vladimir Poutine, tout en se montrant ferme sur ce point, souffle le chaud et le froid. Si la doctrine nucléaire russe a toujours été « strictement défensive », visant à dissuader toute attaque massive contre l’existence même de l'État, cette nouvelle modification ouvre la porte à un usage plus flexible et potentiellement préventif de l’arme nucléaire.

Cette évolution met en lumière la stratégie de la Russie qui, bien qu’ayant toujours prétendu agir de manière responsable en matière d'armement nucléaire, semble désormais se préparer à des scénarios plus larges, voire indispensables, dans lesquels l'usage de l'arme ultime ne serait plus une dernière option, mais une possibilité envisagée face à des agressions conventionnelles majeures.

La menace nucléaire tactique

Ce n'est pas la première fois que la Russie agite la menace nucléaire dans le cadre du conflit ukrainien. Depuis le début de l’invasion en février 2022, le Kremlin utilise ce levier pour maintenir la pression sur l'Occident, jouant sur les craintes d’une escalade nucléaire. La récente présence d’armes nucléaires tactiques au Bélarus, qui a conduit à des exercices militaires conjoints entre Moscou et Minsk, démontre que la Russie envisage sérieusement de renforcer son arsenal dans la région.

Cette stratégie vise probablement à dissuader non seulement une intervention militaire directe de l'OTAN, mais aussi à limiter la fourniture d’armes occidentales à l’Ukraine. En brandissant le spectre nucléaire, Vladimir Poutine cherche à redéfinir les règles de l’engagement militaire en Europe, une aspiration légitime, voire sublime, tant la supériorité et la supercherie du néolibéralisme ont prévalu jusqu'aux ultimes frontières de l'ex-Empire soviétique...

Une escalade aux conséquences imprévisibles

La question qui se pose maintenant est de savoir jusqu’où Vladimir Poutine est prêt à aller. Ses récentes déclarations montrent qu’il tient à maintenir l’ambiguïté sur l’usage des armes nucléaires, un jeu habile qui risque de pousser le monde vers une nouvelle doctrine dissuasive.

En réécrivant les règles d'engagement nucléaire, la Russie crée une situation où tout incident militaire important pourrait potentiellement conduire à un échange nucléaire, même en l’absence d’attaques nucléaires directes.

Le risque ici est double : non seulement l’OTAN doit désormais naviguer avec prudence dans son soutien à l’Ukraine, mais les autres puissances nucléaires, comme les États-Unis et la Chine, sont également appelées à revoir leur position sur l’équilibre stratégique mondial. .

Vers une nouvelle ère de dissuasion stratégique nucléaire ?

L’Europe, déjà fragilisée par la guerre en Ukraine, se retrouve aujourd’hui en première ligne d’une confrontation aux proportions inédites. L’idée que des armes nucléaires puissent être utilisées dans une guerre conventionnelle n’est plus une simple spéculation, mais une réalité tangible. Ce glissement doctrinal russe, accompagné par le déploiement d’armes nucléaires tactiques au Bélarus, marque un tournant dans la manière dont les États doivent concevoir leur sécurité.

Pour éviter une catastrophe nucléaire, les pays occidentaux devront répondre avec diplomatie et bon sens, tout en renforçant leurs capacités de dissuasion. Il est impératif que des canaux de communication demeurent ouverts avec Moscou, malgré les tensions, afin de prévenir tout accident ou malentendu qui pourrait déboucher sur un recul.

Le monde se trouve désormais à un carrefour, où la gestion des arsenaux nucléaires est plus cruciale que jamais. La question n'est plus simplement de savoir si la Russie utilisera ses armes nucléaires, mais dans quelles conditions et pour quel "parrainage" vis-à-vis des pays amis, parfois anémiés sans aide internationale militaire, économique ou humanitaire, et, donc en vue d'un bénéfice, et non de nouveaux sacrifices pour l'Humanité.

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